Eliminez l’ancrage de la monnaie dans le monde réel, et vous pouvez en accumuler des quantités astronomiques. Le problème, c’est de revenir sur terre ensuite, comme les autorités vont sans doute le découvrir.
La fonction systémique objective de la monnaie de crédit est d’être élastique, biodégradable, comme nous le disions hier : c’est le grand secret alchimique.
Je vais faire court : ce grand secret, très peu de grands prêtres le détiennent. Je veux dire par là que même au plus haut niveau, très peu de gens l’ont compris et l’ont assimilé.
La plupart sont comme la malheureuse chef économiste du Trésor US, Janet Yellen, ou comme Christine Lagarde ou Jerome Powell – des gens qui se laissent prendre aux apparences et ne vont pas plus loin.
Je ne connais que très peu de gens radicaux c’est-à-dire de gens qui vont à la racine de la monnaie.
Revenons-en au fait que la monnaie de crédit est biodégradable : ce fait permet de dépasser la contradiction interne fondamentale du système capitaliste. Cette contradiction, c’est celle de l’intérêt composé : le système repose sur l’accumulation infinie… mais l’accumulation infinie est impossible. C’est le paradoxe du grain de blé sur l’échiquier.
Jusqu’au ciel
Grâce à la monnaie biodégradable, grâce à la monnaie capable de s’auto-détruire, on accumule… mais c’est uniquement au niveau des signes. La Bourse, qui n’est qu’un ensemble de signes, peut monter jusqu’au ciel même quand le monde réel s’appauvrit – ce qui se passe en ce moment.
Grace à l’alchimie de la monétarisation, vous sortez du réel, vous opérez une disjonction. Vous échappez aux contradictions et aux antagonismes du réel, vous les envoyez en l’air, là où tout est possible.
Le réel, lui, reste ce qu’il est !
Ainsi si vous n’accumulez que fictivement, vous cessez de vous heurter aux limites de l’accumulation réelle, vous n’accumulez que… du vent.
C’est ce que font les marchés financiers bullaires en ce moment : ils accumulent un sentiment, une croyance de richesse.
Ils accumulent des signes dont le caractère magique doit être réaffirmé de temps autres par une création monétaire colossale, de plusieurs milliers de milliards, comme c’est le cas depuis mars 2020. Création monétaire qui accroît et accélère les forces d’auto-destruction de la monnaie tout en donnant l’illusion qu’on prolonge sa vie.
La monnaie ne survit qu’en produisant encore plus de ses forces de destruction, de ses forces qui la minent !
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]