▪ Pour le commun des mortels, Ben Bernanke vient de jouer avec maestria, à trois semaines d’intervalle, le rôle du méchant puis du gentil flic… et il ne s’est même pas donné la peine de retailler sa barbe ou de changer de costume.
Il se moque également que des chroniqueurs le surnomment désormais le banquier à la langue fourchue. Idem pour ceux qui l’appellent le maître du théâtre des ombres — qui baigne les marchés d’une bienfaisante lumière puis les plonge dans l’obscurité pour mieux les en ressortir quand les premiers cris de terreur se font entendre.
Mais Ben Bernanke n’a plus que pour six mois devant lui — la Maison Blanche lui cherche en ce moment même un successeur — pour devenir plus qu’un simple marionnettiste en habits de faux monnayeur. Il voudrait accéder au statut de Deus ex-machina… et pas seulement à celui d’un apprenti Janus aux deux visages.
Deus ex-machina, c’est le stade ultime promis à quelques rares élus appartenant à la catégorie des Maîtres du Monde… et Alan Greenspan en faisait partie.
Qui a jamais cru savoir que la Fed était divisée sur la stratégie à mener sous sa mandature ? Qui pouvait prétendre lire dans ses pensées ? Qui se voyait confier la mission de rectifier le tir après qu’il ait pris la parole puis énoncé une conclusion (dont personne ne comprenait le « sens profond »).
Ben Bernanke est trop lisible, son machiavélisme est précédé d’un claquement de gros sabots qui tranche sur le ronronnement de la planche à billets.
Dès qu’il ouvre la bouche, c’est pour garantir aux brasseurs d’argent qu’ils recevront leur shoot monétaire à l’heure dite… ou pour tenter de faire croire aux naïfs qu’il envisage de priver les junkies de leur dose.
Facile de rendre crédible ce genre d’assertion : « c’est pour leur bien et pour notre bien à tous. Cela ne peut que rendre notre monde économique plus sûr, cela évitera le gonflement démesuré de bulles d’actifs ‘risqués » etc. »
C’est du flan ! Le dealer est devenu l’otage de ses clients. Il tente de nous faire croire qu’il peut arrêter ses petites affaires quand il l’entend… Mais qu’il refuse une seule livraison et les junkies de Wall Street se transformeront en feral hogs — les fameux sangliers sauvages du Texas évoqués par son collègue Richard Fisher.
Le but du discours prononcé mercredi soir à l’occasion du centenaire de la Fed était bien de relancer l’expansion de la bulle boursière.
L’éventuelle réduction — prétendument imminente — du QE3 semble désormais une hypothèse à écarter ces prochains mois. Le message a été reçu cinq sur cinq.
▪ Pluie de records sur les places américaines
Ben Bernanke a obtenu exactement ce que lui et les marchés désiraient depuis le trou d’air consécutif à la précédente réunion de la Fed : une pluie de records.
A l’exception du Dow Jones (en léger repli mardi), les indices américains ont aligné une sixième séance de hausse consécutive jeudi soir — c’est même la 10ème sur une série de 12 pour le S&P 500. Ils sont en passe de matérialiser ce vendredi leur meilleure performance hebdomadaire depuis le tout début du mois de janvier… sur fond de records historiques égalés ou pulvérisés pour pas moins de trois grands indices sur cinq.
Le Dow Jones a pris 1,1% ce qui lui a permis d’inscrire sa meilleure clôture de l’histoire à 15 461 points. Il en est allé de même pour le Standard & Poor’s 500 : +1,35% à 1 675, contre 1 669 points le 21 mai dernier.
Le Russell 2000 a inscrit un quatrième record absolu d’affilée à 1 033 points. Le Dow Transport, en revanche, malgré un gain de 1,2%, a fini à 100 points de son précédent zénith du 22 mai à 6 472 points — soit un écart de 1,5%.
Le Nasdaq Composite a bondi de 1,6%, pulvérisant son plus haut annuel des 3 560 pour en terminer à 3 578 points, au plus haut depuis le 29 septembre 2000.
A ce niveau de valorisation, les actions du Nasdaq 100 rapportent 1,2%… ce qui est très éloigné des 2,6% rendement des T-Bonds à 10 ans.
Plus de deux tiers des entreprises du S&P 500 qui ont communiqué des guidances en anticipation de leurs résultats officiels ont prévenu les marchés qu’ils devaient s’attendre à une stagnation des chiffres d’affaires et une légère contraction des profits.
Comme d’habitude, les permabulls et les manipulateurs d’opinion chargés d’endormir les Bisounours ne manqueront pas de souligner que si les résultats sont effectivement en repli, « ils sont meilleurs que s’ils avaient été pires »… pour reprendre un célèbre aphorisme de Coluche.
En guise de conclusion, nous vous en livrons un autre qui devrait déclencher une crise d’urticaire chez Ben Bernanke : « les erreurs sont faites pour être apprises, pas pour être répétées ».
1 commentaire
Bonjour,
Comme votre collègue hier en prenant l’exemple de l’alcool pour mieux illustrer la chose.
Je vous confirme à travers l’une de mes connaissances, qu’il est souvent pas si évident de faire sortir les plus accrocs au shoot régulier. Mais bon vous connaissez les gens de la haute c’est tellement grisant, par exemple seul le méchant Oncle Sam au casino pourra toujours sauver le monde de la pingrerie.
Au moins avec Garcimore, cela mettait aucunement la majeure partie de l’humanité en sursis, hélas
avec leurs nouveaux moyens qu’ils ont, ils peuvent carrément faire sans cesse la pluie et le beau temps,
quoique le dernier Superman laisse un peu à désirer au sujet des effets spéciaux sur les petits.
Je me demande même parfois si les plus grosses fortunes maudites de ce monde ne sont pas tout simplement en train de répéter les plus grosses bourdes de l’histoire, comme si en réalité le seul but premier de savoir mieux gagner du gain ne rendait aucunement les gens plus sages et responsables.
Ah si seulement les plus grandes loges secrètes de la finance mondiale pouvaient apporter plus de respectabilité et d’honorabilité de facade jusqu’à la fin des temps.
Cordialement,