Un « non » en Italie provoquera une crise immédiate. Un « oui » donnera lieu à une crise différée. Dans les deux cas, il faudra en passer par un sauvetage des banques italiennes. Pas d’illusion : son ampleur est telle que nous, contribuables européens, seront sollicités.
Le retour du risque politique avec le référendum italien du dimanche 4 décembre prochain occupe le devant de la scène des marchés financiers de la Zone euro.
En cas de victoire du « non » au référendum sur la réforme du Sénat, il faudra envisager une longue période de blocages politiques avec une démission possible de Matteo Renzi suivie d’élections anticipées.
Nous rentrerions alors dans une période de fortes incertitudes, surtout si les partis populistes « anti-euro » sont en bonne position dans les sondages et agitent le spectre d’un référendum sur la sortie de l’euro.
L’ironie est que si le « oui » gagne, la réforme donnera un avantage majeur au parti qui atteindrait plus de 40% des voix. Ceci verrait les chances du parti Cinq Etoiles croître alors que le mode de scrutin actuel ne permet pas à ce parti « anti-euro » d’arriver facilement au pouvoir.
Un « non » provoquerait une crise immédiate sur la dette publique italienne tandis qu’un « oui » ne ferait que différer cette crise.
La survie actuelle de l’euro ne tient que par la terreur de la « crise systémique »
La Zone euro ne fonctionne plus ou en tout cas ne fonctionne pas de la manière dont devrait fonctionner une union monétaire.
Avant 2008, les pays du nord ne faisaient qu’accroître leurs exportations compte tenu de leur modèle de spécialisation économique industrielle, tandis que les pays du sud accroissaient leurs déficits commerciaux, leur économie tournant avec des services souvent non exportables.
La hausse de l’endettement extérieur des pays déficitaires de la Zone euro fut facilitée justement par l’absence officielle du risque de change. Mais en 2008-2010, un endettement extérieur insoutenable caractérisé dans des pays comme la Grèce, le Portugal, l’Espagne et bien sûr l’Italie déclenche la crise.
L’arrêt du financement des déficits extérieurs par l’épargne des pays du nord va obliger les pays du sud à résorber les déficits de la balance des paiements. On connait la suite avec une chute violente de l’activité et une explosion des déficits publics (aggravés par les sauvetages bancaires par les Etats) qui nous amènera à la crise des dettes souveraines d’Europe du sud en 2011-2012.
Aujourd’hui, la mobilité du capital n’est toujours pas rétablie au sein de la Zone euro.
Cette union monétaire qui fonctionne mal existe toujours car une sortie unilatérale d’un pays de la Zone euro serait un désastre pour le pays en question et provoquerait une crise systémique.
[NDLR : votre épargne financière, votre assurance-vie, votre patrimoine sont-ils protégés contre un retour de la crise de la dette en euro ? Il est encore temps de prendre vos dispositions avant que les choses ne s’emballent. Comment faire ? Les solutions sont ici.]
Les conséquences d’un « non » en Italie pour l’euro
Des pouvoirs politiques ici ou là peuvent mettre un terme à l' »aventure » de l’euro ou en tout cas déstabiliser fortement la devise.
Spéculer sur le fait qu’une sortie de l’euro serait tellement catastrophique qu’aucun pouvoir politique n’oserait l’envisager est particulièrement dangereux.
Imaginons l’Italie sortir de la Zone euro. On peut dès lors anticiper une nouvelle lire italienne baissant de 20 à 30% vis-à-vis de l’euro, ce qui conduira l’Italie à faire défaut sur sa dette libellée en euro et détenue par des investisseurs non italiens. Ceci entraînera un véritable un choc systémique pour les banques qui détiennent ces titres d’Etat italiens.
Mais que fait la BCE ?
Tant que l’Italie appartient à la Zone euro, la BCE peut agir. Depuis le conseil du 6 septembre 2012, nous avons découvert les OMT (pour Outright Monetary Transactions). Jusqu’à aujourd’hui, il n’a pas été nécessaire d’utiliser ce type d’opérations. Rappelons brièvement les quatre principes de ces OMT qui sont des rachats de titres par la BCE :
- Il n’a pas été fixé de limite quantitative à l’achat d’obligations d’Etat, tout au plus la maturité résiduelle maximale a été fixée à trois ans.
- Les obligations d’Etats en difficulté sont souscrites directement par la BCE, ce qui élimine officiellement la corrélation entre risque bancaire et risque souverain et diminue les risques de contamination par les banques.
- Petite concession faite à l’Allemagne, la conditionnalité des OMT. En effet, les pays qui bénéficieront de ces programmes seront obligés d’adhérer à un programme dit d’ajustement complet ou à un programme dit de précaution. L’austérité. Cependant si les OMT étaient utilisées pour l’Italie, on imagine mal dans un contexte de crise politique née d’un non au référendum une quelconque conditionnalité.
- Afin de satisfaire également le camp monétariste orthodoxe au sein de l’institut d’émission, les opérations effectuées doivent être stérilisées. Cela veut dire qu’officiellement la BCE va reprendre d’une main ce qu’elle donne de l’autre. Ainsi toute la monnaie banque centrale émise pour acheter les dettes périphériques de la Zone euro est et sera reprise pour que la masse monétaire ne progresse pas (ce que l’on appelle dans le jargon des économistes la stérilisation de la liquidité). Franchement, dans le cas italien, difficile de croire que la BCE ait comme préoccupation première de stériliser la liquidité.
Les OMT seraient-elles vraiment efficaces pour vaincre la spéculation sur la dette publique italienne ?
Imaginons un instant que la BCE essuie des pertes en capital importantes (certes latentes tant qu’elle ne revend pas) suite à des dépréciations des obligations italiennes achetées, cela signifie alors que les Etats de la Zone euro devraient recapitaliser la BCE à hauteur de leurs poids respectifs dans le capital de la banque centrale.
Comble du ridicule, c’est cette même banque centrale venue au secours de l’Italie qui devrait être « aidée » à son tour par les Etats de la Zone (y compris l’Italie) au prorata de leur importance…
Le bail-in des banques italiennes est illusoire
La réglementation bancaire a évolué en matière de résolution des faillites bancaires. L’idée, comme nous l’avons vu plus haut, est d’atténuer la consanguinité entre le risque de la dette d’un pays et le risque bancaire.
Moins les banques posséderont en portefeuille des titres d’Etat, plus elles seront immunisées contre des restructurations de dettes souveraines. Et réciproquement . Moins les Etats auront besoin de sauver les banques, moins leur risque d’insolvabilité sera grand et plus votre épargne investie en titres d’Etat sera protégée.
Cela signifie que les banques doivent se sauver elles-mêmes (bail-in) et non se sauver par des interventions extérieures type banque centrale, Etat, MES (Mécanisme européen de stabilité).
Le bail-in établit que les pertes des banques devront être supportées par les actionnaires et les créanciers des banques. Il va exister une hiérarchie des pertes jusqu’à 8% du total du passif bancaire. Après ces 8%, il sera prévu une injection d’un fonds de résolution bancaire national jusqu’à 5% du total du passif bancaire. Mais si ces contributions ne suffisent pas, il faudra quand même solliciter les finances publiques du pays dans le cadre des nouveaux dispositifs de résolution. Le bail-out en dernier recours, mais le bail-out quand même s’il reste des pertes à éponger.
Si le « non » au référendum italien l’emportait, il sera quasiment impossible à une banque italienne de lever du capital pour renforcer ses fonds propres et être capable d’absorber plus facilement des pertes (principe du bail-in)
Le bail-in sera donc impossible. De la même façon que la BCE essaiera de sauver l’Etat italien avec des OMT, il faudra se résoudre à actionner des bail-out.
Le bail-out est l’argent de nos impôts
La mise en place depuis 2014 de ce que l’on appelle le mécanisme de supervision unique est le préalable à la recapitalisation directe des banques par le MES .
A la différence du Fonds européen de stabilité financière (FESF) qui a fonctionné avec la garantie des Etats pour emprunter des fonds et les prêter (Grèce 2010-2011, Portugal 2011, Irlande 2011,…), le Mécanisme européen de stabilité dispose d’un vrai capital de départ de 80 milliards d’euros et d’un capital mobilisable de 620 milliards d’euros, ce qui en fait un organisme proche d’une banque. Voyez-le comme un bail-out déguisé.
En effet, les pays de la Zone euro participent à hauteur de ces 80 milliards d’euros sous forme de liquidités, payées en tranches de 16 milliards d’euros chacune. Les 620 milliards d’euros restants sont constitués de capital appelable auprès des Etats en cas de besoin. Il s’agit bien d’argent des contribuables.
Le bail-out permet de gagner du temps ; le douloureux bail-in met à contribution les actionnaires, puis les créanciers obligataires et si cela ne suffit pas les déposants « riches ».
Officiellement donc, le capital appelé ne doit pas être utilisé pour prêter ou acheter de la dette publique, mais doit servir à absorber les pertes liées à des restructurations de dettes souveraines. Le MES peut donc recapitaliser les banques. Cette recapitalisation directe (sans passer par les budgets des Etats) est possible depuis la mise en place de supervision bancaire unique à l’échelle européenne (Arrêté du 3 novembre 2014 qui confie à la BCE la supervision de 130 banques de l’UE.)
Nous rentrons à nouveau dans une zone de fortes turbulences au sein de la Zone euro.