Wall Street surferait-il sur une désinflation d’origine migratoire ?
Quel final vendredi à Wall Street, et quel message envoyé aux « bears » ! « Regagnez votre tanière, quelques heures ensoleillées ne signent pas l’avènement du printemps des ours. »
Cela fait 23 semaines que les baissiers sont condamnés à l’hibernation… Si la 22e fut la dernière réellement positive, la 23e n’a pas pour autant cassé la tendance haussière.
La séance du jeudi 4 avril fut la pire de l’année, tous les éléments étaient réunis pour un « grand basculement » : trois baisses de taux non garanties par la Fed en 2024, envolée du pétrole, envolée de l’or, le « 10 ans » US à 4,40%, le Proche-Orient au bord de l’embrasement, etc. Mais la séance du 5 avril fut l’une des meilleures, les pertes de la veille étant intégralement effacées à la mi-journée, pas totalement au final.
Le repli hebdomadaire reste toutefois marginal (-0,7 à -0,8%) et le S&P 500 reste à moins de 1% de son record absolu.
Non, le plus long rallye de l’histoire n’est pas « mort », Wall Street reprend juste son souffle et certains investisseurs piaffent d’impatience de reprendre l’ascension. Les acheteurs se sont manifestement empressés de « payer » le premier « accroc » de l’année 2024 (en fait, le 1er repli supérieur à -1,5% en quelques heures observé depuis fin octobre).
Mais cela n’a pas suffi à éteindre le panneau « en hibernation » à l’entrée de la grotte des ours.
Le mot d’ordre « achetez tous les creux » semble toujours aussi mobilisateur à New York, les mêmes programmes d’achat gravés dans le marbre algorithmique depuis fin octobre 2023 : priorité aux « titans » à plus de 1 000 Mds$ de « capi » et aux champions des semi-conducteurs (avec Meta +3,2%, Western Digital +3,4%, Amazon et AMD à +2,8%, Nvidia et Marvell Techno +2,5%, Microsoft +1,8%…).
Toujours sous pression, Tesla chutait de 3,6% avec la rumeur de l’abandon du développement d’une Tesla « low cost » à 25 000 $ – un créneau que truste son principal concurrent, le Chinois BYD – mais peu après la clôture, le titre reprenait +2,5% avec l’évocation d’un nouveau projet, le « robotaxi ».
Mais à ce stade, nous sommes conscients d’avoir simplement décrit des faits, sans fournir d’explication convaincantes au rebond de Wall Street vendredi.
La lecture au premier degré des chiffres de l’emploi US rend la vague de rachats encore plus paradoxale, car il n’y avait rien de bon concernant la principale donnée. L’économie américaine a créé 100 000 emplois de plus que prévu en mars, selon le rapport mensuel du département du Travail (NFP), et le taux de chômage a baissé à 3,8%, contre 3,9% le mois précédent. Quant à la hausse des salaires horaires, elle s’est avérée conforme aux attentes.
D’où cette question qui demeure entière : qu’est-ce qui a bien pu rassurer les investisseurs qui s’étaient mis la veille à douter qu’une seule baisse de taux soit au programme ces neuf prochains mois ?
Il nous a fallu creuser et confronter les données sur plusieurs trimestres, pour comprendre en quoi la situation de l’emploi est moins favorable qu’il n’y paraît… et il nous faut revenir à la définition statistique d’un emploi, lequel consiste simplement en une embauche, sans aucune précision sur le temps que le salarié doit consacrer à sa tâche (il peut s’agir de seulement quelques heures par semaine). C’est une notion cardinale qui illustre une tendance lourde, qui naturellement ne saute pas aux yeux, et nous découvrons un « biais » absolument radical, puisque la totalité des gains d’emploi proviennent de jobs à temps partiel.
Et c’est plus flagrant que cela ne l’a jamais été le mois dernier : les Etats-Unis ont créé 691 000 emplois à temps partiel, tout en perdant 6 000 emplois à temps plein.
Et comme nous l’avons déjà souligné, ce n’est pas un épiphénomène, mais une tendance lourde qui se confirme au fil des mois.
En 2023, le nombre d’emplois à temps plein a chuté de 1,347 million, tandis que le nombre d’emplois à temps partiel a augmenté de 1,888 million, soit un écart de plus de 500 000.
Et devinez quoi : ce sont les Américains « de souche » qui constituent la quasi-totalité des 500 000 « plein temps » perdus, et les migrants sont ceux qui ont signé à 90% pour occuper des jobs à temps partiel (les « illégaux » acceptent, en effet, n’importe quelle rémunération symbolique, car c’est le sésame pour obtenir plus tard une régularisation et un titre de séjour).
C’est cette réalité qui est largement tue par les médias démocrates aux Etats Unis – mais bien connue sur le terrain – qui est en train de pousser le vote « pro-Trump » vers des sommets, et y compris au-delà de son électorat conservateur et xénophobe… puisque l’ex-président est en train de conquérir le vote « latino » et même « afro-américain », des Américains qui occupent souvent les emplois les moins qualifiés.
Car ce sont eux, les premières victimes de l’afflux de migrants – qui acceptent des rémunérations très faibles – souhaité et encouragé par Joe Biden, avec un record de près de 3,2 millions d’entrants, très majoritairement illégaux, en 2023.
Ce sont les nouveaux migrants qui privent de leur emploi ceux des générations précédentes… et tous ces jobs « low cost » ne génèrent pas beaucoup de pouvoir d’achat. Cela serait déflationniste et donc rassurant concernant la spirale prix/salaires, qui se trouve enrayée par ce phénomène de « moins-disance salariale » (qui tire finalement le niveau de vie général vers le bas, ce qui à terme fait bien les affaires de la Fed… et donc de Wall Street !).