Inflation galopante, perte de compétitivité et déclin industriel dessinent un tableau inquiétant. Comment en est-on arrivé là ? Et surtout, comment réparer une machine économique qui, hier encore, faisait figure de modèle ?
L’économie allemande était autrefois une puissance industrielle mondiale, portée par une croissance soutenue de ses capacités de production en période de prospérité et dotée d’une capacité de résilience exceptionnelle en temps de crise.
L’Allemagne bénéficiait d’une activité industrielle robuste, d’une productivité solide et d’un taux de chômage remarquablement bas, une combinaison aboutissant à des salaires réels élevés pour ses travailleurs. Cependant, au cours des cinq dernières années, l’économie allemande n’a fait que stagner, et son PIB est aujourd’hui inférieur de 5% au niveau qu’il aurait dû atteindre si la tendance haussière pré-COVID s’était maintenue, selon les calculs de Bloomberg Economics. Plus inquiétant encore, ils estiment que l’essentiel de ce retard ne sera jamais rattrapé.
La plupart des analyses attribuent la faiblesse de l’économie allemande à la hausse des coûts de l’énergie et au ralentissement chinois qui affecte ses exportations. Cependant, la réalité est plus complexe.
L’Allemagne s’est infligée à elle-même ses difficultés économiques actuelles
L’Allemagne a commis sa première grande erreur en 2012, lorsque ses dirigeants ont adopté le point de vue de la gauche sur la crise de la dette européenne, qui attribuait les problèmes économiques à la soi-disant politique d’austérité, qui en réalité n’existait que dans leur imagination.
L’Allemagne s’est ralliée au keynésianisme et a donné son aval en 2014 aux mêmes politiques monétaires inflationnistes et interventionnistes qui ont toujours abouti à la destruction de l’Europe.
Le gouvernement allemand et la Bundesbank ont accepté à contrecoeur une politique de taux d’intérêt négatifs et une expansion massive de la masse monétaire sous l’impulsion de la BCE, tout en permettant à la Commission européenne d’abandonner ses procédures de poursuite des Etats pour endettement excessif et d’approuver des plans de relance successifs, comme le plan Juncker ou le fiasco du programme Next Generation EU. Résultat : la zone euro est plongée dans la stagnation, avec encore plus de dettes et, désormais, de l’inflation.
Les Allemands ont subi une inflation cumulée de plus de 20% au cours des cinq dernières années. Les politiciens en rejettent la faute sur l’Ukraine et Poutine, mais nous savons tous que ce n’est qu’une excuse ridicule. L’augmentation de la masse monétaire et la hausse constante des dépenses publiques ont détruit le pouvoir d’achat de l’euro et alimenté l’inflation. « L’accélération de la croissance de la masse monétaire a précédé la flambée de l’inflation, et les pays où cette croissance a été la plus forte ont connu une inflation nettement plus élevée » (Borio et al., 2023).
Les keynésiens pensaient qu’un euro plus faible stimulerait les exportations allemandes, mais c’est un mythe. Les pays développés leaders à l’exportation prospèrent grâce à la forte valeur ajoutée de leurs produits, et non à des coûts plus bas. Quoi qu’il en soit, toutes les politiques interventionnistes adoptées par l’Union européenne ont abouti à une dépréciation de la monnaie et à une économie encore plus fragile.
La deuxième erreur fatale de l’Allemagne concerne sa politique énergétique. Les prix élevés de l’énergie ne sont pas une fatalité, ils résultent d’une politique malavisée.
Les politiciens allemands ont fermé le parc de centrales nucléaires et ont dépensé plus de 200 milliards d’euros pour subventionner les énergies intermittentes, tout en poursuivant l’utilisation du charbon et du lignite, qui représentent encore 25% de sa production d’électricité selon l’AGEB 2024. Globalement, 77% de la consommation énergétique allemande et 40% de sa production d’électricité proviennent des énergies fossiles.
Les politiciens allemands ont également adopté la position de l’UE consistant à interdire le développement du gaz naturel domestique, tout en augmentant les importations de gaz naturel liquéfié américain issu du fracking. Fascinant.
De plus, le coût des subventions colossales et des réglementations qui a été répercuté sur les factures énergétiques ont conduit à une situation où plus de 60% du prix de l’électricité payé par les consommateurs correspond aux taxes et surcoûts réglementaires, y compris le coût des quotas d’émission de CO2, qui constitue une taxe cachée.
Les Allemands paient plus cher leur énergie tout en restant dépendants des énergies fossiles, car le gouvernement a également sacrifié son accès au gaz naturel russe bon marché et l’a remplacé par des alternatives coûteuses et peu fiables. Il n’y a que des politiciens pour déclarer une guerre énergétique tout en interdisant les alternatives viables.
La troisième erreur de l’Allemagne a été d’avaler sans broncher les politiques de plus en plus nuisibles de la Commission européenne et du Parlement européen. Le ralentissement de l’économie chinoise n’explique pas à lui seul la stagnation de l’un des leaders mondiaux à l’export, d’autant plus que le géant asiatique affiche encore une croissance de 5% par an.
L’Allemagne, autrefois fière de son tissu industriel, voyait son économie prospérer grâce à ses produits à forte valeur ajoutée, son avancée technologique et son ouverture au monde qui lui permettait de vendre partout et de s’adapter à n’importe quel environnement macroéconomique.
Ce qui a provoqué la stagnation et le déclin de son industrie autrefois puissante, malgré une croissance mondiale soutenue, c’est la combinaison d’une réglementation excessive, de freins à l’innovation, d’une fiscalité trop lourde et de l’adoption de l’Agenda 2030 qui interdit les véhicules à moteur thermique.
Les politiciens ont saboté le potentiel commercial de tout le complexe industriel allemand avec une politique environnementale et réglementaire malavisée. Des militants radicaux ont utilisé l’Agenda 2030, apparemment inoffensif, pour imposer un modèle interventionniste et improductif, anéantissant des pans entiers de l’industrie et de l’agriculture allemande. La loi (mal nommée) de « restauration de la nature », qui rend presque impossible l’exercice des activités du secteur primaire, a fait encore plus de dégâts.
L’Union européenne a graduellement imposé une réglementation étouffante et découragé l’innovation, de sorte que l’Allemagne a aujourd’hui perdu son statut de leader technologique. La supériorité technologique et de l’ingénierie allemande reposait sur un système ouvert, hautement compétitif et incitatif, qui a été détruit par la bureaucratie et la réglementation. L’Allemagne reste l’un des leaders mondiaux en matière de dépôt de brevets, mais elle est à la traîne par rapport aux Etats-Unis, et ces brevets débouchent rarement sur des succès commerciaux.
Les politiciens allemands affirment que tous ces défis deviendront des atouts à l’avenir. J’en doute fortement, car historiquement leurs prévisions se sont généralement révélées erronées. Ce dont l’Allemagne a besoin, c’est d’abandonner les politiques monétaires inflationnistes, l’interventionnisme étatique et les idées caricaturales de militants radicaux.
Si l’Allemagne adopte ces changements, son économie renaîtra de ses cendres.
L’Allemagne n’a pas de problème de compétitivité, ni de capital humain – mais un problème strictement politique. Qu’elle abandonne l’interventionnisme socialiste, et l’Allemagne retrouvera le chemin de la croissance ainsi que son leadership.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.