La modestie et l’humilité appliquées aux affaires publiques ont disparu, tout comme les conservateurs. Il n’y plus de frein aux prétentions et à la dette.
A mesure que la qualité du gouvernement décline — de Jefferson et Adams… à George W. Bush et The Donald –, l’observateur doit élargir son sens de l’humour.
Là où un bon mot le faisait glousser… ou un sous-entendu lui tirait un sourire ironique, il ne peut désormais plus que s’esclaffer comme un benêt regardant La Soupe aux Choux. Ce n’est plus que baragouin et concours de pets.
Les conservateurs américains ont organisé leur grand raout le week-end dernier. Nous avions un espion sur le terrain.
« Il n’y avait guère de conservateurs en vue », a-t-il rapporté. « Pas le moindre Ron Paul. Pas d’Eisenhower. Pas de Howard Buffett. Et certainement pas de Thomas Jefferson ».
Disparition du sens de la modestie
Aux Etats-Unis ou ailleurs, l’essence du conservatisme traditionnel, c’est l’humilité, le doute et le cynisme quant aux capacités du gouvernement.
Les activistes, en revanche, pensent pouvoir utiliser la puissance du gouvernement comme un marteau permettant de façonner un pays tel qu’ils le souhaitent.
Les conservateurs doutent que la société soit si malléable. Dans quasiment toutes les propositions, ils voient d’affreuses bosselures, non pas une forme nouvelle, lisse et élégante.
« Equilibrez le budget… et occupez-vous de vos affaires », disent les vétérans.
Aucun de ces principes n’a été mentionné lors du CPAC (Conférence d’action conservatrice politique) républicain la semaine dernière.
L’importance de cette observation, du point de vue financier, c’est que les Etats-Unis (et une bonne partie du reste du monde) ont besoin de conservateurs. Autrefois, on comptait sur eux pour que les comptes soient sains.
Les conservateurs étaient des rabat-joie, qui votaient régulièrement « non » à des programmes chers et des dépenses déficitaires.
« Il y a eu quelques discussions au sujet d’un gouvernement plus limité », a dit notre informateur.
« Mais personne ne voulait se pencher sur la réalité de cela — c’est-à-dire remettre le Deep State en question en réduisant les dépenses gouvernementales. Les gens semblent être favorables à un rapatriement des troupes américaines, mais personne ne veut vraiment affronter le bras armé du Deep State. Je n’ai entendu aucune proposition que le Deep State n’apprécierait pas ».
Une république honnête sans guerres factices
Ce que nous avons tenté de découvrir, ces derniers jours, c’est à quel point aujourd’hui ne ressemble pas à hier — il y a 77 ans, quand Warren Buffett a « tout misé » sur les actions US.
L’une des principales différences, à coup sûr, doit être la disparition des conservateurs.
Les Etats-Unis, par exemple, étaient encore une république en 1942 — dirigée par une législature fonctionnelle, plus ou moins soumise à la Constitution et guidée par les principes de base d’une société libre et raisonnable.
Il y avait des drogues mais pas de guerre contre la drogue. Il y avait de la pauvreté mais pas de guerre contre la pauvreté. Il y avait des terroristes mais pas de guerre contre le terrorisme.
L’économie américaine était encore en grande partie honnête… avec des taux d’intérêt et des prix fixés par les marchés libres.
Le dollar était encore une vraie devise — adossée à l’or.
L’armée américaine était petite ; dans l’ensemble, elle s’occupait de ses affaires et ne réagissait que lorsqu’on la provoquait.
On pouvait acheter toutes les actions du Dow pour moins de quatre onces d’or.
Il y avait aussi une Grande dépression. Sur une période de 10 ans, suite au Krach de 1929, le PIB ne s’est développé que de 20% au total.
Et si le gouvernement américain s’est profondément endetté pour financer la Deuxième guerre mondiale, il enregistrait des excédents à la fin de la guerre et a commencé à rembourser ses dettes — avec des intérêts au taux du marché.
C’est bien différent aujourd’hui.
Comme l’a noté Warren Buffett, les autorités américaines ont 40 000 fois plus de dettes. Elles en ont accumulé pour 22 000 Mds$ — 14 000 Mds$ de plus que ces 10 dernières années — et augmentent cette somme au rythme de 100 Mds$ par mois.
Ni les républicains, ni les démocrates… ni les conservateurs, ni les progressistes… n’ont l’intention de réduire les emprunts, sans parler de rembourser la dette.
Le reste de la société US est tout aussi endetté — avec un total d’environ 48 000 Mds$ de dette supplémentaire.
Les actions sont cinq fois plus chères qu’elles ne l’étaient en 1942 — il faut 20 onces d’or pour acheter le Dow.
Le gouvernement est resté le même — sur le papier. Mais le Congrès n’est plus guère qu’un festival de bla-bla. Les Etats-Unis sont désormais un empire, où les décisions importantes sont prises par — et pour — les initiés du Deep State.
Les 178 000 commandements
Les initiés dirigent principalement grâce à la réglementation. Cette dernière a elle aussi explosé. En 1960, le Code réglementaire fédéral — le document contenant toutes les réglementations fédérales — contenait déjà 22 000 pages.
A lui seul, le programme Obamacare en a rajouté 10 000 — huit fois plus que la Bible –, portant le total à plus de 178 000.
En 2018, l’édition du 20ème anniversaire des 10 000 Commandements, publié par le Competitive Enterprise Institute, est sorti.
Il décrivait les 81 883 nouvelles réglementations ayant fait leur apparition durant les deux décennies écoulées depuis la première édition.
En moyenne, une nouvelle réglementation — souvent associée à des sanctions civiles ou pénales — naît toutes les deux heures et neuf minutes.
La charge totale annuelle sur l’économie était estimée à 1 900 Mds$, une somme qui a sûrement dépassé le seuil des 2 000 Mds$ aujourd’hui.
L’armée ne prétend même plus simplement défendre les Etats-Unis. Elle cherche plutôt « la domination sur tout le spectre », ce que l’on pourrait traduire par « continuez de nous envoyer de l’argent ; on trouvera bien un moyen d’en faire quelque chose ».
Le prix le plus important du capitalisme (les taux d’intérêt) est désormais principalement déterminé — comme cela se faisait dans l’ancienne Union Soviétique — par les technocrates de la Réserve fédérale.
Les riches sont bien plus riches que la classe moyenne, et les initiés ont la ferme intention que cela ne change pas. Bref, c’est un monde très différent.
Une économie flamboyante mais frauduleuse
Pourtant, les mêmes règles — du moins les plus importantes — continuent de s’appliquer. Les marchés connaissent des booms… puis des krachs. Empruntez trop et vous faites faillite. Les gouvernements deviennent vieux, corrompus et incompétents.
Mais attendez. On a appris la semaine dernière que l’économie américaine se développe « plus vite que prévu ». Les pseudo-conservateurs américains se sont réjouis en entendant Donald Trump affirmer qu’il avait une économie « flamboyante ».
Quelle importance d’être moins libres, se sont-ils demandé, tant que le chômage est bas ?
Quelle importance que la dette américaine atteigne les 40 000 Mds$ d’ici 2028, si le PIB continue de croître ?
Quelle différence si la Fed bidouille les taux d’intérêt… tant que le Dow reste au-dessus des 23 000 ?
Rendez-vous demain. Vous verrez que les nouvelles économiques sont frauduleuses… éphémères…
… Et que l’économie ne va pas mieux que sous Barack Obama.
Et cette croissance « flamboyante » ? Elle est en fait inférieure aux taux de croissance enregistrés pendant la Grande dépression !