Les Etats-Unis sont à la croisée des chemins, tandis qu’une vache se révolte en Argentine.
Regardez ce graphique.
(Source : Forum économique mondial)
Nous n’avons pas l’habitude d’insérer des graphiques dans nos chroniques quotidiennes. Quitte à commettre des erreurs, nous préférons qu’elles soient verbales.
Mais ce graphique est une illustration de plus que le futur a été compromis. Au moment où nous écrivons ces lignes, l’Américain moyen est condamné ou presque à être plus pauvre que ses parents. Pour la première fois dans notre vie, hier était vraiment mieux que demain.
La déception est encore plus grande lorsqu’on prend en compte le contexte. Jamais l’avenir n’a eu autant de moyens pour devenir meilleur – avec une quantité record de diplômés universitaires, de capital (des milliers de milliards) gravitant autour de Wall Street, tant d’inventions, d’innovations, d’avancées technologiques… Et, surplombant tout ça, une élite de décideurs, éclairés par les lumières de l’économie keynésienne et protégés contre la « désinformation » par le New York Times et les censeurs modernes.
Tant de raisons d’aller de l’avant et pourtant, nous régressons !
Qu’est-ce que cela signifie ? Où cela nous mènera-t-il ? À la révolution ? Ou à la destitution ?
Né du vent
La réponse nous échappe… Alors permettez-nous de vous donner des nouvelles de la vallée de Calchaqui. Comme le savent nos lecteurs de longue date, nous passons une partie de l’année en Argentine. Ici, nous apprenons davantage au sujet des économies dysfonctionnelles et sur ce qui se passe quand l’inflation dépasse les 100% par an.
Tout a commencé comme prévu. Il fallait déplacer les vaches – une centaine d’entre elles – d’un côté de la rivière à l’autre.
« Hoplà ! »
Deux cowboys sont entrés au trot dans le corral, puis se sont placés derrière les vaches pour les guider vers le portail. Deux autres cowboys attendaient à l’extérieur pour diriger les vaches le long de la route, et les aider à traverser la rivière.
Ici, dans la vallée, les gens du coin ne savent pas grand-chose de l’élevage de bétail. Nous élevons notre bétail au ranch, qui se situe plus haut, à une heure et demie de là en passant par la route de gravier, mais cela représente 8 heures de trajet pour le bétail, qui doit utiliser un chemin différent.
Les deux terrains se touchent. Mais uniquement au niveau d’un col entre deux montagnes, avec un chemin rocailleux entre les deux pâturages. Ces vaches avaient été conduites vers le premier terrain car c’est là que se trouvent les meules de foin.
Comme les gens de la vallée sont des agriculteurs, pas des éleveurs, nous avons amené avec nous deux jeunes hommes du ranch pour s’occuper des vaches. Lazaro et Pablo sont tous les deux de taille moyenne et minces. Cheveux bruns, peau mate ; ils pourraient être frères. Peut-être le sont-ils.
Les gens d’ici connaissent leurs mères. En revanche, ils sont parfois plus évasifs au sujet de leur père. Lorsqu’une femme tombe enceinte, le père anonyme est souvent appelé « el viento » (le vent).
Nous ne posons aucune question. Lazaro et Pablo sont sympathiques. Et ils sont bons avec les chevaux et le bétail. C’est tout ce qui compte.
La conduite de bétail fut courte. Le troupeau s’est déplacé tranquillement, est entré dans la rivière et, ruisselant d’eau, a poursuivi son chemin le long de la route, jusqu’au corral de pierre situé de l’autre côté.
Catastrophe
Le lendemain, elles recevraient leur vaccin et pourraient être relâchées dans un champ de fétuque qui les attendait.
Sans le moindre problème.
« Et là, catastrophe ! »
Notre beau-fils était sur place. Comme nous l’avions expliqué précédemment, notre visite en Argentine avait un but secret. Nous espérions qu’il s’intéresserait aux projets que nous avons ici et qu’il accepterait de s’en occuper.
Notre voisin, qui a vécu là-bas toute sa vie, explique : « Soit vous adorez la vallée, soit vous la détestez. Il n’y a pas de juste milieu. »
Pour l’instant, la relation entre notre beau-fils et la vallée semble suivre son cours. Lui-même se décrit comme « un citadin » et explique qu’il « n’était pas prêt à cela ». Mais il « aime bien ».
Voici son point de vue sur la « catastrophe » qui s’est abattue il y a peu :
« Nous avons fait entrer tous les animaux dans le corral. Puis, Pablo a remarqué qu’une vache avait une corne en moins. Elle était tombée lors d’un affrontement. Et la blessure n’avait pas cicatrisé.
En plus, ils l’avaient séparée de son veau ; ce qu’elle n’a pas beaucoup plus apprécié.
L’idée était de séparer la vache du troupeau et de la conduire quelque part où nous pourrions l’immobiliser et traiter l’infection. Lazaro avait une seringue et du fil, ainsi que du désinfectant. Et, bien sûr, son couteau.
La vache n’était pas intéressée. Nous lui avons crié dessus, nous l’avons fouettée. Cela n’a fait que l’énerver et elle nous a chargés. Nous sautions dans tous les sens pour l’éviter.
A un moment, nous avons réussi à la faire entrer dans le petit corral. J’étais censé bloquer l’une des sorties, pour empêcher la vache de sortir. Mais elle m’a foncé dessus. J’ai brandi mon chapeau et je lui ai donné un coup avec mon bâton. Elle est revenue à la charge. J’ai dû sauter hors de son chemin pour ne pas finir éventré.
J’ai culpabilisé. J’étais censé l’arrêter. Mais je n’ai pas voulu risquer ma vie pour y parvenir.
Nous avons fini par la conduire là où nous voulions et nous avons réussi à lui passer le licol autour du coup pour l’empêcher de bouger. Nous avons pu voir le problème de plus près. Il y avait des asticots dans la plaie. Il a fallu les extraire, désinfecter la plaie et recoudre. Mais elle continuait à agiter sa tête dans tous les sens.
Pablo a tranché : ‘Nous allons devoir le faire à l’ancienne.’ »
L’ascension de Lazaro (et Pablo)
« J’ai été bluffé par ces deux types. Ils savent vraiment ce qu’ils font.
Ils ont laissé la vache se dégager le cou. Mais elle s’est coincé la jambe. Lazaro l’a attrapée par la queue et a tiré le plus fort possible pour l’aider à se relever. Et Pablo lui a attrapé le pied pour l’extraire de la clôture.
Puis la vache a commencé à courir dans tous les sens. Elle était épuisée. Nous étions tous fatigués. Nous avons lutté avec elle pendant une demi-heure. Ils ont essayé de l’attacher avec une corde. Elle continuait à charger. Nous nous sommes écartés de son chemin le plus vite possible. Puis, nous sommes revenus dans le corral pour réessayer de l’attraper.
Enfin, Victor (un type costaud qui ne travaille même pas pour nous) a réussi à passer une corde autour des pattes arrière de la vache. Puis, Pablo a réussi à attacher ses deux pattes avant. Ils l’ont couchée sur le flanc. Puis nous nous sommes tous agglutinés autour d’elle pour maintenir sa tête pendant que Lazaro réalisait l’intervention. »
« Nous nous sommes relevés prudemment. Nous étions prêts à nous ruer sur le portail. Mais lorsque nous l’avons libérée, la vache s’est relevée et n’a pas bougé. Je ne sais pas si elle était épuisée ou si elle était reconnaissante d’avoir reçu le traitement dont elle avait besoin. »
La semaine prochaine, nous verrons ce que l’Argentine peut nous apprendre d’autre…