La Banque centrale européenne traverse une crise sans précédent. Après des années de politique monétaire expansionniste, la remontée brutale des taux d’intérêt a fait exploser son déficit, qui atteint près de 8 milliards d’euros en 2024.
Suite à la hausse des taux d’intérêt des banques centrales, les faillites d’établissements bancaires ont épouvanté les épargnants. Ils ont brutalement pris conscience que leurs dépôts ne sont pas de l’argent qui leur appartient, mais une créance dont la valeur n’est garantie que tant que les autres déposants ne cherchent pas à récupérer leur mise.
Mais lorsque la confiance est rompue, le château de carte s’effondre : c’est le principe du bank run qui a emporté de nombreux établissements en 2023, dont la Silicon Valley Bank. Les analystes ont eu beau jeu de pointer du doigt la surexposition de la banque aux start-ups technologiques, ainsi que le rôle d’accélérateur de crise joué par l’hyperconnectivité de ses clients, le fait est que la SVB avait géré ses placements comme la quasi-totalité des banques.
Si l’ensemble du système bancaire occidental n’est pas tombé, c’est parce que la crise de confiance a été circonscrite et que les clients des autres réseaux n’ont pas cherché à retirer leurs avoirs du jour au lendemain.
La vague de faillites a fait office de piqûre de rappel. Citoyens et entrepreneurs se souviennent désormais que leurs dépôts bancaires ne sont que de la richesse virtuelle. Mais bien peu réalisent encore qu’il en est de même pour l’ensemble de la monnaie, y compris celle détenue sous forme de pièces et de billets.
Même pour les agents économiques qui souhaitent dé-bancariser leur épargne, les euros physiques sont une créance. Comme le rappelle la Banque de France : « La monnaie fiduciaire consiste en une créance sur la banque centrale, laquelle doit être en mesure de garantir sa valeur. »
Or, la Banque centrale européenne vient d’entrer dans une situation inédite depuis la création de l’euro. Du fait de la hausse des taux entamée il y a deux ans, elle subit d’importantes pertes sur son stock d’obligations détenues. Et alors qu’elle était encore en mesure d’amortir ses pertes en 2023, elle a vu son déficit multiplié par cinq en 2024, s’approchant des huit milliards d’euros.
Le retour de bâton du soutien à l’économie
Il y a un peu plus de deux ans, la BCE s’est lancée dans un cycle de resserrement monétaire. Non seulement elle a réduit ses achats d’actifs, mais elle a en prime augmenté fortement ses taux d’intérêts – la fameuse hausse du coût de l’argent que citoyens et entreprises ont subie de plein fouet.
A l’automne dernier, le taux de dépôt est monté jusqu’à 4%, tandis que le taux de refinancement atteignait les 4,5%. Cela a obligé la BCE à rémunérer les dépôts placés par les banques à des niveaux inédits, alors qu’elle appliquait une politique de taux de rémunération négatif depuis 2014.
Non seulement les dépôts des banques sont devenus un poste de dépense alors qu’ils étaient, entre 2014 et 2022, une source de profits, mais leur montant s’est en prime envolé.
Les rachats massifs d’obligations, menés sans ménagement depuis 2015 pour raviver l’inflation, ont permis aux banques de faire grossir leurs réserves. Ce stock monétaire improductif, lentement stérilisé en période de taux négatifs, a plombé le bilan de la BCE une fois le taux de dépôt redevenu positif.
Des dépenses représentant dix fois les recettes
L’an passé, la BCE a fait état de 795 millions d’euros de recettes. Cette somme comprend la différence entre le coût de production de monnaie la fiduciaire et sa valeur faciale sur l’année, les opérations de changes positives, ainsi que les maigres intérêts perçus par les obligations détenues par la BCE.
Dans le même temps, la rémunération des dépôts a atteint les 7,94 milliards d’euros, soit près de dix fois les ressources perçues.
A l’heure où les hommes politiques français manipulent des promesses de dépenses et des menaces d’impôts se chiffrant en dizaines de milliards, ce chiffre peut paraître insignifiant. Mais il doit être rapporté au capital de la BCE, qui n’était que de 5 milliards d’euros à sa création avant d’être porté, au fil des ans, à 10,85 milliards – dont seuls 8,9 milliards avaient été libérés au 1er janvier dernier.
L’an passé, notre banque centrale a donc perdu pour l’équivalent de 73% de son capital.
C’est d’ailleurs la deuxième année consécutive que l’institution de Francfort publie des comptes dans le rouge vif. En 2023, elle avait essuyé une perte de 7,88 milliards, qui avait été compensée comptablement en piochant dans les provisions pour risques. Grâce à une reprise de 6,6 milliards de provisions, la perte définitive avait été ramenée à 1,26 milliard d’euros.
Mais cette année, après avoir utilisé l’intégralité de ses provisions, la BCE n’a pas pu compenser les pertes. Ce sont donc ainsi, en deux ans, plus de 9,2 milliards d’euros qui ont dû être inscrits au bilan de la BCE en attendant d’être « compensés par des bénéfices futurs ».
Selon la Banque de France, les pertes devraient se prolonger durant les prochaines années, même si leur rythme devrait ralentir après les niveaux inquiétants atteints en 2023 et en 2024.
Dans le même temps, la BCE reste très généreuse envers elle-même. Ses comptes 2024 font apparaître une hausse importante des frais de personnel, qui ont bondi de 676 M€ en 2023 à 844 M€ en 2024. La progression atteint les 24,8%, bien au-dessus de l’inflation européenne et sans lien avec l’augmentation du périmètre de sa mission. En réalité, toujours selon la Banque de France, il s’agit d’une « hausse des dépenses relatives aux avantages postérieurs à l’emploi à la suite d’une modification des règles régissant les plans de retraite de la BCE en 2024 ». En bon français, l’institution a offert un sérieux coup de pouce à ses anciens salariés au frais des contribuables européens.
Visiblement, à Francfort, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes… même avec des pertes record.
1 commentaire
UN AJUSTEMENT NÉCESSAIRE DE PUISSANCE
Et si les difficultés de la BCE n’étaient que la manifestation d’une incapacité de l’Europe à ajuster sa puissance aux réalités économiques et politiques mondiales ?
Le projet de Trump est apparemment, sans aucunement perdre en puissance et en influence indirecte, de replier les USA, préférentiellement, sur les Amériques. C’est du bon sens.
Politiquement et économiquement face à un monde qui n’est plus celui des années 1850 ou 1950 les USA doivent changer de stratégie : La domination scientifique, technique, économique des Occidentaux sur le monde, n’est plus une réalité incontestable. La domination idéologique et politique suit nécessairement. Les Nations du monde sont revenues à une situation de puissance à peu prés équilibrée, même si c’est dans un monde beaucoup plus relié et plus concurrent.
Fin du Mondialisme, idéologie occidentale. Début de la Mondialisation, réalité internationale.
Faire la guerre à la Russie au nom d’une prétendue démocratie « libérale » en Ukraine en 2024 est aussi mensonger et présomptueux que pour l’URSS faire à la guerre à Cuba en 1962 au nom de la démocratie « socialiste ». Pour l’Europe c’est en outre un suicide stupide : Elle se divise au lieu de s’unir.
La politique de Trump n’est pas une démission mais un ajustement de puissance en fonction des réalités. Les dirigeants de la CEE, idéologues et politiques, héritiers de déterminismes culturels colonialistes des siècles précédents, sont très loins d’avoir compris les évolutions nécessaires : la CEE, surtout contre la Russie, n’est plus qu’un petit territoire parmi d’autres dans le monde.
Le comble de l’irrationalité est d’avoir fait la guerre à la Russie sur ordre des USA, contre tout intérêt européen, et maintenant de s’obstiner à faire la guerre à la Russie contre les USA de Trump. Macron et Ursula van der Layen en tête de ces passéistes qui n’ont rien compris à la mondialisation.
Quelles Intelligences ! Outre les désastres économiques d’une guerre contre la Russie, déjà actuels, nos « éclairés » européens vont ajouter celui d’une guerre commerciale contre les USA.