▪ A l’imitation du scénario observé sur les places européennes entre 17h10 et 17h35, les indices américains ont plongé de 0,6% en moyenne vendredi au cours du dernier quart d’heure. Cela alors que les ultimes habillages de bilan semblaient redonner du « peps » à Wall Street à une heure de la clôture.
Le Dow Jones est retombé en quelques minutes de 14 992 vers 14 910 points pour en terminer en repli de 0,75%, ce qui a divisé par deux le gain hebdomadaire. Plus globalement, la perte mensuelle atteint 3,25%. Le gain semestriel s’établit toutefois à 13,8%… du jamais vu depuis début 1999.
Le S&P 500, qui a lâché 0,43%, engrange 0,95% sur la semaine et 12,65% sur 2013. Il réalise ainsi son meilleur premier semestre depuis 1998… C’était il y a 15 ans et la croissance avoisinait 4% sans la moindre béquille monétaire ni taux directeurs à des niveaux aberrants.
Le Nasdaq Composite a sauvé in extremis les 3 403 points (+0,04% à 3 403,25). Il colle au score annuel du S&P 500 avec +12,7%. C’est là un véritable exploit compte tenu de rendements obligataires passés de 1,6% à 2,5% en deux mois (le « 10 ans » affichait 1,8% en début d’année).
▪ Dégâts en Europe
Les taux directeurs ne sont pas près de se retendre en Europe car la plupart des économistes commencent à entrevoir une poursuite de la récession en 2014. L’éventualité d’un resserrement du loyer de l’argent par la BCE est repoussée à 2016.
C’est pourtant sur le Vieux Continent que la remontée des taux marché a fait le plus de dégâts, avec un score global de -1,25% pour l’Euro-Stoxx 50 cette année.
A Paris, une rechute de 0,62% vendredi a réduit le gain hebdomadaire à 2,2%. Cela s’avère très comparable au score annuel de +2,7% : tout s’est joué au cours des dernières 75 heures du premier trimestre.
Un cycliste baroudeur parti le premier janvier pour réaliser un tour du monde en 180 jours (le Tour de France, c’est 3 600 kilomètres en trois semaines contre 5 000 en cinq semaines il y a un siècle) serait donc revenu à Paris mercredi dernier. Si son premier réflexe avait été de passer un ordre d’achat sur le CAC 40, il aurait réalisé la même performance semestrielle que 90% des fonds indiciels avant d’assister au prologue du Tour de France.
S’il avait vendu quelques pièces d’or fin 2012 pour financer son expédition, il pourrait les avoir rachetées 28% plus bas vendredi à la mi-journée.
Il serait de façon certaine bien déçu par la rentabilité de ses fonds obligataires, lesquels ont perdu en moyenne 3,5% cette année (après une hausse de 12% en 2012).
▪ Secrets de Polichinelle
Tous ces chiffres nous apparaissent bien banals en regard du nombre de manifestants dans les rues égyptiennes. Nous assistons tout simplement au plus grand rassemblement populaire de l’histoire l’Egypte (17 millions de personnes recensées par l’armée)… Il s’agit d’un sursaut laïc qui n’est pas si éloigné dans ses motivations profondes que celui qui se prolonge en Turquie.
En Europe, nous assistons à un sursaut d’indignation à l’encontre des Etats-Unis après les révélations sur l’espionnage systématique de l’Europe par la NSA (et de la représentation diplomatique de l’Union européenne à Washington) dans le cadre du programme de surveillance appelé Prism.
Nous aussi nous sommes indigné… mais indigné que l’Europe ait attendu pour réagir d’y être acculée par les révélations d’Edouard Snowden et de l’hebdomadaire Der Spiegel.
Comment les élites de Bruxelles — qui se déclarent « scandalisées » et « furieuses » — espèrent-elles nous faire croire qu’elles découvrent soudain ce secret de Polichinelle… alors que la plupart des pays européens de premier plan appliquent exactement les mêmes méthodes depuis des décennies ? Une riposte logique à l’antique réseau surveillance des télécommunications de l’Europe de l’ouest par les Etats-Unis et son allié britannique dans les années 90 (baptisé Echelon).
La publicité donnée à cette « affaire » tombe au meilleur moment pour les Européens. En effet, ils sont en train de négocier de nouveaux accords de libre-échange avec les Etats-Unis : Washington va certainement devoir lâcher du lest face à certaines revendications (et pas seulement culturelles).
Le véritable scandale pourrait éclater si les services secrets des deux superpuissances finissaient par convenir que leurs réseaux d’espionnage respectifs travaillent autant en mode concurrentiel qu’en mode collaboratif… et que la surveillance à la soviétique des citoyens au sens large est devenu le quotidien des « démocraties ».
L’essentiel des contenus qui pourraient vraiment intéresser la NSA et les agences du même acabit (des 10 ou 15 premières grandes puissances mondiales) sont depuis longtemps cryptées et indéchiffrables : transactions financières, négociations commerciales inter-états, fils diplomatiques…
Le moyen le plus sûr de s’attirer l’attention de la NSA — ou d’une de ses consoeurs –, c’est de basculer justement sur un système de transmission de données numériques « furtif » et inviolable !
Et puis qu’est-ce que les citoyens européens ou américains peuvent espérer cacher aux services de renseignement alors qu’ils répandent leur vie privée en texte sur Twitter et en image sur Facebook, tandis que leur Curriculum Vitae complet est sur LinkedIn ?
A tous ceux qui redoutent les conséquences de SMS compromettants trahissant des centres d’intérêts extra-conjugaux, qu’ils se rassurent… La totalité des frasques de Dominique Strauss-Kahn étaient bien connues de l’Elysée — et de tous les services secrets de la planète — et cela n’a en rien entravé sa nomination au FMI !