▪ Le sommet de Bruxelles nous en apporte une éclatante démonstration. Chacun a mis un mouchoir sur ses principes afin d’éviter le cataclysme que les détenteurs de CDS (paris spéculatifs sur la faillite des PIIGS en particulier) espéraient.
L’Allemagne ne voulait pas voir le FESF — qu’elle abonde avec de l’argent public — racheter des créances pourries en quantité illimitée, et surtout pas avant 2013. Pourtant, elle passera à la caisse dès cette année, tout comme la France dont l’endettement devrait s’accroître de 15 milliards d’euros pour ce motif d’ici 2014.
La BCE ne voulait pas racheter des dettes bannies par les agences de notation. Pourtant, affublés d’un « CCC » et d’un diagnostic d’incident de crédit, les emprunts grecs concernés ne seront pas remboursés, ou très partiellement.
Les gouvernements européens ne voulaient pas entendre parler de restructuration de la dette grecque, synonyme de défaut de paiement et de menace mortelle pour les fonds propres de la BCE. Pourtant, ils se résolvent à admettre que c’est techniquement la solution retenue puisque le taux consenti pour le plan de sauvetage de juin 2010 est abaissé à 3,5% et la maturité doublée, de sept ans et demi à 15 ans. Certaines tranches d’emprunts émises par Athènes pourront même être converties en emprunts sur 30 ans, assortis d’une garantie du FESF afin de rassurer les banques.
Les banques ne voulaient pas entendre parler de taxe pour alimenter un fonds de soutien à la Grèce… et bingo : elles en seront bel et bien exemptées.
Leur point de vue a semble-t-il prévalu, avec la complicité des « cinq sages » qui conseillent Angela Merkel. Ils ont certainement réussi à convaincre la chancelière (qui à son tour a convaincu l’équipe de polytechniciens qui conseille Nicolas Sarkozy) que la barque était suffisamment chargée comme cela pour des banques de la Zone euro. Après tout, elles ont déjà du mal à répondre aux critères de fonds propres recommandés par le comité Bâle III.
▪ Et pendant que tout le monde se focalisait sur le deuxième sauvetage à grand spectacle de la Grèce… qui s’est préoccupé de la nécessité de recapitaliser également les banques locales ? Que se passera-t-il quand les caisses d’épargne espagnoles devront lever massivement des fonds pour s’éviter une faillite collective ? A part Madrid, qui aura envie de leur avancer de l’argent ? Et où Madrid trouvera-t-il cet argent ?
Avant de se préoccuper des vraies questions qui restent en suspens, les marchés se félicitent que les dirigeants européens, malgré toutes leurs divergences culturelles, soient parvenus à s’entendre. Ils ont renoncé à certains dogmes au nom d' »un idéal qui transcende les égoïsmes »… à moins que ce ne soit plutôt la peur de tout perdre ?
▪ Les parlementaires américains qui bataillent entre eux sur la question de dette ne semblent guère sensibles aux arguments philosophico-patriotiques !
L’affaire semblait plus compliquée et plutôt mal engagée à la veille du week-end. L’attitude intransigeante des républicains et de leurs alliés du Tea Party ne laissait pas transparaître l’espoir d’un accord sur l’extension du plafond de la dette avant l’expiration de l’ultimatum de Barack Obama (vendredi soir à minuit).
Le Congrès US avait d’ailleurs rejeté vendredi après-midi un plan drastique d’économies budgétaires proposé par un groupe de sénateurs républicains — en l’échange d’aucune concession sur des hausses d’impôts sur les riches et ultra-riches.
Un accord de dernière minute aura peut-être été conclu — ou pas — quand vous lirez ces lignes… mais une chose est sûre : il ne constituera pas le « grand deal » (une référence au New Deal ?) dont rêvait Barack Obama. Aucune des difficultés structurelles d’équilibrage du budget américain ne sera résolue : rendez-vous au prochain relèvement du plafond du déficit public pour une nouvelle guerre de tranchées entre la Maison Blanche et le Congrès…
Ce n’est pas la croissance des Etats-Unis qui va résoudre miraculeusement le problème des rentrées fiscales insuffisantes. L’immobilier ne redécolle pas et l’activité industrielle s’essouffle depuis le début de l’année ; sans QE3, 4 ou 36, la récession pourrait faire son grand retour dès la rentrée.
▪ L’Europe n’est guère mieux lotie, malheureusement, si l’on en croit les dernières statistiques publiées vendredi. Selon les chefs d’entreprise français interrogés par l’INSEE, la conjoncture industrielle s’est dégradée dans l’Hexagone en juillet 2011 : l’indicateur synthétique du climat des affaires se replie de cinq points, à 105.
Par ailleurs, le climat des affaires s’est dégradé sensiblement en Allemagne au mois de juillet, selon l’indice de l’institut IFO qui corrobore l’enquête de ZEW publiée 48 heures plus tôt.
Seul chiffre un peu rassurant, l’indice des entrées de commandes dans l’industrie a augmenté de 3,6% dans la Zone euro en mai 2011 par rapport au mois précédent (dans l’ensemble de l’Union européenne, elles ont enregistré une hausse de 2,5% en mai, selon Eurostat).
Ces chiffres globalement médiocres s’ajoutent au recul des indices « flash » Markit sur la conjoncture publiés jeudi. Ils ont peut-être contribué à freiner l’envol de l’euro : il avait atteint les 1,4440 $ vendredi matin, et s’échangeait autour de 1,437 $ en fin de journée à Londres.
L’or, qui corrigeait sous les 1 600 $, en a profité pour remonter bien vite vers 1 605/1 608 $ l’once.
1 commentaire
Lorsqu’il était dans l’opposition et que les républicains réclamaient un relèvement du plafond de la dette, Obama disait : « Demander de relever le plafond de la dette témoigne de la faillite de l’exécutif. »
Avancer que les Républicains et le Tea Party se battent contre l’augmentation de la pression fiscale pour faire plaisir aux riches et laisser crever les pauvres dans la rue, c’est reprendre exactement la rhétorique éculée d’Obama, et méconnaître en profondeur ce que veulent ses mouvements. Malheureusement, c’est ce que nous assène M. Béchade à longueur d’articles. On apprécierait d’avoir des commentaires un peu plus subtils, plutôt que de relire ici ce que nous inflige sans se lasser le reste de la presse française au conformisme béat qui se pâme dès qu’Obama ouvre la bouche.
Et c’est faire preuve d’une bien grande naïveté que de croire que des dépenses augmentées de l’Etat aideraient les plus démunis. Si tel était le cas, avec tout ce qui a été jeté par les fenêtres ces dernières années, il devrait ne plus y avoir de pauvres aux Etats-Unis, or il y en a plus que jamais.
Que M. Béchade déteste la droite américaine et admire les démocrates au pouvoir depuis trois ans, c’est son droit. Mais il faudrait que les arguments qu’ils nous proposent soient de vrais arguments et non les slogans de campagne d’Obama, cet homme si généreux qui aime tellement les pauvres qu’il fait tout ce qui est en son pouvoir pour en multiplier le nombre.
La politique que sanctionne le déficit actuel est celle qu’il a voulue. La dette que Bush avait déjà considérablement augmentée a explosé avec Obama. Qu’il l’assume !