Comment nos décideurs comptent-ils s’y prendre pour le restreindre ?
Hier, nous décrivions comment les théories de Richard Lachmann suggéraient qu’il existait peut-être un moyen d’éviter la catastrophe à venir.
Revenons en arrière…
Les Etats-Unis ont une dette « excédentaire » de 50 000 Mds$. C’est un fardeau énorme… qui rend presque impossible le retour à une économie « normale » et saine. La Fed doit augmenter les taux pour lutter contre l’inflation. Or, des taux plus élevés menacent de faire s’effondrer cette pile de dettes, comme une avalanche après une forte chute de neige.
La Fed est prise au piège. Elle doit lutter contre l’inflation (ou sembler la combattre). Mais elle doit aussi sauver les banques. Et elle devra bientôt sauver la plus grande et la plus mal en point de toutes les banques… elle-même. Bloomberg :
« Pour la première fois, la Fed perd de l’argent. En raison de son exposition au risque lié au taux d’intérêt, les fonds propres de la banque centrale atteindront bientôt le seuil négatif.
Comme toutes les banques centrales, la Réserve fédérale a été conçue pour faire gagner de l’argent au gouvernement grâce à son monopole sur l’émission de monnaie. La Fed a effectivement généré des bénéfices, qu’elle a envoyés au Trésor, chaque année depuis 1916, jusqu’à l’automne dernier. Fait inédit, la Réserve fédérale a subi des pertes d’exploitation d’environ 42 Mds$ depuis septembre 2022. »
« Bon courage », leur souhaite un collègue. Essayer de sauver les banques tout en luttant contre l’inflation, « c’est comme de faire tourner des assiettes sur des bâtons… tout en sautant sur un trampoline… lui-même attaché à une montagne russe ».
Restreindre l’avenir
Le revers de la médaille de l’excès de dette est un excès de 50 000 Mds$ de « richesse » papier – actions, obligations, immobilier – qui a été gonflé par les taux ultra-bas de la Fed. Si la dette disparaissait – par défaut – il en irait de même pour la valeur des actifs qu’elle soutient.
Et elles ne sont pas idiotes. Elles savent que l’avenir peut dévaluer les actifs actuels, et brouiller les hiérarchies du moment (les derniers seront les premiers !). Leur priorité numéro 1 est donc d’empêcher systématiquement que l’avenir ne se produise.
La Chine est en train de nous rattraper ? Il faut l’arrêter !
Les banques font faillite ? Il faut les renflouer !
La croissance du PIB américain est en baisse ? Il faut la stimuler !
Les autochtones commencent à s’agiter ? Adoptez une loi pour les empêcher d’avoir des idées !
La diversité de la pensée unique
Toute innovation technologique (à l’exception de celles qui peuvent être utilisées pour neutraliser nos ennemis ou contrôler les masses) présente une menace pour l’establishment. Les politiciens indomptés (Donald Trump !) sont un danger pour notre démocratie. Les nations étrangères qui ne sont pas nos alliés loyaux (Russie ! Chine ! Iran !) sont des pays voyous qu’il faut mettre au pas. Tout est menace. Et chaque menace présente une bonne occasion de dépenser l’argent public.
Mais les décideurs ne sont pas tous du même avis. Il y a, après tout, des républicains et des démocrates, des suprématistes blancs et des idéologues éveillés, des personnes qui insistent pour sauver la planète et d’autres qui la laisseraient bien se débrouiller toute seule.
Richard Lachmann affirme qu’une élite fracturée est moins à même d’empêcher le changement que ne l’est une élite unifiée. L’Espagne, par exemple, était autrefois le pays le plus riche d’Europe. Mais après l’effondrement de son empire, l’élite a serré les rangs si étroitement qu’elle est parvenue à supprimer toute innovation. L’Espagne est alors devenue la nation la plus arriérée du Vieux Continent.
En Angleterre, en revanche, l’élite était divisée. Le roi était en concurrence avec l’aristocratie locale, le clergé, les propriétaires terriens ainsi que les premiers capitalistes. Incapables de s’unir pour l’empêcher, la révolution industrielle s’est installée et a bouleversé l’ordre ancien.
C’est du moins ce que raconte Lachmann. Nous vous transmettons cette idée non pas comme une vérité, mais simplement comme une autre façon de comprendre une histoire qui est beaucoup plus complexe.
Mais que pouvons-nous en apprendre ?
D’une manière ou d’une autre, l’avenir va se produire. Et Lachmann a probablement raison ; si les fractures politiques sont suffisamment larges, elles peuvent laisser passer assez d’air pour permettre à un nouveau statu quo de se développer. Les élites d’aujourd’hui veulent désespérément éviter la déflation, qui réduirait rapidement la valeur de leurs actifs. Elles cherchent également à maintenir l’empire en place, avec ses milliards de dollars versés aux industries liées à la défense… et aux politiciens qui les soutiennent. L’inflation est la réponse à ces deux priorités – l’argent frais ferait grimper le prix des actifs… et permettrait de poursuivre le gâchis.
Le « plan tronçonneuse »
Mais que se passera-t-il si la gauche et la droite ne parviennent pas à se mettre d’accord ? Et si le prochain débat sur le plafond de la dette, par exemple, aboutissait à une impasse ? Et s’il existait une faction alternative suffisamment importante… d’« influenceurs » marginaux et de « conservateurs »… pour faire capoter le processus ? Et si Jerome Powell voulait sérieusement maîtriser l’inflation… ou me gouverneur De Santis mettait vraiment fin aux guerres éternelles ?
Ici, en Argentine – vous n’y croiriez pas – un politicien peu conventionnel et ancien chanteur de rock’n’roll, Javier Milei, propose de démanteler l’ensemble de l’establishment prédateur. Dans n’importe quel autre pays… à n’importe quelle époque… il serait considéré comme un grain de sable et passerait inaperçu dans le processus politique. Mais ici, après 70 ans de maladresses gouvernementales qui ont détruit l’économie… où la pauvreté est généralisée et où les gens font plus confiance aux vendeurs de revêtements en aluminium qu’au gouvernement… Milei s’est lancé dans la course à la présidence comme un ange vengeur. Il est déjà troisième dans les sondages présidentiels… et est en pleine progression.
Son « plan tronçonneuse » viserait à supprimer les départements de la santé, de l’éducation, des travaux publics et du développement social. Ses budgets seraient équilibrés. Sa monnaie serait aussi solide que le dollar américain (il propose d’utiliser le dollar comme monnaie en Argentine… ignorant peut-être que le billet vert est probablement en train de suivre le chemin du peso !)
Nous doutons que les Etats-Unis soient prêts pour un tel futur. En politique, les crapules ont toujours recours à la guerre et à l’inflation pour se maintenir au sommet… et elles s’en tirent pour longtemps. Les démocrates soutiennent pleinement le programme de guerre et d’inflation. Et les républicains Trumpifiés aussi. Ils ont abandonné leur vieille religion – budgets intérieurs équilibrés, non-intervention à l’étranger – il y a longtemps. Puis, en 2020, sous la houlette de M. Trump, ils se sont ralliés à la plus grande violation de la discipline budgétaire de l’histoire des Etats-Unis, avec 6 000 Mds$ de subventions, de prêts aux entreprises, de mesures de lutte contre le chômage et autres cadeaux.
Les républicains peuvent être en désaccord avec les démocrates sur de nombreuses questions… mais pas sur les plus importantes. Eux aussi veulent protéger le statu quo.
Comme un alcoolique, les Etats-Unis doivent toucher le fond avant de pouvoir rebondir. Ils ont un long chemin à parcourir. Et pour l’instant, les décideurs s’en tiendront à la guerre et à l’inflation.
2 commentaires
Il semble que les guerres contemporaines ne soient pas une nouveauté pour les USA. En 240 ans d’existence, seulement 16 ans de paix.
C’est M. Wang Wenbin porte parole du ministère des affaires (belliqueuse ?) étrangères chinois qui le dit.
La guerre est donc une spécialité maison aux USA depuis toujours. En quoi aujourd’hui ça serai un problème ?
Pour info, dans 80% des cas, les US ont été les agresseurs.
La raison du plus fort étant toujours la meilleurs (c’est pas moi qui le dit là encore): sans doute pour eux, ils ont été agressés dans 100% des cas 🙂
JFK a voulu arrêter la guerre du Vietnam, il a connu une fin brutale.
Coluche a voulu bouleverser la vie politique, il a connu une fin brutale.
Balavoine a insulté une élite, il a connu une fin brutale.
Coïncidences sans aucun doute.
Mais je ne parierai pas un maravedi sur la peau de Javier.