▪ Un peu d’espoir ou de changement, ça ne dérange pas l’or. D’autant qu’il ne se soucie pas de grand-chose, puisqu’il est juste un métal inerte.
Mais ces gens qui achètent de l’or tendent à craindre pour le futur, et ils ont peur du changement qu’il amènera. Du moins, ils sont inquiets. L’or offre une assurance, que ce soit aux épargnants occidentaux qui essaient de prédire les taux d’intérêt ou la Bourse, ou aux ménages asiatiques soudainement capables de faire des économies chaque mois avec leur maigre salaire, mais qui s’améliore.
Alors dans quelle sorte de futur un cours de l’or bondirait de 1,7% (comme il l’a fait en une heure mardi dernier, le 06/11) — seulement pour maintenir ce rally au moment où Obama se voit confirmer qu’il peut conserver les clés de la Maison Blanche pour quatre ans de plus, avant de se relâcher alors que le reste des marchés financiers coule de deux ou trois pour cent ou plus mercredi ?
Le président pacifique va-t-en-guerre a maintenant quatre années de plus pour tirer les leviers et tourner les cadrans qui contrôlent la direction des Etats-Unis. C’est l’idée, du moins. Mais on est tout de même à des années-lumière des drones volants qui tuent à distance. Alors qu’Obama empochait rapidement une victoire franche concernant le nombre de collèges électoraux (la version américaine de la majorité à un tour), il a encore besoin de remporter une majorité claire dans le « vote populaire » aussi. Car sinon (ou si oui comme le pensent les analystes et les experts) la Chambre contrôlée par les républicains se sentira autorisée à bloquer ses budgets et ses projets de loi. Elle pourrait s’y sentir obligée dans tous les cas.
Qu’il tripote tous les boutons qu’il veut. Ils ne marchent plus de toute façon.
Janvier 2013 menace toujours, invitant cette ignoble fripouille de falaise fiscale à ruiner la fête mondiale du Nouvel An. La moitié de mille milliards de dollars de dépenses non provisionnées devrait disparaître — à moins que les politiciens américains puissent se mettre d’accord pour prolonger une série de baisses des impôts et d’allocations. La dernière fois (à l’été 2011) que les boxeurs de Washington se sont retrouvés collés l’un à l’autre et ont refusé de se séparer, ne pouvant plus lâcher de coups de poing efficaces comme sur un ring, les marchés financiers du monde ont plongé, et l’or a grimpé à des pics record, passant au-dessus des 1 900 $ l’once. Parce que l’agence de notation Standard & Poor’s avait rétrogradé la dette de 13,5 mille milliards de dollars du gouvernement fédéral, et les US ont perdu leur statut de débiteur « sans risque ».
▪ Où en sommes-nous maintenant ?
Aujourd’hui, la dette américaine s’est enflée de plus de 16 000 milliards de dollars. Les bourses mondiales ont récupéré (pas grâce à la crise sans fin de la Zone euro), et l’or a battu en retraite. Mais est-ce que cet « espoir-changement truc » (comme la candidate à la vice-présidence Sarah Palin parodiait la promesse essentielle d’Obama en 2010, singeant les t-shirts des activistes de base du Tea Party) a perdu tout son pouvoir en faveur des panneaux de contrôle ?
Le rally de l’or soudain et brutal de mardi a été poussé par les traders endettés qui se prennent des coups quand les cours se glissent au-dessus des 1 700 $. Vendre l’or à découvert (en anticipant les baisses futures) s’est avéré être un geste imprudent à de nombreuses reprises au cours de ces cinq dernières années de crise. Et la seconde victoire d’Obama a jusqu’ici seulement confirmé le rebond de l’or dans un environnement où tout le reste coulait. Car on attend toujours le véritable espoir et le changement réel. En dehors des Etats-Unis, il faudra que les investisseurs à travers le monde recommencent à croire en ces manivelles et cadrans de la politique US pour pouvoir défaire douze ans de marché haussier de ce morceau de métal insouciant et inoxydable.
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L’objectif est plus profond que les attaques partisanes que viennent d’endurer les téléspectateurs et les journaux du monde entier. Car quiconque aurait gagné la nuit de mardi, « l’American way [consiste à] couvrir les pessimistes de ridicule », affirme le journaliste du TIME Joe Klein. Tandis que l’or est l’investissement ultime des pessimistes, (au moins) une protection contre les politiciens perdant le contrôle qu’ils pensaient avoir et empirant en fait les choses avec leur ingérence.
La vue d’ensemble ? Contre l’or, et du côté de l’American way, règne au XXe siècle la conviction que nous vivons dans un monde « où l’homme est parvenu à une maîtrise consciente de la nature… [et donc la monnaie devrait] être une création du gouvernement », comme les intellectuels du British Museum l’ont écrit dans leur History of Money.
Choisir cette voie (en se passant des limites de l’or ou de l’argent-métal sur le montant des choses que nous pouvons tous promettre avec la monnaie) rendrait la devise « sujette et réactive aux manipulations rationnelles et aux contrôles ». C’est du moins ce que pensent les politiciens et les bureaucrates du XXe siècle — le siècle américain. Mais les autorités américaines ont aussi mis sur pied la plus grande réserve d’or au monde. Car même les optimistes ont besoin d’assurance.
« En spécifiant clairement que nous établissons des réserves métalliques permanentes en possession et propriété du gouvernement fédéral », affirmait F.D. Roosevelt au Congrès US en 1934, « nous pouvons organiser un système de devises aussi solide qu’adéquat ».
Le subterfuge était simple ; la désolidarisation du dollar et de l’or a commencé avec la mise en réserve d’une montagne d’or à laquelle il est adossé. Avec cette réserve en place dans le refuge de Fort Knox, l’Amérique pouvait appréhender un avenir brillant.
Où est cet avenir une décennie après la fin du siècle des optimistes, le siècle américain ? Les cours d’achat d’or ont aussi été multipliés par six. Le président vient juste d’obtenir une seconde chance pour l’espoir et le changement.
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