▪ « Et nous prions pour la situation financière de l’Irlande… et tous ceux qui en souffrent ».
Les prêtres ne s’intéressent généralement pas à l’économie politique. Pourtant, parmi les prières pour les morts, les malades, les malheureux et les incompétents prononcées dans la cathédrale St. Patrick la semaine dernière en Irlande, on demandait au Tout-Puissant d’intervenir en faveur des rendements obligataires irlandais.
Nous avons à de nombreuses reprises critiqué Ben Bernanke parce qu’il « jouait à Dieu » avec l’économie. Allons-nous avoir la chance de critiquer Dieu parce qu’il joue à Ben Bernanke ?
Dieu intervient-il ou non dans de tels sujets ? Nous ne saurions le dire. Mais si nous avions eu les rênes du programme à la cathédrale dimanche dernier, nous aurions épargné notre salive. Les problèmes financiers de l’Irlande ont été causés par l’être humain. Ils peuvent aussi être résolus par l’être humain.
Mais pas sans douleur. Et pas par les tentatives maladroites des banquiers centraux pour l’éviter.
Les tendances que nous constatons depuis des semaines semblent se poursuivre. Les actions chutent, l’or aussi. Le pétrole n’est pas très en forme.
Nous savons qu’il est inutile de vous le dire, cher lecteur, mais nous allons le faire malgré tout. Ces choses ne signalent pas une reprise. Elles signalent l’inflation. Elles ne signalent pas la fin de la « décennie perdue » que les Etats-Unis — et l’Occident, dans une grande partie — subissent depuis 2000.
▪ Ces derniers jours, nous nous concentrons sur les étranges événements qui affectent notre XXIe siècle. En dépit des conditions initiales les plus prometteuses de l’histoire, le siècle s’est révélé être un flop, jusqu’à présent.
Pourquoi ?
Personne ne le sait. Peut-être n’est-ce qu’un recul cyclique normal après des années d’expansion du crédit. Ou peut-être est-ce bien plus que ça — un retour à la moyenne, au cours duquel les pays développés ralentissent durant des décennies, de sorte que les pays émergents puissent les rattraper. Ou peut-être qu’il marque la fin de la révolution des énergies fossiles, et que nous allons nous trouver confrontés au déclin de l’utilité marginale du pétrole (qui devient de plus en plus coûteux à extraire). Si c’est cette dernière hypothèse, nous avons peut-être affaire à un siècle perdu, pas uniquement une décennie.
Tout ce que nous savons vraiment, c’est qu’Internet et les technologies de l’information qui lui sont liées ne se sont pas comportés comme on l’avait prévu. Ils ont amélioré l’efficacité, mais ont laissé des milliards de gens vivre leur vie par e-mail et par Twitter, tandis que la croissance réelle déclinait.
1 commentaire
Bonsoir M. Bonner,
J’apprécie toujours vos vues. Mais je vous trouve depuis quelque temps bien trop spenglerien. Je pense notamment que vous sous-estimez les effets d’internet, qui aboutit à une humanité plus connectée, plus conscientisée (la noosphère de Teilhard de Chardin). Un siècle perdu ? Le XXème était – il vraiment gagné, avec ses massacres de masse, la destruction des villes d’Europe, le couvercle anglo-saxon sur le monde ? bof. Ce que nous vivons est nouveau, ce n’est pas une régression mais une évolution créatrice. Bref, je préfère l’évolutionnisme bergsonien à la posture héroïco-morale de Spengler.
Avec toute mon admiration pour vos chroniques et votre vivacité de style et d’esprit.
Emmanuel Sales