En contemplant les gros titres des journaux télévisés samedi soir, je me suis senti réconforté par cet enchaînement de démonstrations d’une "France qui gagne" : médaille de bronze aux mondiaux de basket, qualification pour la finale de la Coupe Davis face à la Suisse (en novembre), et je n’oublie pas la pluie de médailles aux mondiaux de judo, ni les 4 médailles d’or de Florent Manaudou aux championnats d’Europe fin août.
Cela nous change un peu des décapitations au couteau de cuisine, des élimination de chefs shebab éthiopiens à coup de drones, de déclarations atterrantes comme "la Crimée redeviendra ukrainienne" lancée par Porochenko à la face de Poutine en pleine négociation sur le devenir des régions russophones de l’Est du pays vendredi dernier.
L’actualité du weekend n’en a pas rajouté dans le registre "un monde de brutes, sans foi ni loi"; pas de quoi boucler un nouveau chapitre de la saga planétaire – que l’on pourrait croire calquée sur la série Game of Thrones –, avec un focus sur l’action la plus barbare ou le meilleur coup tordu de la semaine.
LA LISTE NOIRE DE L'INVESTISSEMENT |
Je disposais donc d’une petite fenêtre pour rédiger une chronique garantie sans OGM (Option de la Géopolitique du Massacre), sans sucre ajouté… et sans complot.
Oui, surtout sans complot… afin de tenir une promesse faite à une de mes lectrices dont j’apprécie la culture éclectique et la finesse d’esprit.
Et ce qui est fin est potentiellement vulnérable. Ce qui a vocation à porter la lumière perd son objet quand la noirceur de notre monde l’emprisonne.
▪ Avalanche d’informations
Alors que l’actualité géopolitique fut aussi sombre cet été que la caverne de Platon, les médias se sont employés à hypnotiser ceux qui se laissent enchaîner devant leurs écrans.
Toujours plus de chaînes (d’information), toujours plus d’images, toujours moins d’analyses éclairantes aux heures de grande écoute.
Ce n’est pas un complot de plus, c’est l’adéquation parfaite entre "l’infotainment" et le désir inconscient de ne pas savoir né de la certitude instinctive de ne pouvoir rien changer à l’ordre – ou au désordre – des choses |
Eh non, ce n’est pas un complot de plus, c’est l’adéquation parfaite entre "l’infotainment" et le désir inconscient de ne pas savoir né de la certitude instinctive de ne pouvoir rien changer à l’ordre – ou au désordre – des choses.
Le véritable journalisme – celui qui insiste lorsqu’on lui lance "circulez, y’a rien à voir" –, c’est un peu comme ce 3ème oeil que nous pourrions avoir derrière notre tête ; le Créateur, dans son infinie sagesse, y renonça en réalisant quel trouble pourrait être le nôtre si nous pouvions voir tout ce qui se trame dans notre dos (non, je n’ai pas dit "ce qui se complote").
Et ce qui se passe sous nos yeux constitue un spectacle tellement confus que les sophistes – et les bouddhistes – n’ont aucun mal à nous convaincre que la réalité n’est qu’une illusion, que toute chaîne de causalité est fondamentalement inconnaissable, que tout n’étant qu’affaire de "grille de lecture" personnelle, le peu que l’on pense savoir est incommunicable (autant de témoins, autant d’interprétations du monde).
Désespérant constat que celui de l’impossibilité de "savoir"… et pire encore, de mesurer la vanité d’une mission comme celle d’informer autrui dans le fol espoir qu’il comprenne un peu mieux dans quel monde il évolue |
Désespérant constat que celui de l’impossibilité de "savoir"… et pire encore, de mesurer la vanité d’une mission comme celle d’informer autrui dans le fol espoir qu’il comprenne un peu mieux dans quel monde il évolue.
Folie ! J’ai regardé tout ce qui se faisait sous le soleil: tout n’est que vanité ou égarement de l’esprit. Avec beaucoup de sagesse augmente le chagrin et celui qui augmente en science augmente en douleur: j’ai vu tous les travaux qui se font sous le soleil; et voici : tout n’est que vanité et pâture de vent" (extrait de "l’Ecclésiate", traduction d’Ernest Renan, à mon humble avis la meilleure).
Ces sentences désabusées sont attribuées au roi Salomon. J’ignore s’il les prononça avant ou après l’achèvement du temple de Jérusalem, dont il avait commandé la construction à Hiram Abi, l’architecte forgeron qui selon la légende mena à bien le plus grand chantier d’Orient depuis l’achèvement des pyramides.
N’ayant ni la sagesse de Salomon, ni les connections d’un Laurent Fabius ou d’un Emmanuel Macron, d’un Alain Duhamel ou d’une Arlette Chabot, d’un Maurice Levy ou d’un Henry de Castries dans les hautes sphères, je me contente de relater des faits et gestes des uns et des autres et de les recouper avec des éléments de notre réalité quotidienne dont l’authenticité fait consensus.
J’avoue prendre ensuite un plaisir jubilatoire à démontrer que les paroles sont comme ces gesticulations de la main droite d’un illusionniste destinées à détourner l’attention du public de ce qu’accomplit la main gauche (la matérialité du tour) |
Et j’avoue prendre ensuite un plaisir jubilatoire à démontrer que les paroles sont comme ces gesticulations de la main droite d’un illusionniste destinées à détourner l’attention du public de ce qu’accomplit la main gauche (la matérialité du tour).
Il arrive en de rares occasions que l’illusionniste commette une maladresse délibérée pour rendre visible un "truc"… souvent pour en masquer un autre, bien plus bluffant.
▪ L’argent du contribuable, le dernier ressort
Etais-ce l’intention de Jens Weidman, le patron de la Bundesbank, lundi matin lorsque répondant à une question concernant les rachats d’ABS par la BCE (tout le monde sait qu’il est largement opposé à cette stratégie), il a étayé son propos par l’argument suivant : "je ne crois pas qu’il soit bon de transférer le risque vers le contribuable".
C’est bien le contribuable qui est le garant en dernier ressort des actifs (pourris ?) qui alourdissent progressivement le bilan des banques centrales |
Autrement dit, et comme les rédacteurs des Publications Agora ne cessent de le marteler, c’est bien le contribuable qui est le garant en dernier ressort des actifs (pourris ?) qui alourdissent progressivement le bilan des banques centrales.
L’escroquerie est d’autant plus colossale que la Fed est une institution privée mais elle dispose du privilège exorbitant de pouvoir appeler le contribuable américain – et même la planète entière via le dollar – à combler son passif, et celui de ses actionnaires (les banques systémiques) quand les choses tournent mal.
Ce n’est pas un complot puisque ce n’est pas occulte, bien au contraire ! Tout se déroule sous nos yeux ! Jens Weidman nous offre même une piqûre de rappel. Mais comme le veut l’adage, il n’est de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir et de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Ma stratégie se borne à rapprocher les argumentations officielles des sherpas de l’économie (banques centrales, FMI, BRI, OCDE, OMC, Siècle, Medef…) de la traduction concrète de leurs actes sur notre vie de tous les jours… et notre épargne.
La BCE/Bundesbank se sont fixés durant deux décennies comme mission de combattre l’inflation, un volcan éteint dont elle passa son temps à prédire le réveil |
La BCE/Bundesbank se sont fixés durant deux décennies comme mission de combattre l’inflation, un volcan éteint dont elle passa son temps à prédire le réveil.
Voici que la BCE est désormais pressée d’agir au nom de la lutte contre la déflation, ce qui consiste à remplir le cratère de dynamite en espérant que de loin, ça aura l’air d’une éruption.
▪ Mais de quelle inflation ou de quelle déflation s’agit-il ?
La jauge officielle ne rend – délibérément – pas compte de l’hyperinflation qui s’est déchaînée dans le secteur immobilier (sauf en Allemagne), de l’explosion des frais auxquels doivent faire face les étudiants, de la fiscalité (directe ou indirecte, locale ou régionale), du tarif des autoroutes, des frais médicaux (traitements plus coûteux, déremboursement de nombreux soins).
Avant de songer à combattre l’inflation ou la déflation, il faudrait déjà se doter d’un outil statistique capable de la mesurer de la façon la plus pertinente et la plus honnête au lieu d’expurger au fil des ans les variables les plus volatiles |
Oui, la plus formidable évidence, c’est l’imposture que constitue le baromètre de l’inflation. Avant de songer à combattre l’inflation ou la déflation, il faudrait déjà se doter d’un outil statistique capable de la mesurer de la façon la plus pertinente et la plus honnête au lieu d’expurger au fil des ans les variables les plus volatiles.
Evidemment, je ne perds pas de vue le constat qu’il est impossible de "savoir absolument", mais nous en savons relativement assez sur l’inflation officielle pour être absolument certain qu’il s’agit d’un énorme mensonge.
Il est entretenu avec ferveur de décennie en décennie par toutes les équipes dirigeantes de droite comme de gauche, ce qui illustre à merveille l’un des principes cardinaux qu’affectionnent les élites : "plus c’est gros, mieux ça passe" et qu’il faut coupler avec cet autre adage "un scandale chasse l’autre".
Non, ce n’est pas un complot, c’est juste un principe de gouvernement dans un monde où les boussoles indiquent le nord que souhaitent ceux qui manipulent les aimants.
Avec les taux zéro et la planche à billet, jamais notre monde économique n’a paru aussi… déboussolé !
1 commentaire
La statistique de l’inflation est en partie… biaisée par le choix des biens rentrant dans le calcul et en partie aussi par les retraitements réalisés par l’INSEE pour éliminer dans les hausses de prix constatées la part liée aux innovations. L’INSEE part du principe qu’il doit conserver un panier de biens et services homogène dans le temps ce n’est pas possible sans retraitement du fait des innovations (progrès techniques) que ne manquent pas d’introduire les entreprises dans leurs produits. Si cette approche se défend sur un plan méthodologique, quid de sa mise en oeuvre pratique (qu’est ce qu’une innovation et comment la pricer ?) et surtout quid du consommateur final qui lui est obligé d’acheter le produit courant (avec ses innovations réelles ou supposées), les anciens produits n’étant plus en rayon…