On entend de plus en plus parler de « monnaie hélicoptère ». Des gens recevraient de l’argent jeté du ciel par le banques centrales. Cette idée est actuellement caressée par le Japon et en Europe par certains membres du comité de direction de la BCE qui trouvent ce concept « très intéressant », pour reprendre les mots de Mario Draghi.
Les bénéficiaires de cet argent créé à partir de rien consommeraient et, comme le veut la loi keynésienne, de cette consommation naîtrait la richesse collective.
L’important, c’est de croire que le moteur de l’activité économique est la consommation… |
Notez bien que cette loi économique n’a rien de scientifique. Elle doit s’envisager comme une loi religieuse ou comme un mythe. L’important, c’est de croire que le moteur de l’activité économique est la consommation… et par conséquent, une collectivité qui consomme s’enrichit.
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Pour cela, il faut de l’argent — ce qui n’est pas un problème puisque l’argent peut se créer à partir de rien. « Rien » est aujourd’hui du « crédit garanti par rien », histoire de mythifier un peu. En effet, les désastres provoqués par les expériences de création monétaire directe comme celles de John Law, des hyperinflations allemande, hongroise ou zimbabwéenne ont laissé des traces dans les mémoires des bons peuples qui y furent soumis. On a donc raffiné le procédé pour mieux enfumer.
Ne mettons pas la charrue avant les boeufs
Tout grand mythe n’est toutefois jamais un mensonge absolu et possède une part de vérité. Si nous travaillons tous les jours c’est parce que nous avons besoin de consommer, ne serait-ce que pour nous alimenter ; comme la nourriture ne tombe pas du ciel, il faut bien nous organiser pour produire. Mais penser que la consommation crée de la richesse revient cependant à croire que la charrue tire les boeufs. Car, partout et toujours, pour que quelqu’un consomme, il faut qu’un autre ait auparavant produit.
Notez bien que la production seule n’est pas non plus source de richesse. Dans l’économie communiste soviétique, on produisait beaucoup. Toutefois, pour ce qui était utile ou agréable, ce que les gens voulaient vraiment consommer, la pénurie régnait.
La clé de la prospérité est que la production corresponde aux véritables besoins de consommation |
La clé de la prospérité est que la production corresponde aux véritables besoins de consommation — puis, lorsque ceux-ci sont satisfaits, aux envies. Hélas, l’interférence continuelle de l’Etat trompe producteurs et consommateurs, fait croire à des besoins qui n’existent pas vraiment, à des envies factices.
Depuis l’avènement de la démocratie, l’Etat-Providence est censé connaître mieux que chacun ce qui convient à chacun. L’Ancien régime, au moins, n’avait pas cette hypocrisie et la royauté n’avait pas eu non plus l’idée saugrenue de distribuer de l’argent — vrai ou faux — au bon peuple. Le Trésor se contentait de le trafiquer, de rogner les pièces et de baisser la teneur en métal précieux pour rouler le manant peu averti.
Le cas du Japon
Mais revenons aux Japonais et à leur idée idiote. Lundi 25 avril, L’Agefi publiait :
« La Banque du Japon envisage certainement de recourir à cette arme monétaire ultime pour éradiquer définitivement le spectre de la déflation et stimuler la croissance ».
Le quotidien financierreproduisait les propos d’Eric Bourguignon, de Swiss Life Asset Management. Selon lui, la distribution directe d’argent permettrait d’éradiquer définitivement la déflation japonaise et serait source de croissance. Mais pourquoi diable les Japonais n’y ont-ils pas eu recours plus tôt ? Cela fait près de trente ans qu’ils expérimentent une déflation. En réalité, ils l’ont déjà fait à la fin des années 1990 et fin 2014 comme le rappelle ma collègue Cécile Chevré.
Sans succès.
Grands travaux d’intérêt général, taux zéro, assouplissement monétaire, taux négatifs : tout a déjà été fait au Japon. Aujourd’hui, non seulement la Banque du Japon rachète les emprunts d’Etat japonais, mais elle achète aussi les actions japonaises. Elle détient maintenant plus de la moitié des ETF (fonds indiciels japonais), selon Bloomberg.
Evidemment, ceci, comme le reste, n’a pas réussi à arracher le Japon de sa dépression. Surendetté, le Japon a déjà dépensé l’argent de son futur. Car c’est bien la signification d’un emprunt : il vous permet de dépenser aujourd’hui l’argent que vous pensez avoir demain.
Epargne ou consommation, peu importe, chacun déciderait |
Parmi toutes les expériences imbéciles des banquiers centraux, la monnaie hélicoptère serait toutefois la moins stupide, à deux conditions : que les hélicoptères larguent du cash et seulement du cash… et qu’on laisse une liberté totale aux gens de s’en servir comme ils le veulent, sans aucune taxation. Epargne ou consommation, peu importe, chacun déciderait.
Nous pourrions alors peut-être voir une économie parallèle saine — à l’abri de l’interventionnisme brouillon et clientéliste — se développer. La fausse monnaie présente des avantages pour les premiers servis, surtout s’ils ont un peu d’or enterré dans un trou au fond de leur jardin. Que les hélicoptères décollent donc, nous serons prêts.
3 commentaires
« Car, partout et toujours, pour que quelqu’un consomme, il faut qu’un autre ait auparavant produit. »
et qu’il ait besoin de consommer
« Nous pourrions alors peut-être voir une économie parallèle saine »
c’est le cas, la sphere politico financiere vis dans un univers parallele (il y a une expression de galbraith= +- fuite hors de la sphere ? que je ne retrouve plus): c’est cette sphere qui afin de recouvrir ses creances, a besoin de multiples hauts, du 30ans us remboursé au pair , du petrole a 80dollar , du sp a 2000 etc…
Ceux qui sont a l’etalon or (notamment les smicards dont l’or est la simple force de travail) s’en moquent
il y a si peu de citoyens propriétaire d’actions (cf art récent sur ce deséquilibre 0hedge mot clef millenium) qu’ on ne peut avoir de doute sur l’imminence d’un retour à la moyenne
Le Mythe : c’est de croire que le moteur de l’activité économique est la consommation… et par conséquent, une collectivité qui consomme s’enrichit.
La réalité : partout et toujours, pour que quelqu’un consomme, il faut qu’un autre ait auparavant produit.
Le bon sens contredit le mythe. Alors, pourquoi nos dirigeants refusent-ils le bon sens ?
Parce que le mythe les arrange en leur fournissant le pouvoir qui leur permet de s’enrichir sur le dos du Peuple sans que celui-ci s’en aperçoive. Depuis 50 ans, pour des raisons électorales, le pouvoir (tous partis confondus) a choisi de favoriser la consommation aux dépens de la production ou plus exactement, en simplifiant, les votantes-consommatrices (majoritaires) aux dépens des votants-producteurs ( moins nombreux). Voilà pourquoi on a créé des millions d’emplois dans le tertiaire (fonctionnaires, employés …) et rationalisé au maximum les secteurs productifs ( agriculture, industrie …) entrainant un chômage massif dans ces secteurs. Au final, le « productif » national disparaît suite à la mondialisation. Si cette tendance continue, même les entreprises de pointe disparaitront de nos pays car il sera toujours possible de produire moins cher ailleurs, quitte à vendre notre technologie. Tant que nos dirigeants détiendront le Pouvoir grâce à ce système et au Mythe ( la consommation enrichit le Pays) ils poursuivront dans cette voie. Lors de la catastrophe finale, parions qu’ils auront tout prévu et entassé des stocks d’or dans des paradis fiscaux qui nous sont inconnus.
Bonjour
Vous faîte référence à un de mes interview récent dans votre article en laissant penser que l’hélicoptère money serait à mes yeux de nature à éradiquer la déflation au Japon. Je n’ai en réalité fait que traduire ce que la Banque du Japon attendrait certainement de cette politique. Mes propos étaient en effet ambigus mais ils ne reflétaient en aucun cas mon opinion personnelle. Je suis pour ma part extrêmement réservé sur les politiques monétaires actuelles des grandes banques centrales et je ne manque pas de faire part de mes réserves dès que l’occasion m’en est donnée. J’ai notamment commis un petit ouvrage sur le sujet intitulé Alerte au Tsunami monétaire.
Cordialement