▪ Les indices boursiers ont corrigé de -2,5% en moyenne la semaine passée. Les justifications se bousculaient dès jeudi dernier avec, pêle-mêle, quelques trimestriels jugés décevants (et lourdement sanctionnés comme Vallourec, ST Micro, Nokia…), un rebond de l’euro (+3% en quatre séances, excusez du peu !), quelques prises de bénéfices sur des dossiers "un peu chers" (luxe, équipementiers auto, mais sur lesquels il faudra très vite se repositionner car la hausse n’est pas terminée).
La cause la plus anxiogène était en fait la moins commentée : les taux longs ont pris entre 25 et 30 points de base à travers toute l’Europe en sept séances. Les Bunds sont passés de 0,07% le 21 avril à 0,38% le 30 avril, les OAT françaises de 0,37% à 0,65% au cours du même intervalle, les BTP italiens (plus important gisement obligataire d’Europe avec 2 170 milliards d’euros d’encours) de 1,21% à 1,59%.
Je ne vais pas chercher à faire du sensationnalisme avec des +1 000% sur les emprunts à cinq ans en 3 jours (du 28 au 30 avril) en France et en Allemagne. Le fait qu’ils aient doublé sur les OAT à 10 ans suffit à suggérer qu’il y a comme un petit problème de tension sur les taux longs.
Ce contrepied d’une violence plus observée depuis juin 2013 survient 10 jours seulement après que le 9 ans allemand a affiché un pur 0,00% de rendement, le Bund de référence 2025 affichant 0,05% le 17 avril et 0,135% lundi dernier — pour clôturer la semaine à 0,36%.
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Connaissant les leviers (les "X fois la mise", souvent un multiplicateur à deux chiffres) que pratiquent les banques d’affaires et les hedge funds les plus offensifs sur les marchés obligataires dont la hausse des cours semblait garantie éternellement par la BCE, je subodore que la semaine écourtée qui s’est achevée le jeudi 30 avril va compter parmi les plus saignantes depuis l’automne 2011 et la grande peur sur les dettes périphériques.
Les marchés obligataires ont effacé tout ce qu’ils avaient gagné du 7 mars au 17 avril |
Du 20 au 30 avril, les marchés obligataires ont effacé tout ce qu’ils avaient gagné du 7 mars au 17 avril… Un séisme obligataire dans l’Eurozone qui a presque coïncidé par ailleurs avec celui qui a dévasté le Népal.
▪ Les Etats-Unis aussi…
Le plus intriguant, c’est la contamination qui a affecté les bons du Trésor américains, passés de 1,89% à 2,12% en cinq séances. Cela malgré une croissance du PIB divisée par 10 (à seulement +0,2%), malgré des indices d’activités manufacturière en berne en avril (pas de rebond en vue après un premier trimestre plombé par le dollar fort), malgré des chiffres immobiliers très en-deçà des attentes et malgré des salaires qui ont stagné le mois dernier — ce qui éteint les quelques braises qui rougeoyaient du côté des revenus des ménages en début d’année.
Vu les milliers de milliards qui se négocient sur les marchés obligataires américains chaque jour, la dichotomie entre les statistiques de la semaine et les T-Bonds ne peut être mise sur le seul compte de la débâcle des marchés obligataires européens.
Nous aurions même pu assister à un arbitrage transatlantique en faveur des T-Bonds, l’horizon d’une hausse de taux par la Fed s’éloignant, en quelques chiffres-clés, de plusieurs semaines. En fait, la probabilité d’un resserrement d’ici fin 2015 était même tombée mercredi dernier sous la barre des 50%.
Si les taux longs américains grimpent de presque 25 points de base en une semaine, c’est que quelques grosses mains vendent et servent à volonté toutes celles qui se présentent pour ramasser du papier.
L’ampleur de la correction devrait remettre en question l’équation "taux zéro ou négatif sur les Bunds = PER infini sur les actions". Malgré cela, les permabulls estiment que 0,36% ou 0,38% sur le 10 ans allemand (l’équivalent des emprunts japonais de même maturité), cela reste un rendement formidablement favorable aux actions.
Avec l’activisme de la BCE, il semble fort peu probable que le Bund refranchisse le palier des 0,40% |
Avec l’activisme de la BCE, il semble fort peu probable que le Bund refranchisse le palier des 0,40%. Il ne l’a plus débordé depuis l’annonce du QE de 60 milliards d’euros par mois jusqu’en septembre 2016.
Et la remontée des rendements, c’est au fond une bonne nouvelle. En effet, la BCE peut ainsi de nouveau puiser dans un gisement de bons du Trésor éligibles qui s’élargit en Allemagne puisque toutes les maturités supérieures à trois ans se situent au-delà des -0,2%.
Mais cette sérénité résistera-t-elle en cas de coup de sifflet mettant fin à la partie qui oppose Athènes à ses créanciers (Bruxelles, le FMI et la BCE) depuis 2010 ?
Cela fait plusieurs semaines que des petites phrases sont lâchées par des "proches du dossier" visant à tempérer les craintes de chaos sur les marchés en cas de Grexit.
▪ Le miracle irlandais ?
Un membre de la commission de Bruxelles — dont le nom m’échappe — a même confié qu’il existe bien un "plan B" en ce qui concerne la Grèce… sachant que le "plan A" jusqu’à présent affirmé comme le seul et unique sur la table consiste à obtenir d’Athènes la mise en oeuvre des réformes et privatisations conclues fin 2011, de façon à lui procurer les financements dont elle a besoin pour mener à bien son redressement et son retour sur les marchés.
La cure d’austérité a bien fonctionné pour l’Irlande, alors pourquoi pas pour la Grèce ?
La seule petite différence, c’est que l’Irlande est un paradis fiscal pour les multinationales mais pas pour les contribuables irlandais. C’est l’inverse pour la Grèce, où l’évasion fiscale reste un sport national mais où les entreprises étrangères ne bénéficient d’aucun avantage particulier.
Il existe même des personnages politiques — comme le locataire de Matignon — pour nous vanter l’exemple irlandais, le spectaculaire redressement de ce pays, la baisse du chômage.
200 000 Irlandais ont émigré vers l’étranger depuis 2009 |
Il oublie juste de rappeler que le PIB y est soutenu comptablement par le rebond de l’activité du secteur financier et l’abondance des flux de capitaux qui ne font que transiter par Dublin. Parallèlement, 200 000 Irlandais ont émigré vers l’étranger depuis 2009 (une triste tradition qui perdure, siècle après siècle, crise après crise) — à l’échelle d’un pays de 4,6 millions d’habitants, cela représente un pourcentage de près de 5%, ce qui est considérable.
Pour mémoire, la population irlandaise avait crû de 10% entre 2006 et 2010 (année de naissance des derniers enfants conçus avant que le pays frôle la faillite en 2009). Depuis quatre ans, elle stagne quasiment, progressant de 4,55 à 4,59 millions d’habitants, soit environ +1%.
Imaginez qu’en France, 5% de la population active soit partie tenter sa chance sous d’autres cieux. Cela représenterait un exode de 3,3 millions d’individus en âge de travailler : avouez que notre taux de chômage aurait rapidement plus fière allure… et que sa courbe aurait été radicalement inversée.
Ce phénomène de fuite massive ne s’est pas produit en France pour cause en partie de barrière de la langue mais aussi et surtout parce qu’en Irlande, la protection sociale des chômeurs et des personnes sans emploi est quasi inexistante. L’indemnité en cas de perte d’emplois ne va pas au-delà de 12 mois, et elle est forfaitaire.
Un ex-salarié payé 36 000 euros par an touchera au maximum 190 euros par semaine environ — le quart de ce qu’il gagnait auparavant… et seulement à condition de justifier de 104 semaines de cotisations au minimum, et 260 semaines pour toucher le plafond de 760 euros par mois durant 12 mois (et oubliez tout système de remboursement des soins comparable à celui de la France).
J’avoue avoir beaucoup de mal à comprendre comme le Premier ministre d’un gouvernement socialiste peut citer en exemple un pays comme l’Irlande, qui pratique un dumping fiscal qui coûte des milliards d’impôts non perçus à la France… et dont le modèle social est aux antipodes du nôtre.
Cela doit provenir du fait que je n’exerce pas d’assez hautes responsabilités.
Tout comme le fait que l’envolée de 25 à 30 points des rendements obligataires en Europe — voire leur doublement en 10 jours comme sur les OAT — m’inquiète.
Cela doit provenir du fait que je ne gère pas assez d’argent… et que si des milliards m’étaient confiés, je ne les jouerai pas sur les marchés avec des effets de leviers titanesques au prétexte que je crois benoîtement que la BCE nous garantit que rien de fâcheux ne saurait survenir d’ici septembre 2016.
Pas même un Grexit ?