▪ Le Dow Jones Industrial Average a enregistré une reprise de plus de 500 points depuis que le gouvernement grec a « accepté » davantage d’aide de la part de l’Union européenne et du FMI. Si l’on en croit la Bourse, donc, la crise grecque, c’est de l’histoire ancienne. Problème résolu.
Mais au moins deux nouveaux éléments, assez intrigants, vont à l’encontre de ce happy end. Premièrement, Moody’s a banni le Portugal et l’a condamné au donjon des junk bonds un peu plus tôt dans la semaine. La Grèce, qui est détenue dans ce même donjon depuis plusieurs semaines déjà, sera peut-être ravie de son nouveau compagnon de cellule. Mais les investisseurs dans les obligations européennes, eux, sont moins enthousiastes.
Mais ne laissez pas les Grecs et les Portugais entamer votre moral. Ils trouveront bien un moyen de se distraire au cours de cette incarcération financière. Même si leurs langues maternelles sont différentes, ils comprennent tous deux parfaitement la langue universelle — le dialecte mondial de la faillite. En réalité, ils comprennent cette langue nettement mieux que leurs créditeurs.
« Faillite » s’écrit peut-être πτώχευση en grec et bancarrota en Portugais, mais les Grecs comme les Portugais comprennent tous deux qu’une faillite souveraine, en Europe, est synonyme de très grosses subventions de la part de leur voisins. En gros, ce mot signifie « promettre tout un tas de trucs, mais ne rien faire du tout (ou presque) avant que l’argent soit presque totalement dépensé. » Après, la faillite signifie ce qu’elle signifie toujours : le débiteur arnaque le créditeur, et la vie continue.
Les Grecs et les Portugais sortiront donc de leur donjon, libéré des chaînes de la dette et de l’austérité, les poches pleines de drachmes et d’escudos.
▪ Comment le savons-nous ? En réalité, nous n’en savons rien, mais les choses se passent toujours ainsi. L’une des raisons pour lesquelles nous pensons que les nations en faillite continueront de faire la quête jusqu’à ce qu’elles finissent par se déclarer insolvables, c’est le fait que les Grecs sont déjà en train de le faire.
« Un jour à peine après avoir reçu des fonds de soutien d’un montant de plusieurs milliards de dollars de la part du FMI, » déclare Investors Business Daily, « le Premier ministre grec tendait à nouveau la main, espérant un autre prêt, cette fois-ci de la part de l’Europe. Son Etat-mendiant est il devenu l’Oliver Twist des nations ? »
La réponse est évidemment oui. Mais pourquoi ne pas mendier, quand mendier est si simple ? Papandreou demande à l’Europe de prêter 173 milliards supplémentaires à la Grèce, en plus des 156 milliards de dollars de fonds que l’UE et le FMI ont déjà accordés, et en partie transférés.
Selon Investors’ Business Daily, »le montant total dépensé pour l’instant pour les sauvetages successifs, les garanties et les subventions est de 394 milliards de dollars ». « Pourtant l’Europe semble coupée de la réalité, alors même qu’elle lutte pour trouver de nouveaux fonds »… Le London Telegraph souligne que le second plan de sauvetage demandé par la Grèce ne devrait suffire que jusqu’à 2014, et laissera le pays plus endetté encore après cette date. Il faudra bien que quelqu’un paye.
« Peut-être que les causes profondes du problème — des programmes sociaux non provisionnés et un secteur public sous stéroïdes — devraient être prises pour cibles tout autant que la situation budgétaire précaire de la Grèce, » poursuit l’IBD. « Les méga-subventions accordées par le FMI ne font face qu’à une seule partie du problème — les comptes budgétaires. Elles ne traitent absolument pas de la nature socialiste de ce système, qui a réduit ses finances à néant… Les prêts du FMI aident peut-être le gouvernement à garder la tête hors de l’eau, mais c’est ce même gouvernement qui ne permet pas au secteur privé de sortir la Grèce du bourbier pour de bon. »
« Plan de sauvetage en poche », résume l’IBD, « la Grèce reste un marécage pour ce qui est de la fixation des prix : les marchés sont déformés, et le clientélisme donne à certains citoyens –généralement des fonctionnaires — des privilèges par rapport aux autres ; la réglementation massive du secteur privé encourage l’évasion fiscale, l’inactivité et la dénonciation… L’appel de Papandreou, qui demande d’avantage de fonds après les subventions accordées par le FMI, est un signal clair : ce modèle économique est vicié. »
« Je pense qu’il s’agit là d’un cas où les docteurs finissent par tuer le patient, » prédit Steve Hanke, économiste à l’université Johns Hopkins.
Possible, mais nous parierions plutôt sur les patients tuant les docteurs. Et, pour en revenir à notre métaphore, sur les prisonniers tuant leurs geôliers. D’une manière où d’une autre, les nations européennes débitrices finiront par arnaquer leurs créditeurs. Tout va bien tant que les fonds de secours continuent d’affluer… mais une fois les robinets coupés, quelques minutes suffiront.
En tant qu’investissement capitaliste, les gouvernements sont un très mauvais pari. Etant donné qu’ils ne produisent pas, ils sont génétiquement prédisposés à connaître l’échec financier. Les entreprises aussi peuvent finir en faillite, bien entendu, mais beaucoup réussissent… souvent de manière spectaculaire.
Du fait de ces dynamiques, de véritables capitalistes se doivent d’investir dans des entreprises capitalistes tout en essayant de fuir les consommateurs de capitaux, tels que les gouvernements.