▪ Les places boursières mondiales n’ont pas raté leur entame de troisième semaine du mois de juin. Les indices asiatiques avaient donné le ton lundi matin en grimpant de 1,2% à Taïwan, 1,6% à Bombay et 1,8% à Tokyo.
Le CAC 40 s’est empressé de s’aligner en gagnant 1% dès l’ouverture (ouvrant une bonne douzaine de points au-dessus de son zénith de vendredi) puis rapidement 1,3% et 1,5%. En fin de matinée, la conclusion ne fait plus de mystère pour personne : la résistance des 3 600 points a été emportée comme un fétu de paille par un courant acheteur qui perdure depuis le 9 juin et ne semble pas faiblir, du fait de l’envol de l’euro jusque vers les 1,23 $.
Le CAC 40 s’est offert une progression de 2% pour sa quatrième séance de hausse consécutive, dans un volume de 3,85 milliards d’euros. Le bilan mensuel (calendaire) s’affiche positif de 3,3%. Mais ce n’est pas à ce score que les traders s’intéressent. Ils raisonnent par échéance mensuelle ; la prochaine — qui tombe quoi qu’il advienne chaque troisième vendredi du mois, c’est-à-dire le 18 juin — est d’une importance capitale.
En effet, le premier semestre 2010, par le jeu des contrats sur indices, avait débuté à 3 794 points le 21 décembre 2009. Mardi dernier, le bilan des six premiers mois de l’année s’établissait à -10,5%.
▪ Pas de quoi pavoiser… Par ailleurs, le lapin posé par Angela Merkel à Nicolas Sarkozy à deux heures d’un dîner prévu à Berlin depuis des mois laissait craindre que le couple franco-allemand appartienne à l’histoire ancienne. Cela laissait une Europe — désormais sans leaders — vulnérable à toutes les attaques ciblant la monnaie unique, jusqu’à son éclatement final.
Il s’en est fallu de peu que le CAC 40 ne dévisse en direction des 3 000 et que l’Euro-Stoxx 50 ne plonge en direction des 2 250 points ! Une semaine plus tard, il ne manque plus que 170 points au CAC 40 (soit environ 4,5%) pour voir des dérivés d’indices achetés fin décembre expirer à l’équilibre… au lieu d’afficher des pertes voisines de 20% (équivalentes à l’écart entre le sommet annuel et le plancher des 3 290 points testé le 25 mai).
Avec 7,5% repris en une seule semaine, l’espoir a changé de camp. Les ours espéraient rafler la mise dans les mêmes proportions qu’à l’issue du premier trimestre 2009. Pourtant, ils risquent de rentrer bredouille d’une pêche qu’ils pensaient encore miraculeuse au début du mois de juin, sur fond de crise de confiance dans l’euro (brièvement retombé sous les 1,19 $).
Les taureaux ont symétriquement vu leur herbe reverdir avec les quelques beaux jours qui se sont succédés depuis le 8 juin. Ils nourrissent à présent le fol espoir que le CAC 40 refranchisse les 3 700 points d’ici le milieu de cette semaine… Cela avant de s’arracher vers les 3 800 dans un ultime et grandiose coup de reins vendredi prochain, à l’occasion de la séance des "Quatre sorcières" (un premier semestre sans vainqueurs ni vaincus en quelque sorte).
Pour les taureaux amateurs de charges se limitant à des sprints sur de courtes distances, le mois de juin commence à distiller un doux parfum du succès, avec un gain latent de 6%. Si le CAC 40 débordait les 3 700 points, cela commencerait à ressembler à un triomphe. Beaucoup de baissiers recommenceraient à se demander, comme fin février dernier, s’ils n’avaient pas rêvé l’effondrement des emprunts grecs ou la rechute de l’euro sous les 1,30 $.
▪ Non ils n’ont pas rêvé… L’agence de notation Moody’s a brutalement balayé les espoirs dorés sur tranche des haussiers en annonçant lundi soir une dégradation massive — quatre crans d’un coup, de "A3" à "Ba1" — de la note de la dette souveraine grecque. Cette dernière se retrouve ainsi en catégorie "junk" (spéculative avec fort risque de défaut de paiement).
Moody’s invoque les incertitudes à moyen terme liées aux conditions draconiennes permettant d’actionner le mécanisme de soutien promis à Athènes par la Zone euro et le Fonds monétaire international. Voilà une piqûre de rappel qui dissipe bien des illusions !
Dès le communiqué connu des opérateurs à Wall Street, il n’a pas fallu une poignée de minutes pour voir Wall Street passer de +0,9% en moyenne à +0,3%. Cela dans le sillage d’un euro qui rechutait de 1,23 vers 1,2220 $, effaçant la moitié des gains du jour.
▪ Pour tous ceux qui auraient voulu l’occulter, lorsque la BCE achète des émissions de bons du Trésor grec (ou des emprunts émanant de banques locales), elle charge son bilan d’obligations pourries. C’est exactement ce que le Traité de Lisbonne — et ce point très précis apparaît crucial aux yeux des Allemands — était censé interdire.
Nous imaginons le froid que l’information a dû jeter alors que Français et Allemands s’apprêtaient à porter un toast au "sauvetage des apparences" auquel ce dîner de travail était consacré.
Parce que pour le reste — et sur tous les sujets essentiels –, Angela et Nicolas ne sont d’accord sur rien ! Ils pourront au moins considérer unanimement que l’initiative de Moody’s tombe au plus mauvais moment. Et nous soupçonnons que cela ne doit rien au hasard du calendrier !
Sur le fond, cela ne change pas grand-chose au statut de la dette grecque. Elle avait déjà été dégradée à "junk bond" en avril par Fitch et S&P… Mais une question reste en suspens : pourquoi ce lundi 14 juin à 19h45 alors que l’euro s’attaquait à la barre des 1,23 $ ?
Si les marchés avaient retrouvé le sourire, c’est également parce que cela les arrangeait bien d’occulter le fait que les montants pris en pension par la BCE avaient atteint ce week-end le montant record de 390 milliards d’euros (deux fois plus qu’il y a un an à la même date).
▪ Ces 390 milliards rémunérés à 0,5% (plus quelques millièmes), ce sont autant de liquidités que les banques ne se prêtent plus entre elles, même à 1,5% entre établissements d’Europe du Nord)… ni même à 2% pour les banques italiennes, portugaises ou espagnoles.
Et ne parlons par des banquiers grecs qui ne recevraient pas un euro, même en promettant à leur créancier une visite VIP du Parthénon suivi d’une semaine de vacances gratuites dans un île de rêve avec champagne et sirtaki à volonté.
Tâchons tout de même de rester positif, même sans l’ivresse d’un bon champagne sabré dans l’allégresse. Après le coup de massue asséné aux marchés par Moody’s ce lundi soir, les agences de notation sont maintenant à court de munitions contre la Grèce.
Cependant, il ne faudrait pas que la Bundesbank et Angela Merkel en profitent pour durcir leur opposition à tout secours automatique aux pays dans l’incapacité de se refinancer ailleurs qu’auprès des guichets de la BCE, laquelle supervise la mise en oeuvre de l’Euro-TARP.