▪ Le CAC40 a ricoché en intraday sous les 3 809 points hier — un seuil qui n’a été mentionné par aucun chartiste, le débordement des 3 787 points semblant ouvrir grande la route des 3 850 ou des 4 000.
Pourtant, les 3 809 points correspondent très exactement à une droite de résistance unissant le zénith du 16 mars 2012 (3 600 points) et celui du 29 janvier 2013 (3 785 points).
L’autre phénomène assez déroutant, c’est l’absence de volumes : moins de 2,5 milliards d’euros négociés. Le franchissement des 3 800 aurait dû engendrer le déclenchement d’une cascade de programmes d’achats — soit sous forme de stops, soit sous forme de réplication indicielle.
Une hausse sans volumes qui contredit le discours dominant évoquant l’appétit pour le risque et la désertion des actifs sans rendement.
Ce phénomène est général — et tout aussi évident à Wall Street, où le Dow Jones a pulvérisé son record avec des échanges inférieurs de 15% à la moyenne des six derniers mois.
▪ 2007 – 2013, les différences
Des « marchés » où il n’y a en réalité qu’un seul acheteur — la Fed — qui assume pleinement sa volonté de voir les opérateurs se ruer sur les actions. C’est une situation assez atypique, les marchés affichant d’ordinaire une activité record lors du franchissement de sommets historiques.
En octobre 2007 par exemple, les volumes d’échanges quotidiens tournaient autour de 1,35 milliards de titres sur le S&P 500 ; ils sont voisins de 575 millions désormais.
Puisque nous évoquons quelques menues différences entre les sommets de 2007 et 2013, voici un petit florilège que nous avons glané sur CNBC. Nous en profitons pour remercier les contributeurs des forums de ce site car nous n’avons pas pour habitude de nous approprier le travail des autres.
Prix de l’essence sans plomb : 2,75 $ en 2007 contre 3,75 $ en 2013
Croissance anticipée pour 2008 : 3,2% contre 1,6% en 2013
Américains sans emploi : 6,7 millions contre 14 millions en 2013
Américains survivant grâce aux bons alimentaires : 27 millions en 2007, 48 millions en 2013
Encours de la FED : 890 milliards en 2007; 3 100 milliards en 2013
Ratio dette/PIB : 38% en 2007, 100% en 2013
Déficit budgétaire annuel : 97 milliards de dollars en 2007 contre 976 milliards en 2013
Total des dettes « sociales » cumulées : 9 000 milliards de dollars en 2007, 16 500 milliards en 2013
Pourcentage de la population active disposant d’un emploi : 65,8% en 2007, 63,6% seulement en 2013 (plus faible score depuis 1980)
Confiance des consommateurs : 99,5% en 2007, 70% (environ) en 2013
Rendement des bons du Trésor US : 4,6% en 2007, 1,9% ce 7 mars
Or : 750 $, 1 600 $ aujourd’hui.
Les deux derniers éléments sont particulièrement éclairants. Mais LA différence radicale et fondamentale, c’est qu’à l’époque, il existait un marché où une multiplicité d’opinions et de stratégies se confrontaient.
Aujourd’hui, il y a un seul acheteur, un seul décisionnaire qui fixe arbitrairement le prix des actifs : il a pour nom la Fed.
▪ Méchants et bonnes nouvelles : tout est faux !
Ses membres nous jouent depuis 15 jours le sketch du gentil et du méchant flic. Il y a quelques jours, Ben Bernanke et Janet Yellen ont dissipé la mauvaise ambiance instaurée par Richard Fisher, qui avait pris un malin plaisir à faire peur aux marchés fin février. Et voilà maintenant que Charles Plosser vient remettre un coup de stress en dénonçant la politique monétaire actuelle et ses conséquences déstabilisantes sur les marchés !
Wall Street s’est très vite rassuré en réalisant que c’est un « faux méchant » : M. Plosser ne figure pas parmi les membres votants de la Fed cette année. C’est un peu comme un policier en civil, sans sa plaque et son arme de service : il est venu faire de la figuration… et son avis a autant de valeur qu’un PV rédigé avec de l’encre invisible.
Une des autres caractéristiques marquante de l’époque actuelle, c’est la tentation de nombreux médias de nous prendre pour des idiots, en nous assénant une propagande haussière parfaitement grotesque par le biais de ficelles aussi discrètes qu’un câble d’amarrage de porte-avion.
Figurez-vous que les commandes d’industrie aux Etats-Unis pour janvier sont ressorties « meilleures que prévues »… à -2%.
Toujours la même présentation biaisée de la réalité visant à faire croire que « tout va mieux que bien » (pour reprendre la célèbre expression de Jean-Marie Messier prononcée quelques semaines avant la faillite de son groupe Vivendi).
Les commandes étaient attendues en baisse de 2,2% — donc -2%, c’est un très bon résultat ! Encore cinq ou six mois de baisse d’activité « moins forte que prévu » et l’économie américaine sera au top… de la croissance négative (ce qu’un groupe d’économistes américains commence à anticiper pour le premier semestre en cours).
Les amuseurs du bon peuple nous expliqueront qu’ils ne retiennent que le mot « croissance », lequel est particulièrement prometteur et porteur d’heureux présages… alors que de simples chroniqueurs à courte vue — comme ceux de La Chronique Agora — se contenteraient bêtement d’écrire que les Etats-Unis sont en récession.
1 commentaire
bonjour et merci Monsieur Béchade pour ce tres bon article .
nous sommes tres nombreux sur les forums a penser comme vous .
cordialement