▪ Parmi toutes les discussions sur le 100e anniversaire de la Première Guerre mondiale est paru un petit livre de Philippe Simonnot intitulé Non, l’Allemagne n’était pas coupable.
Entre autres choses, le livre révèle que la culpabilité de la guerre, imposée à l’Allemagne comme un noeud coulant lors d’un lynchage, était une fausse accusation. L’Allemagne ne voulait pas la guerre — pas plus qu’elle ne l’a commencée.
Au début du conflit, on entendait partout que les soldats allemands en Belgique se comportaient comme des monstres — passant des nouveaux-nés au fil de la baïonnette, coupant des milliers de mains, violant des nonnes. Ces affirmations étaient si inquiétantes que plusieurs équipes américaines sont parties en Belgique pour les vérifier. Echec complet. Pas de nonnes abusées, pas de mains coupées, pas de bébés éventrés.
Cela aurait dû mettre la puce à l’oreille des Américains : on était en train de les escroquer. Mais personne ne voulait l’entendre, et surtout pas le président américain. M. Wilson voyait arriver la gloire ; il en voulait sa part. Il pouvait gagner la guerre… et présider à la paix. Il ne serait pas un simple président américain de plus mais pourrait être comme Charlemagne, Jeanne d’Arc ou Jésus de Nazareth — l’un des grands sauveurs de la civilisation.
A la fin 1918, le jardin de la civilisation européenne avait été mal entretenu et négligé durant quatre ans |
Au lieu de ça, il l’a mise en route pour l’enfer. Les combattants épuisés étaient prêts à régler leurs affaires en 1916. Wilson a envoyé des troupes fraîches, du nouveau matériel et de l’argent tout neuf — assez pour faire durer la guerre pendant encore deux années sanglantes. Les soldats américains sont arrivés en 1917 avec l’idée mirobolante qu’ils allaient « rendre le monde plus sûr pour la démocratie ». Même ainsi, c’était absurde. Les Allemands avaient une démocratie parlementaire fonctionnelle, tandis que la France et la Grande-Bretagne refusaient systématiquement le vote à ces centaines de millions de personnes en Inde et en Afrique.
A la fin 1918, le jardin de la civilisation européenne avait été mal entretenu et négligé durant quatre ans ; des herbes dangereuses étaient en train de prendre racine. En Russie, les bolcheviques étaient déjà en pleine floraison et les première pousses du national-socialisme apparurent en Allemagne seulement quelques années plus tard.
▪ Qui sont les vrais coupables ?
Sauver la démocratie n’avait rien à voir avec la Première Guerre mondiale ; quant à la prolongation de la guerre… ainsi que le Traité de Versailles qui y a mis fin… ils ont fait du XXe siècle le bain de sang le plus effroyable de l’histoire. C’était de la faute de Wilson plus que d’aucun autre.
Mais Wilson n’a pas commencé la guerre. A qui doit-on cela, alors ?
Simonnot pense que les vrais coupables sont la Russie et la France.
Pour commencer, elles avaient un motif. L’Allemagne ne voulait pas la guerre ; elle n’avait rien à y gagner. La Russie, en revanche, pensait que la guerre était presque essentielle. Son économie se développait rapidement… et aurait pu concurrencer celle des Etats-Unis si elle avait continué. Mais il y avait un maillon très fragile dans sa chaîne de développement : son seul accès à la Méditerranée et aux marchés mondiaux passait par le détroit du Bosphore. Et la Russie avait vu ce qui se passait lorsque le détroit était fermé. En 1912, durant la guerre entre les Turcs et l’Italie, le passage avait été fermé. La Russie pensait qu’avoir le contrôle de Constantinople était un intérêt national vital. Elle avait besoin d’une guerre courte en Europe qui lui donnerait un prétexte pour se saisir du détroit.
Quant à la France, elle brûlait d’humiliation après avoir perdu l’Alsace et la Lorraine suite à sa dernière guerre avec l’Allemagne. Durant les 40 années qui suivirent la victoire de la Prusse à Sedan, les Français avaient développé une culture militariste agressive et revancharde, dont Raymond Poincaré s’était fait le champion. Le pays voulait la guerre avec l’Allemagne. Et il s’est allié avec la Russie de manière à ce que le pire cauchemar de l’Allemagne se réalise — une guerre sur deux fronts. L’Allemagne étant attaquée sur les deux flancs, ni la France ni la Russie ne pensaient perdre.
Deuxièmement, la France et la Russie tenaient une occasion. La France investissait lourdement dans les chemins de fer russes. Ni les Allemands ni les Français n’ignoraient que le but stratégique du chemin de fer était de convoyer des soldats vers le front de l’est. Le Tsar pouvait convoquer quelque 2,5 millions de soldats. Le système ferroviaire augmentait la menace d’un coup rapide et décisif.
▪ Des disparitions troublantes
A la fin de la Première Guerre mondiale, de nombreux documents parmi les plus importants de France disparurent des fichiers ; on ne les revit jamais. Les Alliés avaient battu l’Allemagne sur le champ de bataille ; à présent, ils allaient la lyncher comme étant responsable de la guerre. Ils ne voulaient pas voir apparaître des preuves du contraire. Mais quelques éléments passèrent entre les mailles du filet…
Simonnot explique par exemple que dans un mémorandum daté du 2 septembre 1912 — deux ans avant le début de la guerre, donc — adressé Poincaré, un certain colonel Vignal, du deuxième bureau du personnel général militaire, prédisait qu’une guerre entamée dans les Balkans mettrait la France et la Russie en bonne position pour vaincre l’Allemagne.
D’autres documents — dont bon nombre provenaient de Russie — montrent que Gavrilo Principe (l’assassin de l’archiduc Ferdinand et de sa femme) et son groupe de conspirateurs, la « Main Noire », étaient payés par l’attaché militaire russe à Belgrade… et que le gouvernement de Serbie (allié de la Russie) était au courant du complot.
Dès janvier 1914, le journal français Le Matin avait rapporté « une extraordinaire concentration de forces [tsaristes] à la frontière prussienne ».
Poincaré se rendit à Moscou les 23 et 24 juillet, un mois après l’assassinat. Nous ne savons pas ce dont il fut question ; les comptes-rendus n’ont jamais été retrouvés. Mais nous savons que les Allemands n’ont pas été les premiers à mobiliser leurs troupes une fois la guerre déclarée. Les Russes mirent leur machine de guerre en mouvement une semaine après la visite de Poincaré. Les Allemands apprirent presque immédiatement que la Russie avait mobilisé 13 régiments pour la guerre. Le Kaiser mobilisa le lendemain. Ce fait aussi fut falsifié par la suite pour donner l’impression que l’Allemagne avait frappé la première.
Non, l’Allemagne n’était pas coupable. Il est plus probable que la France et la Russie étaient responsables du début de la guerre. Woodrow Wilson, quant à lui, est coupable d’en avoir fait une calamité historique.
7 commentaires
et les intérêts anglo-saxons autour du pétrole pour contrer le projet allemand/turc du Bagdad bahn ??
il n’aurait pas un peu oublié une bonne partie de l’histoire votre ami Simonnot ??
C’est pas bien Bill, on était habitué à mieux…
La France a une responsabilité, la Russie a rendu la guerre inévitable en mobilisant la première, l’Autriche a une lourde responsabilité en rejetant la réponse conciliante de la Serbie à son ultimatum, l’Allemagne a poussé l’Autriche à l’intransigeance. Les USA, et la France sectaire d Clemenceau ont prolongé la guerre malgré les offres sérieuses de paix de Charles Ier d’Autriche.
Ainsi l’histoire se réècrit elle….Barak Obama soucieux de répendre la démocratie à l’Américaine…un
homme , une voix……a décidé d’armer les djihadistes modérés !!!!! ( vous savez, ceux qui violent,pendent,
brulent….tout ce qui n’est pas en ligne avec la charia musulmane..)le motif essentiel étant de nuire à la
politique de la RUSSIE pour éviter qu’elle ne devienne un jour l’interlocuteur privilégié de l’Europe au
détriment des USA et de son grand marché global …..
Les Majors qui ont financé la campagne d’Obama veulent un retour rapide sur investissement…l’occasion
est d’enfin maitriser la route du pétrole et du gaz du moyen-orient ,quite à ce que l’interlocuteur soit
Abou Bakr al – Baghdadi nouveau Calife autoproclamé des ex-colonies Ottomanes d’Irak et Syrie
Il est toujours tentant et habituel de rechercher les causes d’une crise, d’une guerre, parmi les événements marquants qui l’ont précédé de peu, les dernières gouttes qui ont fait déborder le vase.
Gustave Le Bon dans ses livres autour de la guerre de 14, avant, pendant, après, donne des idées quant aux causes sur la longue durée. Il donne des noms, des citations, des références de textes allemands au cours des décennies. La montée du nationalisme aggressif est confirmée par Carl Menger bien avant 1914.
Voici un petit schéma auquel conduisent ces lectures :
Gustave Le Bon dit que la mentalité, les croyances, les opinions, d’un peuple changent soit lentement sur la durée, soit rapidement sous un choc.
L’Allemagne a évolué lentement de Frédéric 1er à Hitler. Emergence de la Prusse, formation de l’Empire après Sedan, montée de la puissance ensuite.
Le changement du peuple allemand s’est fait à travers l’école, la caserne, l’usine qui ont inculqué des habitudes de discipline, d’effort et de travail. Parallèlement, les dirigeants, soutenus par les intellectuels, philosophes, économistes, litérateurs, journalistes ont inculqué une mentalité de nationalisme agressif.
A la veille de la guerre de 14, les Allemands étaient le peuple dominant en Europe, industriellement, commercialement, militairement, sauf la marine, Mais au lieu de se contenter de dominer pacifiquement ils ont cru à une destinée de peuple élu, devant diriger directement les autres et chercher un espace vital. Hitler n’a fait que se couler dans une situation dejà préparée et il l’a portée à son paroxisme.
La guerre de 14 n’a pas été suffisante pour un changement inverse majeur. Les Allemands n’ont pas eu de destructions sur leur sol et d’atteintes aux populations civiles.
Le choc a été appliqué par Bomber Harris et l’Armée Rouge.
C’est très intéressant… cela conforte idée que ce sont bien les vainqueurs qui écrivent l’histoire !
Bravo à Bill Bonner pour son esprit curieux et anticonformiste. Il y a longtemps que les historiens sincères savent que la responsabilité de la guerre attribuée aux puissances centrales est le fait des vainqueurs et non celui des gens qui ont étudié objectivement la question.
Pour répondre au commentaire très intéressant de Raimverd, je ne crois pas que le nationalisme « agressif » des Allemands de 1913 provienne en premier lieu de leurs élites. Je crois plutôt à une réaction devant le mépris dont les accablaient la France et L’Angleterre, qui les décrivaient à longueur d’année comme des brutes primaires, lentes à la compréhension, incapables de finesse et d’humour. Par ailleurs, ni la France ni l’Angleterre ne supportaient la réussite économique de l’Allemagne et le développement de sa puissance maritime (chasse gardée : l’empire britannique, normal, l’empire français, normal, l’empire allemand ? Ah non !). Les observateurs les plus fins disent que le nationalisme des Allemands, peuple pacifique et martyrisé par les deux autres pendant des siècles, ça a été la réaction du faible qui trouve enfin son unité et secoue la tutelle, la réaction blessée de l’amoureux éconduit, du bon élève qui ne comprend pas pourquoi les cancres le détestent. On en est toujours là…
J’aime beaucoup cet article