Il y a une faille dans le système – et elle accentue les dettes, les crises et les inégalités. Tous les « remèdes » des banques centrales n’y changeront rien…
La crise sanitaire révèle une faille énorme de notre système économique : nous sommes des capitalistes sans capital !
A force d’utiliser l’effet de levier, à force de distribuer des dividendes sur des profits fictifs, à force de racheter les actions et de décapitaliser, à force de faire du private equity et de dépecer les actifs, le système capitaliste souffre d’une insuffisance chronique de capital – face à un excès colossal de dettes.
Le système n’a plus de tampon. Il est obligé de solliciter la collectivité, le budget public et la planche à billets de la banque centrale pour survivre.
C’est la pire des situations – non seulement sur le plan de la sécurité du système mais également sur le plan de la morale et de la légitimité politique.
Le système est obligé, structurellement, de se socialiser de la façon la plus scandaleuse qui soit : privatisation des gains et socialisation des pertes.
Chantage à l’emploi
Pour gagner plus d’argent, les propriétaires des sociétés ne mettent pas assez de capital à la disposition des entreprises pour supporter les risques.
Les sociétés, étant insuffisamment capitalisées, deviennent vulnérables… et bien sûr, elles en profitent pour exercer un chantage au chaos : sauvez-nous avec de l’argent gratuit sinon nous déposons le bilan et mettons les salariés au chômage. Le chantage à l’emploi est généralisé.
Dans nos systèmes, une faillite ne signifie nullement l’arrêt d’exploitation ; non, cela signifie sanction pour les anciens propriétaires, aide aux nouveaux pour les mettre en selle et contrôle de ces nouveaux propriétaires bien sûr… pour éviter les pillages !
Il y a un aléa moral considérable dans les procédures de sauvetage des grandes entreprises. Il se situe au niveau individuel car tout incapable doit être sanctionné : c’est la loi du capitalisme…
Mais il y a également un aléa moral au niveau du système, car un système qui ne sanctionne pas ne se régénère pas et pourrit en profondeur. Sa productivité chute, l’allocation des ressources devient délirante et, finalement, le gaspillage s’installe et se généralise. Au lieu de progresser, le niveau de vie baisse – tandis que les inégalités s’accroissent.
Comment oser demander la rigueur, voire la sévérité pour les salariés si les capitalistes et leurs dirigeants ne commencent pas par être rigoureux et sévères pour eux-mêmes ?
Un système entièrement faussé
Les béquilles du capital tuent le système capitaliste plus sûrement que les critiques des soi-disant partis de gauche et même plus sûrement que celles des révolutionnaires en chambre.
Les gauches aiment les aides, les déficits – elles aiment tout ce qui leur semble remplacer le profit, sans se rendre compte que tous ces crédits, ces déficits, ces aides sont une autre forme de prélèvement, autre forme de profit, vicieux, infâme et indigne car socialisé.
Les béquilles faussent l’utilisation optimum des ressources, gonflent la masse de dettes et de déficits, pèsent sur la profitabilité moyenne, produisent des bulles d’actifs et créent des inégalités insupportables.
Si la Fed suivait les conseils de son économiste principal et directeur adjoint de la division de stabilité financière de la banque, Michael Kiley, elle devrait monétiser le déficit, pardon, acheter des obligations à hauteur de 30% du PIB, soit 6 500 Mds$, afin de compenser l’impact de la limite inférieure du zéro pour les taux d’intérêts !
Puisque la Fed a déjà acheté un montant record de 3 000 Mds$ d’obligations depuis mars, cela signifie que 3 500 Mds$ supplémentaires en QE sont nécessaires.
La taille du bilan des banques centrales mesure la socialisation subreptice de nos systèmes, socialisation au profit du capital, ce qui est un comble
Assistance respiratoire perpétuelle
Ce qui est désormais le plus effrayant, c’est que nos économies sont littéralement sous assistance respiratoire perpétuelle.
A force d’avoir cédé au chantage, il n’y a plus de voie de sortie possible. Il faut en même temps des milliers de milliards de mesures de relance budgétaire… et des milliers de milliards de fausse monnaie/vrais crédits pour financer ces déficits.
Les économies, les banques et les marchés boursiers se désintégreraient tous les trois si on arrêtait.
Nous sommes maintenant dans un système socialiste pervers. Il fonctionne comme un système socialiste mais il n’est pas structuré comme tel ; la société n’y retrouve pas son compte, seul le capital et les ultra-riches le retrouvent.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]