L’assouplissement quantitatif ne fait qu’acheter du temps sans régler les problèmes de fond. Aujourd’hui, ces derniers se réveillent…
Reprenons notre analyse des raisons pour lesquelles l’assouplissement quantitatif ne fonctionne pas. Il y a plusieurs années que je dis que l’on ne sort pas d’un QE aussi massif et que je fais la comparaison avec la drogue. Nous avons pu constater ces dernières semaines que c’était malheureusement vrai.
La Fed, puis la BCE, se sont mises à rétropédaler sur la hausse des taux et sur la normalisation de leurs bilans. Pourquoi un tel revirement dans un tableau aussi idyllique ?
Un milliardaire dirige les États-Unis. L’économie américaine est en surchauffe, c’est le plein-emploi. En Europe, l’Allemagne va bien, voire très bien. Le Portugal, l’Espagne, la Grèce sont tirés d’affaire. L’Italie freine un peu, mais c’est finalement normal… ce sont de méchants « fascistes » dixit Macron. Le Royaume-Uni est un peu perdu aussi parce qu’il veut nous quitter. La France, elle, est un peu ennuyée le week-end, mais pas plus que ça, et puis nous avons le Mozart de la finance comme président, que dis-je, un Dieu vivant !
La Chine ralentit, mais ça n’a pas d’importance parce qu’ils ont beaucoup, beaucoup d’argent. Ils vont repartir, c’est sûr ! Et le Japon, on s’en fout, parce qu’il détient sa propre dette lui-même. Si jamais ça tourne mal, il se fera seppuku !
Mieux serait insupportable. Pourquoi se faire des nœuds au cerveau et pourquoi retourner sa veste ?
Première hypothèse : les banquiers centraux n’ont pas de cerveau et croient réellement que nous sommes à la limite de la surchauffe. Cette hypothèse est, vous en conviendrez, complètement farfelue, ce serait comme de penser qu’un préadolescent mal élevé est président de la « Ripoublique » en France. Nous ne nous y attarderons donc pas.
Deuxième hypothèse : les banquiers centraux ont mis dix ans à se rendre compte qu’ils n’avaient eu aucune action sur l’économie réelle et que la communication ne suffisait plus. Je n’ose y croire car cela validerait alors la première hypothèse, ce que, je vous le rappelle, nous n’avons pas validé d’un commun accord. Ce serait vraiment trop farfelu.
Troisième hypothèse : les banquiers centraux sont conscients de ce qu’ils font, ils savent pertinemment qu’ils nous envoient dans le mur, mais dans ce cas c’est nous qui n’avons pas de cerveau et cela n’est évidemment pas possible.
A moins que ce ne soit un savant mélange des trois hypothèses… ce qui aurait l’avantage de ménager tout jugement définitif sur les capacités intellectuelles des uns et des autres.
Dans un premier temps, ils n’ont rien vu arriver. Ils l’ont dit eux-mêmes et je suis assez tenté de les croire. Ils ont totalement sous-évalué l’impact de la crise de 2008, si bien que quand la bise fut venue, ils se trouvèrent fort dépourvus. Ils se réunirent au printemps 2009, car 20 têtes vides valent toujours mieux qu’une pour mettre en place une brillante politique d’offre de monnaie, selon le principe maintes fois éprouvé que c’est la queue qui remue le chien et non pas l’inverse.
Avaient-ils conscience à ce moment qu’ils ne faisaient qu’acheter du temps, mais ne réglaient aucun des problèmes ? Cela ne change pas grand-chose en fait. Volontairement ou non, le résultat est le même : ils ont enclenché un processus dont on ne peut sortir gagnant.
Aujourd’hui, le moindre petit coup de froid, la moindre brise contraire les affole. Il faut dire que l’exercice n’est pas facile. Comment, après avoir dit et répété que tout allait bien grâce aux décisions qu’ils avaient prises, justifier ce spectaculaire retournement de veste sans passer pour des c…
L’exercice est pourtant aisé tant les intervenants des salles de marchés sont en général dépourvus de tout esprit critique, sont ivres de bonheur sachant que les banques centrales sont à la manœuvre et ne s’interrogent à aucun moment sur les conséquences économiques de ces actions.
Comment cela se terminera-t-il ?
Je vois deux scénarios possibles.
Une prise de conscience de la valeur de la monnaie
Les marchés jouent la récession et plongent de 30% à 40%. Les banques centrales, qui paniquent déjà face à une baisse de 20% comme l’a prouvé le revirement de la Fed en fin d’année dernière, se jettent dans la bataille sans retenue et sans limite.
Peu importent les montants, il faut faire remonter les marchés.
Au bout de quelque temps, les investisseurs comprennent qu’il n’y a pas de plan de sortie, que les banques centrales ne pourront plus revenir en arrière et qu’elles sont désormais condamnées à la planche à billets jour et nuit jusqu’à la fin des temps.
La valeur de votre monnaie s’effondre, bienvenue au Venezuela.
Une prise de conscience des peuples qu’ils sont les dindons de la farce
Ce scénario a déjà commencé mais il pourrait se durcir. Il commence comme le précédent, les banques centrales font remonter les marchés à coups de milliers de milliards.
Les peuples, déjà passablement énervés, sont à nouveau ponctionnés pour faire tenir le système, sauver les banques et les gros investisseurs. C’est la goutte d’eau de trop. De véritables guerres civiles éclatent.
En attendant, les banques centrales vont continuer de faire ce qu’elles font depuis la crise de 2008 : garder les taux bas et imprimer tout ce qu’elles peuvent pour essayer d’empêcher les marchés de reculer.
Certains « experts » nous annonçaient des remontées fantastiques de taux, preuve qu’ils n’avaient pas grand-chose entre les deux oreilles. Ils prévoyaient des taux directeurs de la Fed à 3% et des taux à 10 ans à plus de 6%. Jusqu’à preuve du contraire, le taux de la Fed va rester à 2,5%. Les mêmes les voyaient à plus de 4% en France en 2019, pour l’instant la BCE est toujours à 0,25%.
C’est l’augmentation des transactions qui crée de fait la monnaie et non l’augmentation de monnaie qui est à l’origine d’une augmentation de transactions, sauf dans le cas de la finance où la monnaie « marchandisée » est elle-même l’objet de la transaction.