▪ Il flotte comme une atmosphère de miracle sur Wall Street. Les marchés ont repris 0,6% la semaine dernière suite à la triple dévaluation du yuan orchestrée par la Banque populaire de Chine (BPC) sur mardi, mercredi et jeudi derniers.
Les Etats-Unis sont le pays qui accuse le plus lourd déficit commercial face à la Chine — il s’est d’ailleurs creusé de 7% en juin dernier. L’annonce d’un affaiblissement du yuan va aggraver la situation — et compliquer encore plus la vie des entreprises exportatrices américaines ; pourtant, elle n’a pas entraîné de fléchissement de Wall Street.
Les principaux indices américains s’offrent même le luxe de progresser. Le Dow Jones a pris 0,6% et le S&P 500, +0,7% (ces deux indices grappillant +0,4% vendredi dernier). Il en résulte un différentiel de performance qui avoisine +5% par rapport l’Europe en l’espace de quatre séances.
Cela se déroulerait sur un mois, les analystes évoqueraient déjà un phénomène de basculement transatlantique majeur… En l’occurrence, cela prend l’allure d’un séisme.
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▪ Pourquoi l’Europe fléchit-elle ?
L’initiative chinoise va pénaliser indifféremment l’Europe et les Etats-Unis, mais également le Brésil, l’Inde et les pays concurrents d’Asie du sud-est. Par conséquent, comparer le degré de nocivité de la dévaluation chinoise ne débouche sur aucune conclusion probante… et n’explique en rien la surperformance de Wall Street.
Et si Wall Street s’est réjoui de la stabilisation du yuan vers 6,39 $ après un creux inscrit à 6,45 jeudi (la BPC est intervenue — et l’a fait savoir — pour soutenir sa devise), pourquoi les autres places boursières mondiales ne l’ont-elles pas fait ?
Inutile de jouer les faux naïfs et d’invoquer, comme certains stratèges, des marchés américains moins déserts que leurs homologues européens… Tout serait de la faute à ces salariés de la finance qui ont trop de semaines de vacances de ce côté-ci de l’Atlantique et qui laissent leur portefeuille à l’abandon (comme si les robots ne veillaient pas au grain 24h/24) ?
La résilience de Wall Street repose en réalité sur deux stratégies cyniques et parfaitement assumées |
Non, la résilience de Wall Street repose en réalité sur deux stratégies cyniques et parfaitement assumées. La première consiste à ventre des actifs libellés en euro qui permettent d’extraire de la "valeur" — c’est-à-dire une différence de performance qui atteint jusqu’à 15% (bourse de Paris) et même 20% (bourse de Milan) en faveur des actions de l’Eurozone depuis le 1er janvier.
C’est le classique "vendre l’Europe pour soutenir l’Amérique".
La seconde stratégie est plus originale. Si elle a déjà été mise en oeuvre, ce ne fut jamais le cas à cette échelle : quelques "grosses mains" sont intervenues mercredi dernier (et Goldman Sachs de façon carrément massive : plus gros chiffre d’affaires en une seule séance depuis l’automne 2011) pour procéder à des rachats de titres. Non pas ceux de Goldman Sachs mais bien ceux de ses clients : les entreprises qui ont fait approuver des buybacks lors des assemblées générales.
Nous pensions naïvement que chaque entreprise qui s’est ménagée la possibilité de racheter du papier gardait la main sur le calendrier et le cours où il serait judicieux d’intervenir (notamment en cas de panique boursière ou de chute aberrante comme le 6 mai 2010).
Force nous est de constater que dans une certaine mesure, c’est Goldman Sachs (et dans une moindre mesure JP Morgan et Citigroup) qui en décide. Cela sans attendre que les cours décalent fortement à la baisse, c’est-à-dire avant même qu’une véritable consolidation ne s’enclenche !
▪ De la triche au Monopoly
C’est un fait boursier majeur. Nous découvrons la mise en oeuvre d’un nouveau mécanisme de soutien artificiel des cours de bourse qui reflète des accords secrets entre les entreprises cotées et les sherpas de Wall Street. Un nouveau mécanisme qui vise à neutraliser de façon encore plus efficace qu’un quantitative easing les lois du marché en interdisant toute consolidation des actions américaines.
Les grandes orientations budgétaires et politiques n’ont plus qu’une importance subalterne… et anecdotique |
Mercredi dernier, ce fut fait de façon volontariste et carrément ostentatoire. Dans ces conditions, puisque Goldman Sachs et consorts décident souverainement quand un marché peut baisser ou non (voire si il peut baisser), les chiffres économiques, les grandes orientations budgétaires et politiques n’ont plus qu’une importance subalterne… et anecdotique.
La bourse américaine s’apparente plus que jamais à un jeu de Monopoly en circuit fermé où les prix sont faits par les joueurs et se déconnectent totalement des prix de la vraie vie… Sauf que les sherpas de Wall Street jouent avec notre argent, celui que les banques centrales impriment mais qui n’atteint jamais l’économie réelle.
Cet argent fictif sert à maintenir une inflation perpétuelle du portefeuille des kleptocrates autorisés à s’asseoir autour de la table et à qui les banquiers donnent 100 milliards de dollars à chaque tour de circuit… quand chaque citoyen lambda qui termine le sien ne touche que 20 000 $ mais doit systématiquement remettre 10 milliards aux impôts afin de "recaver" les joueurs trop risque-tout qui se seraient fait ratatiner au tour précédent.
1 commentaire
Question de fond : Si l’industrie bancaire et financière est hors de la réalité des agents économiques (particuliers, entreprises, collectivités, états), les Citoyens de la Terre vont-ils leur laisser encore longtemps le plaisir de « jouer en bourse » (dans une fictive aire de richesses) ou vont-ils leur demander de passer à la caisse, ou bien à la casse ?