Cher lecteur, pourquoi me suis-je tant appesantie cette semaine sur un terme aussi abscons qu' »idiosyncrasie » issu des minutes de la Fed ?
Parce que cette semaine d’août en apparence anodine, nos banquiers centraux ont avoué leur impuissance. Bon, rassurez-vous, ils n’ont pas admis être des imbéciles prétentieux, ils ne démissionneront pas et ils n’iront pas en pèlerinage sur les genoux en se couvrant la tête de cendre.
Ils ont simplement commencé à admettre que ce qui se passait échappait à leur contrôle.
La Fed d’abord. Comme le note mon collègue de Crise, Or & Opportunités, Graham Summers, après lecture attentive des minutes de juillet du comité monétaire de la Fed, publiées cette semaine :
1. La plupart des membres s’attendent à ce que l’inflation décolle dans les deux prochaines années
2. Beaucoup de participants pensent que l’inflation restera sous 2% plus longtemps que prévu
3. Beaucoup de participants croient que les mesures de l’inflation ont récemment chuté en raison de « facteurs idiosyncrasiques »
4. Quelques membres croient que le modèle de prédiction de l’inflation n’est plus valide.
5. Certains membres ont fait part de leur incertitude croissante concernant les perspectives d’inflation.
Extrait des minutes :
« Cependant, la plupart des participants ont pensé que le modèle restait valide malgré l’absence récente d’accélération de l’inflation alors que le marché du travail se contracte, que la croissance du PIB est supérieure à son potentiel. »
En d’autres termes, croissance et emploi aurait dû – selon les modèles – faire surgir la fée inflation qui ronge les dettes et tond les épargnants, mais rien ne se passe comme prévu. Plutôt embêtant quand on pense tout savoir et tout prévoir.
Graham :
« La Fed ne crée pas de croissance. […] C’est un mythe. […] Considérez que plus de 50% des entreprises de l’indice Fortune 500 ont été créés durant des récessions ou des marchés baissiers.
Dit autrement, la majorité des plus grandes et plus profitables entreprises du monde furent fondées dans des conditions adverses ou durant des périodes d’aversion au risque. La Fed n’a RIEN à voir avec la croissance ou l’emploi. »
Plutôt que de l’admettre, la Fed pense que les données qui contredisent ses modèles sont simplement « idiosyncrasiques », dues à un comportement anormal qui ne sera, bien entendu, que passager… puisqu’il est anormal.
Le marché, lui, « flaire » que l’économie américaine fléchit et que les obligations américaines ont grimpé tandis que les actions ont marqué le pas.
L’or, de son côté, a officiellement marqué un nouveau point bas à 1 282 $ l’once et nous nous attendons à ce qu’il franchisse prochainement les 1 300 $ pour aller vers les 1 340 $ l’once à la fin de l’année.
[NDLR : pour recevoir plus d’analyses et de conseils de Graham et vous abonner à la lettre Crise, Or & Opportunités, c’est ici.]
L’argent donne également des signaux intéressants et il est temps de vous renforcer sur vos positions en minières or et argent.
Franchissons maintenant l’Atlantique et voyons du côté de nos apprentis sorciers de la Banque centrale européenne.
Là, c’est « bas les masques ». La BCE vient de reconnaître qu’elle se livrait au mercantilisme le plus vil : la hausse de l’euro la dérange.
Il est vrai que là aussi, nos cadors de la fausse monnaie sont pris à contrepied. La Fed augmentant ses taux directeurs et parlant de réduire son bilan, l’euro aurait dû baisser face au dollar. Il n’en fut rien. La hausse de l’euro embête la BCE car elle gênerait les exportations européennes ce qui freinerait la croissance.
L’analphabétisme économique de la Parasitocratie
C’est bien ce qu’on appelle le mercantilisme, doctrine économique qui prône le développement économique par l’enrichissement des nations au moyen du commerce extérieur. L’accumulation de la richesse des nations découle du solde positif des échanges extérieurs. D’où les efforts de chaque nation pour drainer les excédents monétaires dérivés du commerce international et de l’exploitation coloniale.
« Le mercantilisme désigne l’ensemble des rationalisations qui, depuis la fin du XVIe siècle en Europe, prétendent justifier l’exploitation du peuple par les monopoles et autres apparences de la même imposition-subvention. En France, sous le nom de colbertisme, il constitue le fonds d’analphabétisme économique — et ce qui est pire, inconscient — de la classe dirigeante. »
François Guillaumat
Tout ce fatras prétentieux de modèles prédictifs et de mercantilisme n’a rien à voir avec le libéralisme authentique.
Le libéralisme ne prétend d’ailleurs pas éliminer les crises. Sa pratique tend simplement à laisser disparaître les maillons faibles et à renforcer les autres en les rendant « antifragiles ». Comme nous le rappelle Louis Rouanet dans cet article, il est grand temps de retrouver le chemin de la liberté bancaire et monétaire qui nous mettra à l’abri du charlatanisme de nos banquiers centraux.