Par Isabelle Mouilleseaux (*)
L’or grimpe, faisant fi de la corrélation historique qui l’unit au dollar. Mais le dollar n’est pas le seul élément à peser sur le cours de l’once d’or. Bien d’autres vents soufflent contre l’or actuellement. Pourtant, envers et contre tout, l’once affiche une santé insolente, revenant en quelques semaines de 690 $ l’once à 945 $.
De l’inflation à la déflation… l’or résiste
Comme vous le savez, il n’y a pas plus porteur comme environnement pour l’or que l’inflation. L’inflation détruit votre capital jour après jour, sans relâche. L’or étant l’un des rares actifs capables de résister à l’érosion monétaire, il attire les capitaux comme un aimant dès que l’inflation resurgit.
L’an passé, alors que les cours des matières premières s’envolaient et que l’inflation atteignait des sommets, l’or franchissait les 1 000 $ l’once. Nous étions alors début 2008.
L’environnement a depuis bien changé. La crise bancaire est devenue financière puis économique, et touche aujourd’hui l’ensemble de la planète. Sans exception aucune. L’inflation disparaît progressivement, laissant place à des tensions déflationnistes qui tirent les prix vers le bas. La valeur des actions chute, les prix de l’immobilier se retournent, les cours des matières premières s’effondrent, les promotions dans les magasins se multiplient… les prix sont orientés à la baisse. L’or n’apprécie pas les environnements déflationnistes qui le tirent, lui aussi, vers le bas.
Mais curieusement, les tensions déflationnistes actuelles n’ont pas d’impact sur le cours de l’or. L’once semble "immunisée". Faisant même bien plus que résister aux pressions.
Et que dire de la demande mondiale d’or physique des bijoutiers qui s’effondre ?
Regardez les chiffres, ils sont impressionnants et auraient du porter un coup violent à l’once.
Concernant la demande d’or physique en provenance des bijoutiers, l’Inde fait clairement le marché. Ce pays est de très loin le premier consommateur d’or de bijouterie. Or selon l’association Bullion de Bombay, la demande des bijoutiers pourrait bien atteindre un point bas de 10 ans.
En janvier, l’Inde n’a importé que 1,8 tonne d’or contre 18 tonnes en janvier 2008 (-90%). Sur l’ensemble de l’année 2008, les importations indiennes ont reculé de 45% à 450 tonnes. Et cette tendance à l’affaiblissement se poursuit sur février. Depuis l’an 2000, les Indiens importaient chaque année, en moyenne, entre 600 tonnes d’or. Pour la première fois cette année, ils pourraient n’en importer que 100 tonnes.
Le salut de l’or vient précisément de la demande d’or physique des investisseurs, qui s’envole et vient ainsi neutraliser le mouvement baissier de la demande des bijoutiers. Les stocks d’or derrière les ETF or ont grimpé de 257 tonnes en 2006, 250 tonnes en 2007 et 316 tonnes en 2008. Quant à 2009, l’année est d’ores et déjà bien partie avec 111 tonnes acquis par ces organismes rien que sur janvier !
Autre corrélation qui a du plomb dans l’aile : celle qui unit l’or au pétrole
Lorsque le cours du pétrole — et des matières premières — baisse, les risques de tensions inflationnistes diminuent, ce qui fait baisser l’or, et inversement. Jusqu’ici, or et pétrole étaient positivement corrélés.
Mais depuis l’été dernier, les cours du brut plongent, le WTI perdant plus des deux tiers de sa valeur. Or sur la même période, le cours de l’or s’est maintenu à niveau. Comme pour le dollar, il y a découplage en faveur de l’or.
Et si les vents s’inversaient ?
Malgré les tensions déflationnistes, la chute des prix des matières, la hausse du dollar et la chute violente de la demande physique de l’Inde, l’or fait un retour en force remarqué. Il s’accroche et résiste contre vents et marrées.
Que se passerait-il si les vents se mettaient à souffler dans le dos de notre once ? Si le dollar se mettait à se déprécier, si l’inflation revenait au galop, et si les cours du brut et des matières se remettaient à monter ? Je vous laisse deviner…
Si vous me lisez régulièrement, vous savez que je m’attends à une sortie de crise inflationniste, avec reprise de la dépréciation du dollar et hausse du cours des matières premières. L’or a encore de beaux jours devant lui : n’attendez pas pour vous positionner !
Meilleures salutations,
Isabelle Mouilleseaux
Pour la Chronique Agora
(*) Isabelle Mouilleseaux rédige chaque jour l’Edito Matières Premières & Devises (Publications Agora), une lettre internet gratuite consacrée au marché des matières premières. Passionnée depuis toujours par la Bourse et par tous les marchés financiers, Isabelle s’est spécialisée dans les matières premières et veut permettre à l’investisseur particulier de découvrir et de comprendre l’investissement sur ce marché des matières premières.
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