De la Maison-Blanche aux transactions en crypto-monnaies, l’argent malhonnête engendre une classe de plus en plus influente et corruptrice.
Si l’argent honnêtement gagné devait disparaître, tout deviendrait douteux.
Nous avons longuement abordé l’influence pernicieuse qu’exerce l’argent falsifié sur le prix des actifs financiers et l’économie. Tout s’en trouve déformé, perverti… et faux. On a des prix qui augmentent. On a des prix qui baissent. Mais ce que l’on n’a pas, ce sont des prix honnêtes.
Hier, nous nous sommes penchés sur les « petits fraudeurs », qui dépouillent le contribuable d’un ou deux millions.
Aujourd’hui, nous allons nous intéresser aux gros poissons.
Pour rappel, l’argent en question n’a jamais été gagné par personne. Personne ne peut réellement le revendiquer. Et quels types de pommes tombent de cet arbre à monnaie de singe ? Des fruits véreux, comme l’on pouvait s’y attendre.
Et quoi que l’on dise, par ailleurs, de l’équipe Trump, elle a un extraordinaire appétit pour les fruits pourris.
Selon The Economist :
« Récemment, une délégation d’hommes d’affaires suisses est arrivée avec un lingot d’or et une horloge de bureau Rolex pour Donald Trump, qui a déclaré : ‘beau travail’ et accepté les cadeaux pour sa bibliothèque présidentielle. Quelques jours plus tard, les tarifs douaniers américains visant la Suisse ont baissé de plus de moitié. En mai, le Qatar a offert à M. Trump un avion présidentiel d’une valeur de 400 M$, également destiné à sa bibliothèque. En octobre, cet état du Golfe persique a obtenu l’autorisation de bâtir un site d’entrainement pour ses pilotes de combat sur une base aérienne [américaine] située dans l’Idaho. »
Il s’écoule difficilement une journée sans que l’on ne renifle un parfum du scandale. Nous ne voulons pas dire que les gens sont des escrocs : la malhonnêteté existera toujours. Mais l’argent malhonnête engendre des gens malhonnêtes.
Au sein d’une économie honnête, vous êtes payé pour fournir des produits et des services. Au sein d’une économie malhonnête, le racket, les arnaques et les bonnes vieilles combines sont payantes.
Toujours selon The Economist :
« Au cours des dix derniers mois, le président a démantelé l’appareil anti-corruption du gouvernement. Le résultat, c’est l’impression générale que la Maison-Blanche est influençable, et que des activités autrefois considérées comme sordides, scandaleuses ou répréhensibles sont tolérées, si ce n’est bienvenues. »
La grâce présidentielle, par exemple, est désormais « à vendre », déclare The Economist.
Cela nous rappelle que Trump a gracié Trevor Milton, au printemps dernier. M. Milton est à l’origine de Nikola, une entreprise qui s’est servie du prénom de l’inventeur Nikola Tesla, en laissant son nom de famille à Elon Musk.
A un moment donné, cette action a valu 30 Mds$, sur la promesse d’une flotte de camions qui n’auraient pas besoin d’essence. Hélas, la société s’est heurtée à un grave problème : une nouvelle technologie qui ne fonctionnait pas.
Alors Milton a remorqué un prototype de camion en haut d’une montagne et l’a filmé en train de dévaler la pente, de sorte que les spectateurs se sont imaginés qu’il roulait avec sa propre énergie. Pour ça, et pour d’autres magouilles, Milton a été condamné à quatre ans de prison.
Mais lors de son procès, Milton a été défendu par Brad Bondi, le frère de Pam Bondi, l’actuelle Attorney General (ministre de la Justice) des Etats-Unis. Et l’an dernier, Milton a judicieusement versé 1,8 M$ à la campagne électorale de Trump. La grâce – qui l’a fait sortir de prison, et l’a également dispensé de rembourser les investisseurs de Nikola (qui ont tout perdu quand la société a fait faillite) – est intervenue dans les deux mois du retour de Trump à la Maison-Blanche.
Et à présent, aucune toile d’araignée n’a le temps de s’installer sur la porte d’un lobbyiste. Les clients affluent en masse, prêts à payer très cher pour qu’on chuchote un mot à l’oreille du président. Les lobbyistes concluent des accords avec le président pour les faire sortir de prison.
Selon le Washington Post :
« En avril, Alina Habba, procureur du New Jersey, vantait le rôle joué par ses services dans la condamnation de l’ex-propriétaire d’un réseau de maisons de retraites à trois ans de prison pour avoir commis une fraude de 38 M$ contre le gouvernement. D’après la déclaration d’Habba, cet homme, Joseph Schwartz, était accusé d’avoir dirigé un ‘empire de maisons de retraite en faillite’ et de n’avoir pas payé ‘volontairement’ les charges sociales.
A peu près à cette époque, Schwartz a versé 960 000 $ à deux lobbyistes ‘pour demander une grâce fédérale’, selon leurs dossiers de lobbying. »
L’argent falsifié semble faire ressortir le pire côté des individus. Il est accessible à tous mais aimé de personne et, au bout du compte, abusé et dévalorisé.
Mais dans l’histoire de la fourberie, il n’y a rien de comparable aux opportunités offertes par les activités de M. Trump dans le secteur des crypto-monnaies.
Là, l’argent falsifié est porté à un tout autre niveau. Les gens utilisent un type d’argent falsifié (des dollars) pour acheter la crypto-monnaie du président (qui n’a également aucune valeur réelle). Mais comme par magie, ce qu’ils obtiennent en retour peut vraiment avoir de la valeur.
The Economist suit cette affaire :
« En mai, un fonds basé aux Emirats arabes unis, MGX, a déclaré qu’il allait acheter pour 2 Mds$ de jetons World Liberty. La transaction a rapporté des millions aux Trump, cette année.
Deux semaines plus tard, M. Trump a accepté de permettre aux Emirats arabes unis d’acheter les très convoitées puces d’IA, un privilège que leur avait refusé le gouvernement Biden, en raison des amitiés entre les Emirats et la Chine. C’est Steve Witkoff – envoyé de M. Trump, et dont le fils dirige World Liberty – qui a négocié l’accord sur les puces. Face à Witkoff se trouvait le frère du prince héritier des Emirats arabes unis qui est également P-DG de MGX. »
Mais face à l’une des plus gigantesques escroqueries, le public est non seulement dans une incompréhension totale, mais aussi admiratif — presque servile — envers ceux qui l’ont commise
