La Fed cherche à intervenir sur la courbe des rendements – une tentative d’assouplissement quantitatif qui ne dit pas son nom… et permettra de continuer à perpétrer toutes sortes de folies monétaires.
Comment la Réserve fédérale peut-elle mettre la main sur le contrôle direct des intérêts à long terme, nous demandions-nous hier ?
La réponse est très simple : en contrôlant la courbe des rendements.
Une action centrée sur les rendements à plus long terme
Supposons qu’un rendement obligataire donné dépasse les préférences de la Réserve fédérale.
Elle peut acheter : elle achète donc l’obligation en question jusqu’à ce que ses rendements chutent jusqu’au niveau souhaité.
Comme l’expliquent Sage Belz et David Wessel, de la Brookings Institution :
« En temps normal, la Fed oriente l’économie en augmentant ou en abaissant les taux d’intérêts à très court terme, comme les taux que les banques obtiennent sur leurs dépôts au jour le jour. Avec le contrôle de la courbe des rendements (ou YCC, pour yield curve control), la Fed ciblerait des intérêts à plus long terme et promettrait d’acheter suffisamment d’obligations à long terme pour éviter que le taux ne dépasse sa cible. C’est l’une des méthodes qui permettent à la Fed de stimuler l’économie si fixer des taux d’intérêts à court terme à zéro ne suffit pas. »
C’est merveilleux, car :
« Des taux d’intérêts plus faibles sur les titres du Trésor finiraient par avoir un impact baissier sur les taux d’intérêts hypothécaires, sur les prêts pour l’achat de voitures ou la dette des entreprises. Ils feraient augmenter le prix des actions et baisser le cours du dollar. Tous ces changements aident à encourager les dépenses et l’investissement chez les entreprises et les ménages.
Des recherches récentes suggèrent qu’en fixant des taux à moyen terme bas une fois que les taux directeurs sont à zéro peut aider l’économie à connaître une reprise plus rapide après une récession. »
En attendant, le gouvernement fédéral accumule la dette à un rythme franchement spectaculaire…
Limiter les coûts de l’emprunt
Cette année, le déficit fédéral américain pourrait bien dépasser les 4 000 Mds$. Aussi loin que porte le regard, personne ne les voit baisser dans l’avenir.
Les autorités cherchent donc par tous les moyens à limiter les taux d’intérêts… pour éviter que les coûts de l’emprunt n’augmentent et ne deviennent un joug trop lourd à porter. Le contrôle de la courbe des rendements permet à la Réserve Fédérale de limiter les coûts de l’emprunt.
« Une petite minute, » me direz-vous… « Vous ne seriez pas en train de nous décrire les assouplissements quantitatifs, par hasard ? La Fed achète des bons du Trésor et d’autres actifs pour limiter les rendements… en quoi votre contrôle de la courbe des rendements est-il différent ? »
Absolument, précisément… à ceci près que les assouplissements quantitatifs ne permettent pas à la Réserve fédérale de contrôler directement les taux.
Le contrôle de la courbe des rendements lui donne cette capacité.
Tout est question de rendements
La Réserve fédérale achèterait la quantité d’obligations nécessaire pour faire chuter les rendements jusqu’au niveau souhaité.
Si 100 obligations ne suffisent pas, eh bien, on en achètera 1 000. Si 1 000 bons ne font pas l’affaire, eh bien on en achètera 10 000… et ainsi de suite, jusqu’à un million ou plus.
Selon Michael Lebowitz et Jack Scott chez Real Investment Advice :
« Supposez que la Fed fixe un rendement cible à 0,75% sur les bons du Trésor US à 10 ans. Elle peut ensuite utiliser les assouplissements quantitatifs autant qu’elle le souhaite pour acheter des bons à 10 ans lorsque le taux dépasse cette cible. Si elle arrive à ses fins, le taux ne devrait jamais dépasser les 0,75%, car les traders apprendront à ne pas se battre avec la Fed. »
On s’emploierait donc avec encore plus d’acharnement à ne pas la froisser.
Doit-on donc se préparer à un tel contrôle de la courbe des rendements ?
« Coûte que coûte »
Le président de la Réserve fédérale de New York, John Williams, affirme que lui et ses pairs « y réfléchissent activement ». Nous n’en doutons pas… enfin, pour autant qu’ils soient capables de réfléchir activement.
Nos espions à Washington – pour autant qu’ils soient fiables – nous informent que la Réserve fédérale nous présentera ses opérations de contrôle des courbes de rendements plus tard dans l’année.
Jim Rickards pense lui aussi qu’il faut s’attendre à ce type de contrôle :
« La Fed et le Trésor atteindront un nouvel accord secret, comme ils l’ont fait en 1942. Dans le cadre de ce nouvel accord, le Gouvernement américain pourrait engager des déficits plus importants pour financer la relance…
La Fed peut utiliser des opérations d’open market sous forme de rachat d’actions pour limiter les taux.
La Fed ne se contenterait donc pas d’abandonner le contrôle des taux d’intérêts : elle perdrait aussi la maîtrise de son propre bilan. La limitation des taux rend nécessaire le rachat ‘coûte que coûte’ de bons du Trésor. »
« Coûte que coûte »… nous pensons que la note sera effectivement salée… très salée. Nous verrons donc plus de manipulation. Plus de distorsions. Plus de fraude.
Ou, si l’on réduit le tout à l’essentiel :
La Réserve fédérale tente de fixer le prix de la commodité la plus chère de toute – le prix du temps lui-même.
Même les rois n’ont jamais cherché à obtenir un tel pouvoir…