Le citoyen moyen perd de l’argent… et du temps. Aucune manipulation « hédoniste » ou calcul économique ne changera rien à l’affaire.
Peu importe que les prix grimpent, disent les économistes « modernes » : c’est une bonne nouvelle, puisque la valeur qu’ils leur attribuent grimpe – comme nous l’avons vu hier. Mais comment des économistes pourraient-ils en décider ? Les choses n’ont pour seule valeur que celle attribuée par des consommateurs non-contraints dans le cadre d’un marché libre.
Vous pouvez rechercher sur internet une camionnette Ford F150 de 1970, état NEUF. Que trouverez-vous ? Pas un véhicule qui se vend 2 600 $ comme en 1970… ni au prix ajusté à l’inflation de 18 000 $. Il se vend plutôt 28 000 $ environ, comme si toutes les améliorations des 50 dernières années ne valaient rien.
Si l’on mettait sur le marché une version du F150 de 1970 vendue 28 000 $, nous doutons que ce soit un succès. Mais une version de 1970 vendue aujourd’hui au prix de 1970 – soit 2 600 $ – partirait probablement comme des petits pains.
Ajustements hédonistes et imposteurs
Les chercheurs Gale Pooley et Marian Tupy utilisent en fait la même technique que celle du Bureau des statistiques de l’emploi US. On appelle cela des « ajustements hédonistes » – où l’on déduit des prix ce que les ronds-de-cuir considèrent comme des « améliorations ».
Le Bureau des statistiques de l’emploi pense lui aussi savoir ce que valent ces améliorations – même sans tenir compte de la valeur temps. Ses génies décident simplement par eux-mêmes, faussant ainsi la véritable information contenue dans les prix réels à l’aide d’imposteurs inventés de toutes pièces.
Pooley et Tupy font exactement la même chose. Ils ont observé que les humains sont, en termes de temps, plus à même d’acheter les « 50 biens fondateurs ».
Sauf que les gens n’achètent pas des biens fondateurs. Ils achètent des produits finis, comme le F150. Et ils les achètent avec les salaires qu’ils gagnent réellement, non des salaires embellis par des études valeur/temps, améliorés par des ajustements hédonistes ou gonflés au silicone des gains comparables en Chine.
Le calcul de Pooley et Tupy est basé sur l’augmentation planétaire des salaires, non la hausse des salaires aux Etats-Unis. Dans la mesure où les salaires chinois ont fait des progrès stupéfiants, cela gonfle tout naturellement la moyenne planétaire à Duluth et Tupelo.
Mais est-ce que le salarié de Donora se prélasse dans la tiédeur de la bonne fortune chinoise ? Cela lui facilite-t-il la vie en termes de remboursement de son prêt immobilier, ou simplement pour maintenir un niveau de vie normal ?
Absolument pas.
Il va probablement en éprouver du ressentiment… et penser que les Chinois sont en train de l’arnaquer.
De dangereuses extrapolations
Ce ne sont pas les Chinois qui le trompent, cependant : ce sont plutôt les autorités américaines et tous les économistes à la sauce Samuelson qui les encouragent.
Le F150 est constitué de ces biens fondateurs qui, selon Pooley-Tupy, ont chuté de 64% en valeur temps sur les 40 dernières années. En d’autres termes, une camionnette de 1970 devrait n’exiger que 238 heures de travail actuel. Dans quelques décennies, elle devrait être gratuite. Au lieu de cela, elle coûte déjà le double d’heures que ce qu’elle coûtait en 1970.
En termes d’argent… et en termes de temps… le citoyen moyen s’appauvrit.
Ce que cela démontre – selon nous en tout cas –, c’est le danger des extrapolations idiotes. Samuelson pensait que l’Union Soviétique s’enrichissait grâce à sa production de masse et sa planification centrale. Ces professeurs – Pooley et Tupy – pensent que le travailleur américain s’enrichit aussi.
Regardons donc à nouveau ce qu’il se passe réellement – en termes de temps.
Si le véhicule de l’Américain moyen est devenu deux fois plus cher, il en est allé de même pour son logement. En 1970, il lui fallait 23 000 $ pour se mettre un toit sur la tête. Aujourd’hui, on est à 240 000 $. En termes de temps, cela coûte près de deux fois autant. Est-ce une « meilleure » maison ? Elle est en tout cas plus grande… avec plus de gadgets.
Beaucoup de gens vivent encore dans des maisons construites avant les années 70, les malheureux. Et que sont-elles, sinon des tas de « biens fondateurs » ? Une maison des années 70, sans travaux, devrait donc se vendre aujourd’hui pour 64% moins d’heures qu’en 1970. Bonne chance pour trouver cela sur le marché…
Et qu’en est-il des soins médicaux pour l’Américain moyen ? Le National Health Statistics Group nous donne le chiffre de 356 $ par personne en 1970. Aujourd’hui, ce même chiffre est à 10 000 $ environ.
Dans ce cas, c’est un peu plus compliqué parce qu’en 1970, on payait généralement directement. Aujourd’hui, les assurances et les autorités embrouillent la situation. Mais en utilisant simplement les chiffres à notre disposition, on constate que cette somme a été multipliée par 28. En termes de temps, on est passé de 91 heures à 424 heures… soit une augmentation de près de cinq.
Les soins sont-ils meilleurs ? Difficile à croire. L’espérance de vie des hommes américains diminue. Ils ont donc moins de temps… et moins d’argent.
Ma foi, au moins peuvent-ils se dire avec fierté que la race humaine avance… qu’ils peuvent acheter plus de boisseaux de blé et livres d’acier que jamais auparavant… et qu’ils ont 600 puces sous le capot.