Les actifs sont les passifs, les passifs sont les actifs… et les relations entre marchés et économie sont mal comprises. Il y a du travail à faire…
Comment en sommes-nous arrivés là, nous demandions-nous hier ? Pourquoi tous les dysfonctionnements actuels du capitalisme et des marchés financiers ?
Parce que l’on a inventé l’inflationnisme, doctrine qui prétend que tous les problèmes de nos sociétés peuvent être résolus par l’argent.
Exemple sous nos yeux : la solution au Covid-19, c’est la création de monnaie. 20 000 milliards ! On crée de la monnaie à jets continus – et bien sûr sous des formes différentes, car beaucoup de bestioles sont des équivalents monétaires.
Actifs = passifs
Le terme « champ des actifs » est impropre : ce que l’on désigne comme champ des actifs, c’est un champ de promesses, c’est-à-dire de passifs.
Les actifs sont ce qu’ils sont, ils dépérissent… mais on augmente la masse de promesses, c’est-à-dire d’ayants-droits sur ces vrais actifs. Le vocabulaire est trompeur : les soi-disant actifs financiers et monétaires sont des passifs.
Ce que les statistiques de la Fed mesurent comme richesse des ménages n’est pas leur richesse – c’est en fait leurs illusions… et plus la masse nominale augmente, plus ils s’appauvrissent.
L’indice S&P 500 a bondi de 45% depuis son dernier plus bas du 23 mars. Il a monté de 6,6% depuis le début des violences le 27 mai en réponse au décès de George Floyd. Et il n’est qu’à moins de 5% de son record du 19 février.
Pendant ce temps, l’économie américaine est victime d’un arrêt d’activité en raison du coronavirus et en raison de troubles sociaux généralisés. On pense que les profits vont chuter de 45% au second trimestre.
Des progrès délirants
Dans pareil contexte, les progrès incessants du marché semblent délirants pour beaucoup. Voici l’explication donnée par Bloomberg :
« […] la Bourse n’est pas un baromètre de la santé du pays, politiquement, socialement ou même économiquement. Sa seule fonction, aussi bancale que cela puisse paraître, est de refléter rapidement, avec précision et sans émotion, le consensus des investisseurs sur la santé et les perspectives des sociétés cotées en Bourse. A cet égard, le marché a fait son travail avec compétence tout au long de cette crise, indépendamment des opinions sur l’issue. »
Vous remarquerez que Bloomberg croit à la magie, à l’influence de l’esprit sur la matière !
Comment s’effectue le reflet, comment passe-t-on de l’opinion des investisseurs aux cours de Bourse ? Mystère ! L’idéologie boursière ne le dit pas.
Moi je vais vous le dire – on passe par un cheminement concret, non mystérieux, qui est le suivant :
Face à tout ce que Bloomberg décrit, la Fed crée de la monnaie dont les gens n’ont pas l’usage et promet le contrôle des taux, c’est-à-dire le contrôle de la valeur des actifs financiers. Steven Mnuchin, secrétaire au Trésor US, fait de son côté des promesses de dépenses et de cadeaux fiscaux. Ce sont ces trois articulations qui manquent dans le « raisonnement » de Bloomberg ; ce sont elles qui font la spéculation, c’est-à-dire la hausse boursière.
Un tissu d’âneries
Et Bloomberg d’ajouter :
« Certes, les opinions des investisseurs sur les entreprises individuelles sont souvent influencées par l’environnement plus large, mais il n’y a jamais eu de relation fiable entre le marché et l’économie.
Par exemple, la corrélation entre les variations annuelles du produit intérieur brut réel ou ajusté en fonction de l’inflation et les rendements réels annuels du S&P 500, dividendes compris, était de 0,09 de 1930 à 2019, la plus longue période pour laquelle des chiffres se chevauchant sont disponibles.
En d’autres termes, il n’y avait aucune corrélation.
(Une corrélation de 1 implique que deux variables se déplacent parfaitement dans la même direction, tandis qu’une corrélation de 1 négatif implique que deux variables se déplacent parfaitement dans la direction opposée.) »
Nous sommes en présence d’un tissu d’âneries masquées et habillées par des mathématiques pour leur donner un air de sérieux et accréditer un simulacre de raisonnement, faire passer une construction parallèle.
Bien sûr que si, il y a un rapport entre la marche de l’économie et le marché boursier – mais ce rapport n’est absolument pas direct, il passe par une variable : la monnaie… et cette variable distord toutes les relations. Mais chut, il ne faut pas le dire, car ce serait révéler le grand secret de l’alchimie boursière.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]