La chute des technos est la chute du dernier carré qui résistait au problème des taux et du déficit.
Le cycle long du crédit a débuté après la seconde guerre mondiale, à la faveur de Bretton Woods. La fin de la seconde guerre mondiale a permis la naissance de l’hégémon US en tant qu’émetteur central de dettes.
Il a été prolongé à la fois par des ajustements à Bretton Woods – Bretton Woods 2 – et par l’instauration d’un régime de régulation/gestion/stimulation par les bulles.
La dernière bulle en date est la bulle du secteur technologique, et en particulier celle des Magnificent Seven.
Le sous-jacent de toutes les bulles, celle qui permet de gonfler toutes les autres par émission de dette et de monnaie, c’est la bulle des fonds d’Etat, c’est-à-dire la bulle de la dette du gouvernement américain.
Avec l’inflation post-2020 et le risque d’inflation de long terme qui se profile à l’horizon, la bulle des fonds d’Etat devient fragile et vulnérable.
La dette a dépassé les 33 trillions, et le déficit 2023 est de plus de 2 trillions.
Les tensions géopolitiques mondiales, les tensions sur les ressources naturelles mondiales, les guerres, le besoin d’investissement lié à la transition climatique, les incertitudes sur le recyclage mondial des déficits américains, tout cela laisse présager la fin du régime actuel et la mise en place d’un nouveau régime.
La mise en place de ce régime met en danger la bulle-mère de toutes les bulles ; celle des Treasuries américaines.
L’action Google est désormais en baisse de 10%, affichant sa pire journée depuis mars 2020. Près de 200 milliards de dollars de capitalisation boursière ont été effacés rien qu’aujourd’hui.
Les sept plus grandes valeurs technologiques du S&P 500, les Magnificent Seven, ont perdu aujourd’hui plus de 500 milliards de dollars au total.
Il s’agit de la liquidation technologique la plus large depuis des mois, et elle a produit un plus-bas de cinq mois pour le S&P 500.
C’est ce qui se produit lorsque les quelques actions qui soutiennent l’ensemble du marché s’effondrent. Les Magnificent Seven représentaient 30% de la capitalisation boursière du S&P.
L’ensemble du marché hors Magnificent Seven présente une configuration menaçante, sinon baissière.
La chute des Magnificent Seven signifie que l’appétit pour le jeu qui s’était concentré, et refugié sur la technologie, disparaît ; la spéculation passe de l’envie à la peur.
Les valeurs technologiques commencent-elles à intégrer une récession ?
Je pense que non, et que ce qu’elles intègrent, c’est la possibilité que les taux restent plus élevés plus longtemps, et la possibilité qui se dessine que nous changeons de régime économique et monétaire, c’est-à-dire que l’inflationniste devient plus difficile à pratiquer.
Pour le formuler autrement, ce que je subodore, c’est que l’on puisse à la fois être dans un cycle court et dans un cycle long et que les deux commencent à converger.
Le cycle court, c’est le cycle des affaires, le cycle conjoncturel d’activité ; et le cycle long, c’est le cycle du crédit, soit celui qui permet de réguler et de limiter les effets des cycles courts.
Autrement dit, encore, le cycle long signifierait la fin ou la difficulté des Etats-Unis à conserver la possibilité de traiter tous les problèmes, économiques, financiers, monétaires, budgétaires, sociaux, et géopolitiques par l’émission de dollars et de dettes.
Le plus important, ce n’est pas le niveau des taux, mais le niveau du déficit budgétaire de 1,7 trillion, alors que la récession menace, que la guerre coûte cher et que les dépenses sociales s’envolent.
La hausse des taux longs et la chute de l’intérêt étranger – sauf les vassaux – pour les valeurs du Trésor US vont dans ce sens, tout comme la chute des technologiques.
La chute des technos est la chute du dernier carré qui résistait au problème des taux et du déficit.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]