Inflation, dettes, guerres, corruption : tout cela semble ralentir le monde… sauf pour ceux qui en tirent profit.
Le sujet abordé ces derniers jours se résume simplement à ceci : les « erreurs » ont leur place. A mesure qu’une société mûrit, ses élites cherchent à s’approprier une part toujours plus grande de la production excédentaire. Elles exploitent le système et deviennent, avec le temps, de plus en plus corrompues. Elles s’enrichissent.
Mais leurs erreurs – dérive politique, endettement, inflation, guerre, sanctions, droits de douane, expansion impériale démesurée – finissent par ralentir l’économie. Les pauvres s’appauvrissent. Et pourtant, ces « erreurs » n’en sont pas vraiment : en comparaison, les riches s’enrichissent encore davantage.
Les transactions intéressées ont toujours constitué une tentation pour le pouvoir. Mais elles ont atteint un tout autre niveau au XXIᵉ siècle. Dans les années 1960, Dwight Eisenhower avait mis en garde la nation contre la montée en puissance du « complexe militaro-industriel ». Puis, fidèle à sa parole, il a pris sa retraite avec Mamie dans leur ferme en Pennsylvanie, vivant modestement de sa pension fédérale.
« Tous les présidents depuis la guerre civile ont évité tout conflit d’intérêt financier majeur avec leurs fonctions officielles », rappelle Richard Painter, ancien avocat en éthique à la Maison-Blanche.
Mais lorsque les Obama ont quitté Washington, ils sont repartis avec un contrat d’édition de 65 millions de dollars – le plus élevé jamais accordé pour les mémoires d’un président.
« Biden, Inc. » est allé encore plus loin. Hunter Biden a vendu des accès à la Maison-Blanche. Son escroquerie éhontée aurait pu lui valoir une peine de prison, sans la dernière décision de son père en tant que président. A seulement 15 minutes de la fin de son mandat, il a accordé une grâce générale à tous les membres de sa famille qui auraient pu être appelés à rendre des comptes.
Hélas, fidèle à son style bravache, l’équipe Trump s’appuie désormais sur ce précédent sordide. Finies les pudeurs sur les profits tirés de la présidence. Finies les réserves sur la publicité tapageuse ou le gain facile. Finies aussi les vieilles inquiétudes concernant les conflits d’intérêts.
Le Financial Times rapporte :
« Après avoir gagné des millions de dollars en vendant des bibles, des eaux de Cologne, des baskets et des guitares dédicacées, le président a soutiré des dizaines de millions de dollars aux réseaux sociaux et aux médias, qui ont réglé à l’amiable des poursuites judiciaires intentées par Trump et que peu d’experts juridiques jugeaient fondées. »
Une manière inédite d’acheter de l’influence : être poursuivi par Trump, puis « régler » le problème en lui versant de l’argent. Le Financial Times poursuit :
« Le cœur de la nouvelle fortune de Trump réside dans un empire des cryptomonnaies en pleine expansion, bâti par le président et sa famille. Selon l’enquête, cette activité aurait généré plus d’un milliard de dollars de bénéfices avant impôts l’an dernier, grâce notamment à un boom des cryptos encouragé par les politiques favorables à l’industrie mises en place par l’administration. »
Un empire de cryptomonnaies ? Trump a déclaré lors d’une conférence du secteur que « les règles seront écrites par des gens qui aiment votre industrie », ajoutant qu’il comptait faire des Etats-Unis la « capitale mondiale des cryptomonnaies ».
Mais de quelle « industrie » parle-t-on ? Quel est son produit ? Quel service rend-elle ? Quelle richesse crée-t-elle vraiment ? Nul ne le sait – sinon que la famille Trump, elle, s’en trouve considérablement enrichie.
Quoi qu’il en soit, la cryptomonnaie offre un excellent moyen de faire transiter de l’argent vers le président américain et sa famille… et peut-être d’acheter un certain « accès » à la Maison-Blanche. Le Financial Times évoque notamment un « cryptomilliardaire d’origine chinoise » qui aurait échappé à des accusations de fraude en investissant 75 millions de dollars dans une entreprise liée à Trump. Peu après, il aurait dîné avec le président et s’est engagé à investir 100 millions supplémentaires.
Le « super PAC » de Trump a reçu au moins 41 millions de dollars des crypto-entrepreneurs au cours du premier semestre de l’année. La société d’investissement MGX, basée à Abou Dhabi, a acheté pour 2 milliards de dollars de stablecoins Trump. Une société chinoise aurait levé 300 millions pour des cryptos associées au nom de Trump. Et un fonds des Emirats arabes unis affirme avoir acquis pour 100 millions de dollars de jetons issus d’un groupe d’investissement soutenu par l’ancien président.
Et qui pourrait s’en plaindre ? La famille de Steve Witkoff détiendrait désormais plus d’un demi-milliard de dollars en cryptomonnaies. Quant à Eric Trump, il prédit que chaque bitcoin finira par valoir jusqu’à un milliard de dollars.
Alors pourquoi s’embêter à renflouer les agriculteurs ou à rapatrier des emplois d’usine à 25 dollars de l’heure ? Il suffirait de distribuer à chacun une cryptomonnaie Trump. Leur production ne coûte rien. Et quand elles vaudront un milliard de dollars pièce, nous serons tous milliardaires ! Peut-être même qu’avec une cryptomonnaie Trump d’un milliard, on pourra s’acheter… une tasse de café.
Mais attendons : cette industrie crypto n’est-elle pas, elle aussi, l’une de ces « erreurs » – une illusion de richesse sans production réelle, engloutissant temps et capitaux au détriment de la vraie création de valeur ? En fin de compte, n’appauvrit-elle pas la majorité, au lieu de l’enrichir ?

3 commentaires
> Merci pour votre lucidité et de si bien nous instruire alors qu’on en ignore tant
> Bill Bonner for President ?
Je n’ai rien compris comme d’habitude. Et je me garderai donc de trop contester. Mais Trump est il vraiment Le PIRE ? Et s’il était moins pire, ou pas plus pire que les Autres ?
Pourquoi tous les médias européens, français en tout cas, ne cessent de nous répéter que Trump est Monstrueux? Tandis que Macron et Von der Leyen seraient, plus ou moins, vertueux ? En tout cas pas PIRE. « Les élites parasites » d’accord, c’est bien ce que tous les peuples pensent, mais dans ce texte, c’est bizarre, on ne cite que Trump.
Je me souviens de la photo d’un Zimbabwéen manifestant qui brandissait une pancarte « starving billionaire » (milliardaire affamé).