** Les valeurs françaises ont reculé sur un large front la semaine dernière. Le CAC 40 affichait un score de -4,3% et un recul maximum de 7% sur ses meilleurs niveaux des 7 et 8 mai dernier.
La séance de vendredi s’est achevée sur une note positive à Paris (+0,4%) mais cela n’a pas été le cas sur toutes les places européennes. Londres s’effritait de -0,33%, Madrid de -0,1%, Francfort de -0,05%. Les scores ont été plutôt étriqués… mais ce n’était rien par rapport aux volumes puisque 2,77 milliards d’euros seulement ont été échangés sur le CAC 40. Nous avons relu le chiffre plusieurs fois, croyant à une erreur… et puis le soir même, rebelote à Wall Street avec une activité digne d’un 15 août.
Des chiffres d’affaires extraordinairement faibles — surtout à l’issue d’une séance marquée par une avalanche de statistiques économiques puis l’expiration de contrats à terme sur indices mensuels. Pour l’anecdote, le future du CAC 40 a pris 5% sur l’échéance mai, réduisant de moitié ses gains du mois en une demi-douzaine de séances.
Les indices boursiers étaient mûrs pour consolider depuis le 7 mai dernier ; il a fallu attendre que le "fait accompli" joue à propos du stress test des banques américaines pour que les opérateurs commencent à prendre leurs profits.
Ils y étaient d’autant plus incités que de nombreuses banques américaines ont lancé des augmentations de capital dans la foulée, ce qui a ponctionné des milliards de liquidités en quelques jours.
Les indices américains ont reculé vendredi, de -0,55% à -0,75%. Cependant, ils avaient ouvert sur une note positive, grâce à quelques statistiques un peu moins contraires aux illusions des investisseurs.
Cette séance de vendredi a constitué un vrai point d’orgue avec une impressionnante cascade de statistiques de part et d’autre de l’Atlantique.
Cela avait démarré en France dès 8h30 par une véritable douche froide… mais le marché parisien n’a même pas frissonné et la hausse l’a rapidement emporté. Ceci confirme la capacité des investisseurs à digérer des indicateurs économiques qui flanquent la chair de poule : ils auraient provoqué de véritables dégringolades boursières deux mois auparavant.
** Paris a encaissé sans broncher le recul de 3% (en rythme annuel) du PIB français ; l’indice CAC 40 gagnera même jusqu’à 1% dans les minutes suivantes. L’activité économique s’est contractée de 1,2% en France au premier trimestre, après un repli de 1,5% au quatrième trimestre 2008, selon une estimation de l’INSEE. Si la consommation des ménages tient bon (+0,2%), l’investissement se replie de 3,2% côté entreprises.
Nous devons concéder aux optimistes qui continuent de miser sur une atténuation de la récession que deux tiers de la baisse du PIB sont imputables au phénomène de déstockage. Et ce dernier ne dure en général pas plus de deux trimestres — sauf dans l’immobilier, où il faut compter au minimum deux ans et le plus souvent le double.
Christine Lagarde prévoit un repli de 3% en moyenne annuelle pour 2009. Elle rappelle que les mesures de relance devraient contribuer à sortir la France de la récession, mais l’investissement des administrations publiques a reculé sur le trimestre de 0,3%, preuve que la relance par l’investissement n’est pas la panacée.
Nous rappelons que sur les 26 milliards du prétendu plan de relance du gouvernement, six milliards seulement correspondent à des mesures ad hoc. Les autres investissements ne sont que des dépenses incontournables concernant la maintenance des équipements collectifs (routes, réseau ferré, écoles, hôpitaux…).
Et si les petites entreprises parviennent à survivre en atmosphère de crédit raréfié, c’est parce que les remboursements de TVA ont été accélérés en début d’année… Cependant, ce n’est qu’une munition à un coup ; il va falloir au plus vite trouver autre chose — mais quoi ? — pour compenser l’effondrement des carnets de commande (sous-traitance automobile ou aéronautique, corps de métier impliqués dans la construction résidentielle, chantiers navals…).
** La situation n’est pas meilleure outre-Rhin. En Allemagne, le PIB est ressorti en contraction plus marquée qu’attendu : -3,8% en début d’année, après -2,2% le trimestre précédent. En glissement annuel, le PIB ressort en chute de 6,9% contre -1,8% précédemment.
Les syndicats réclament un troisième plan de relance que la coalition menée par Angela Merkel rejette avec la dernière énergie… toujours au nom de la sauvegarde des grands équilibres budgétaires qui préoccupent tant l’électorat conservateur. Ce dernier n’est pas le plus touché par le chômage, prétendent les mauvaises langues — qui ne manquent pas de souligner par ailleurs que les retraités constituent le gros des effectifs.
** Ils ne veulent pas subir le même sort que leurs homologues américains, qui ont vu leur pension chuter de 25% à 40% en quelques mois — après 45 ans de labeur — avec l’effondrement de Wall Street.
Alors que le pouvoir d’achat des retraités US connaît la pire contraction depuis les années 30, l’indice de confiance de l’Université du Michigan s’est redressé à 67,9 au mois de mai, après 65,1 en avril.
Ce chiffre reflète surtout le sentiment que la situation va cesser d’empirer. Toutefois, nous attendons de connaître les résultats des prochains sondages intégrant le constat que le redressement économique est plus lent que prévu.
L’indice Empire State mesurant la vigueur de l’activité manufacturière dans l’Etat de New York s’était nettement redressé (de 10 points) au mois de mai, à -4,55 contre -14,65 en avril. Le consensus des économistes tablait en moyenne sur un score de -12 points… mais autant enquêter en région parisienne pour déterminer si la saison de ski a été bonne dans l’ensemble des régions alpines.
Plus globalement, la production industrielle a baissé de 0,5% aux Etats-Unis en avril (comme prévu) après un repli de 1,7% en mars (chiffre révisé d’une estimation initiale de -1,5%) ; la baisse de la production atteint 12,5% en année pleine.
Les prix à la consommation sont restés globalement stables en avril aux Etats-Unis mais ils ont augmenté de 0,3% en avril hors énergie et alimentation, après avoir progressé à un rythme de 0,2% lors de chacun des trois premiers mois de l’année.
** Cette tendance positive éloigne le spectre d’une déflation qui avait ressurgi avec la stagnation des prix en Zone euro sur les 12 derniers mois. Attendons cependant de connaître l’évolution du taux central (hors énergie) au deuxième trimestre 2009 pour déterminer si la BCE a raison d’anticiper un retour à un taux d’inflation proche de son objectif des 2% en 2010.
De toute façon, ce que nos banquiers surveillent, ce sont les prix de l’immobilier, le taux de défaut sur les cartes de crédit et le taux de mortalité des entreprises… Et aucun signe d’embellie dans chacun de ces trois domaines ne se matérialise au mois d’avril.
Les conditions de prêt s’améliorent depuis le début de l’année pour les emprunteurs solvables, c’est incontestable… Le seul problème, c’est qu’ils sont de moins en moins nombreux. Enfin, détenir un bien immobilier (non vendu) en garantie est devenu un inconvénient plutôt qu’un avantage : les décotes immédiates appliquées aujourd’hui sont en moyenne de -25% (et de -40% par rapport au sommet de la vague au printemps 2007) dans certaines banlieues d’Ile-de-France. Les beaux quartiers de Paris résistent mieux statistiquement, mais c’est facile… il n’y a plus aucune transaction !
Voilà la vérité des prix anticipés à un horizon de 12 à 18 mois. De quoi dissiper l’illusion de richesse que la presse continue d’entretenir en faisant état d’une relative stabilité des prix — en oubliant de préciser que les ventes sont en chute de 40%.
Philippe Béchade,
Paris