▪ La séance de mardi restera gravée dans nos mémoires comme l’illustration la plus frappante de l’imprévisibilité des marchés. A la question « était-il possible d’anticiper un tel trou d’air ? », nous répondons « non » sans hésiter.
Si nous émettons un avis aussi tranché, c’est que le cas de figure survenu les 28 et 29 juin est sans précédent identifiable, même en remontant 15 ans en arrière. Bien entendu, vous trouverez une longue liste d’exemples de pertes de 4% (ou beaucoup plus) qui ont constitué une confirmation de la tendance baissière sous jacente en 2001, 2002, 2003 ou 2008.
Mais vous découvrirez également que jamais le CAC 40 n’a effacé d’entrée de jeu un gain de 1,6% consécutif au test d’un support court terme. Cela devient presque inconcevable lorsque l’indice déborde de surcroît une MM25 ascendante ; certains chartistes préfèrent utiliser la MM23 car c’est le nombre de séances moyen au cours d’un mois boursier, mais cela ne change rien dans le cas présent puisque la moyenne mobile était tout aussi haussière.
Pour résumer, un rebond de 1% (ou plus) au contact de la MM25 (ou 23 pour les puristes), ou un débordement (après le test d’un support court terme) n’a jamais été suivi d’une correction d’une amplitude supérieure à la hausse l’ayant précédée. Nous évoquions une probabilité d’occurrence de 0,001% mais historiquement, elle était en fait de… zéro.
Nous pouvons même aller plus loin dans la recherche d’une analogie. Il suffit de prendre comme référence des journées où les marchés n’ont appris que de mauvaises nouvelles : statistiques pourries et très en deçà des attentes, résultats d’entreprises décevants, instabilité des devises, et parfois ces trois bonheurs à la fois.
Pour ne prendre que des exemples récents — l’année 2009 en fourmille –, nous avons découvert que la corrélation entre actualité 100% négative et recul des indices est à peine supérieure à 50%. Nul doute que cela ne vous surprendra guère vu le nombre de fois où nous avons attiré votre attention sur la déconnexion des indices boursiers et la toile de fond macro-économique.
▪ D’où cette question rétrospective qui surgit après le coup de tabac du 29 juin : l’actualité du jour est-elle la seule en cause ? Cela nous apparaissait tellement évident après l’incroyable erratum du Conference Board et la baisse de la confiance des ménages américains que nous n’avons assez prêté attention à un élément technique plutôt singulier : l’absence de volumes.
Il ne s’est échangé que quatre milliards d’euros sur les valeurs du CAC 40 pour un écart de -4%. Cela à la veille de l’ultime séance du premier semestre, souvent marquée par des habillages de bilans qui gonflent l’activité… alors que ce genre de pic de stress génère des volumes moyens largement supérieurs à cinq milliards d’euros, surtout lorsqu’il y a dès l’origine une information décisive et contrarienne connue de l’ensemble des intervenants
Il y aurait bien une explication… mais elle ne va pas vous plaire !
Face à la mise hors circuit des acheteurs et la minceur des carnets d’ordres, l’essentiel des échanges pourrait s’être déroulé hors marché entre institutionnel — via les dark pools (négociations de blocs à des niveaux de cours différents de ceux affichés sur les marchés officiels à l’instant où les transactions sont effectivement conclues).
La seconde observation — et qui n’est pas qu’une supposition –, c’est que ce genre de scénario correctif ne se produit jamais dans une tendance haussière… jamais !
Lorsque la tendance haussière domine, les acheteurs n’attendent pas le test des supports moyen ou long terme pour payer… jamais !
▪ Or nous constatons depuis mardi soir que New York et le Nasdaq restent sur le fil du rasoir. Le S&P (-3,1% à 1 041 points mardi soir en clôture) a de nouveau enfoncé durant quelques minutes le palier de soutien décisif des 1 040 points ce mercredi. Le Nasdaq a cassé le support des 2 140 puis retracé les 2 125 points (son plus bas de clôture des 4 et 6 février dernier), avant de revenir tester les 2 145. Enfin, le Dow Jones est venu tutoyer les 9 800 points avant de se redresser laborieusement vers 9 900 points mercredi matin.
Soit les acheteurs s’appliquent à entretenir un suspense insoutenable avant d’arracher les cours à la hausse… soit les vendeurs font tout leur possible pour préserver les supports dans l’espoir qu’un rebond technique leur permette de liquider davantage de papier à des niveaux plus avantageux.
Si nous étions dans la peau d’un vendeur (ou d’un baissier), nous fonderions de gros espoirs sur un trou d’air de la croissance mondiale en 2011. A plus court terme, sans sortir des frontières des Etats-Unis, nous miserions sur l’impossibilité de résoudre le problème du refinancement de centaines de milliards de dollars de municipal bonds. Il s’agit là de la principale menace de dégradation de la situation budgétaire américaine — une véritable crise des subprime bis.
▪ D’un point de vue sectoriel, nous resterions short sur le secteur financier. Les prêts adossés à l’immobilier commercial vont plomber le bilan des banques américaines (elles ont plongé de 5% en moyenne mardi soir) et nuire à leur capacité de prêt aux particuliers. L’indice des biens de consommation a d’ailleurs chuté de 6,5% mardi soir.
Le rappel de tous ces éléments négatifs qui subsistent en toile de fond justifie largement un pronostic baissier à moyen terme. Cependant, nombreux étaient les gérants à considérer que ces handicaps structurels étaient déjà intégrés dans les cours, ce qui n’est pas faux… mais les faux chiffres du Conference Board, eux, ne l’étaient pas !
Il ne faudrait pas que les chiffres du chômage attendus vendredi traduisent une dégradation trop brutale du marché du travail aux Etats-Unis car l’entame de la période estivale pourrait s’avérer cauchemardesque. La série noire a malheureusement continué ce mercredi avec le rapport mensuel d’ADP sur les créations d’emplois au mois de juin. Il montre un montant symbolique de seulement +13 000 postes dans le secteur privé, contre 57 000 — chiffre révisé de 55 000 — au mois de mai.
Nombreux sont les économistes qui anticipent un retour des destructions d’emplois vendredi, hors embauches temporaires dans le cadre du grand recensement de l’année 2010.
▪ Il n’est donc pas étonnant que le CAC 40 se soit contenté d’un rebond de 0,3% tandis que l’Eurotop 100 reculait de 0,45% supplémentaires : le bilan annuel ressort négatif de 12,5%.
La seule véritable bonne surprise des dernières 48 heures, c’est la flambée de Tesla Motors. Ce fabriquant de cabriolets électriques a été introduit à 17 $ mardi soir en pleine tourmente boursière mais a pris 40% dès le premier jour. Tesla grimpait de 23% supplémentaires mercredi soir et testait les 30 $… soit un gain de 75% en 48 heures, alors que la firme risque de dégager des pertes durant encore plusieurs années. La psychologie des marchés demeure une source d’étonnement permanent…