« Ni trop chaud, ni trop froid », telles sont les conditions économiques appréciées des marchés, basées sur le conte de Boucle d’or. C’est oublier un peu vite que ledit conte est basé sur un vol pur et simple (doublé d’une effraction…).
Vous souvenez-vous de Boucle d’or (Goldilocks, en anglais) ? Dans ce conte du XIXème siècle, la fillette préfère sa soupe ni trop chaude ni trop froide, n’en déplaise aux trois ours qu’elle rencontre sur son chemin.
Gravure de Arthur Mee et Holland Thompson
Les économistes ont récupéré cette histoire pour décrire une situation dans laquelle l’économie se trouve dans une zone tempérée. Les marchés ne se situent ni en surchauffe, ni en récession – tout comme la soupe de Boucle d’or.
Bien entendu, le conte Goldilocks a été récupéré de façon tronquée voir idéologique ; c’est pour cela qu’il a connu un tel succès auprès des banquiers centraux et de leurs complices des marchés.
Car finalement, ce conte nous met en scène un vol : un humain vole le repas préparé par des ours – et singulièrement celui de bébé ours.
Moi je ne souris pas, je trouve cela scandaleux ;
– Boucle d’or est un véritable parasite qui fait le mal, y compris aux écureuils ;
– quelqu’un s’approprie le travail d’un autre ;
– en jouit, se régale impunément ;
– prive quelqu’un d’autre de sa nourriture ;
– et le pire de tout, c’est que c’est au détriment d’un bébé.
C’est une façon imagée de dire que dans le scenario Goldilocks il y a des gens qui paient, d’autres qui jouissent – et que la victime, c’est l’avenir, le bébé.
Un vol caractérisé
Les financiers sourient car c’est ce qu’ils font quotidiennement – notamment lorsqu’ils utilisent le crédit et la dette pour attirer à eux les richesses réelles que d’autres produisent par leur travail. Ceci, ils le font au détriment des plus faibles et surtout au détriment de l’avenir.
La racine de Goldilocks, sa structure cachée, archétypale, c’est le vol, la confiscation et la prédation de ceux qui produisent, et le pillage de l’avenir !
On se demande bien pourquoi Goldilocks est considéré comme l’équivalent d’un cercle vertueux, ni trop chaud ni trop froid, non ?
Il faut le cynisme des marchés financiers et des « conteurs » des banques centrales pour oser trouver cela positif et souhaitable. Le pire, c’est qu’ils vont plus loin : ils considèrent que c’est la situation idéale, et ils veulent que cela dure.
Les indicateurs de base du cercle vertueux
Tous les indicateurs sont au vert dans un scénario Goldilocks. L’inflation est modérée, les taux d’intérêt sont faibles, le chômage est réduit à sa portion congrue, les prix d’actifs progressent et la croissance est faible mais elle dure. La bicyclette ne tombe pas.
Les bonnes nouvelles alimentent les bonnes nouvelles dans une forme de cercle vertueux. Dans le scénario Goldilocks, tout le négatif est évacué :
– le vol de ceux qui produisent ;
– la jouissance de ceux qui ne produisent pas ;
– la constitution d’une dette ;
– la culpabilité de l’extorsion ;
– le report dans l’avenir de la sanction et de l’heure des comptes, pas l’heure des contes.
Quelle est la structure cachée du Goldilocks économique qui plaît tant aux financiers ? C’est le parasitage et la constitution de fantastiques inégalités.
Goldilocks = création de pouvoir d’achat tombé du ciel, sans travail + inflation des dettes et des prix des actifs + modération des prix des biens et services à cause de l’insuffisance de revenus du travail + demande d’investissement productif faible + modération des salaires + excédents de capacité de production + effets modérateurs de la technologie et de la Chine.
Goût du jeu
Goldilocks a à voir avec l’audace, le goût du jeu de la communauté spéculative mondiale, le risk-on pour les uns et le risk-off, la peur, l’angoisse, la frilosité pour les autres, les masses.
C’est la défaite des classes salariées et de leurs syndicats et la prise de pouvoir politique des ultra-riches, avec la vague de globalisation, l’arbitrage international du travail, la substitution des machines à la main d’œuvre, Bretton Woods II, etc.
Goldie, c’est un système complexe formé au fil du temps, depuis le milieu des années 1960, pour contrer – par la politique monétaire, par l’alchimie des Bourses, par l’impérialisme géopolitique – la tendance à la baisse de la profitabilité du capital.
Dans les années 1960, pour financer le beurre de la Great Society et les canons de la guerre du Vietnam, le système a évolué. Il s’est envoyé en l’air, il a mis en place le remplacement des ressources réelles, gagnées et produites, par des promesses, des bouts de papier qui, avec leur caractère fictif, ont permis de reporter dans le temps tous les problèmes, toutes les tensions et tous les antagonismes pour le partage de richesses réelles.
Durant cette période, on a remplacé à la fois délibérément et inconsciemment la tension sur les ressources réelles et le partage par une solution fondée sur l’illusion. On a partagé les signes, on a donc propulsé les antagonismes dans les airs, dans l’imaginaire.
Pour ce faire, on a joué sur une monnaie fétiche – qui fait croire aux gens qu’avoir des signes monétaires c’est comme avoir des biens réels, des biens et des services.
Le secret de Goldilocks, c’est le vol, le mensonge et enfin l’illusion qui permettent de croire que les tensions réelles et les conflits peuvent trouver leur solution, leur résolution définitive dans l’univers monétaire et financier.
On a créé, greffé sur l’univers réel un univers imaginaire de signes faits de monnaie, d’actifs financiers, de promesses, de droits, d’assurances etc.
On a donné aux uns sans prendre aux autres, on a hypothéqué l’avenir.
On a réalisé le rêve du 2+2 = 5 !
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]
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Imaginons un prof de fac d’éco dire à ses étudiants : » A l’instar de l’oeuf ou de la poule, est-ce la fausse monnaie qui crée la fausse démocratie, ou est-ce la fausse démocratie qui crée la fausse monnaie ? Vous avez quatre heures.