** Le pétrole est devenu "l’anti-dollar" des temps modernes. C’est désormais la référence monétaire internationale, place qu’occupait autrefois l’or.
– Le pétrole est le sang vital de toutes les économies modernes. Quand une nation corrompt sa devise, le marché pétrolier réagit instantanément. Et le pétrole n’accepte pas les négligences monétaires, surtout pas celles de la Réserve fédérale américaine. Si les intervenants des marchés s’aperçoivent que le dollar chute, cela allume immédiatement la mèche pour le décollage des prix du pétrole.
– Un vieux dicton dit : "on ne peut pas battre la Fed". Mais le pétrole bat la Fed. En réalité, le pétrole est en train de la mettre K.-O., comme Mohammed Ali a mis K.-O. Sonny Liston. Le pétrole vole comme un papillon et pique comme l’abeille — il donne des coups et envoie la Fed dans les cordes.
– La Fed ne peut plus tricher avec la masse monétaire et s’en sortir sans heurt. Il existe un nouvel étalon-or ; il s’appelle pétrole. Ce n’est peut être pas un "fait" monétaire que la banque centrale admettrait publiquement. Mais c’est une réalité monétaire sur le parquet de la bourse.
– Le président américain lui-même est dans l’incapacité de changer cette réalité. Il ne peut pas fortifier la suprématie du dollar en saisissant le pétrole mondial à 20,67 $ le baril, comme Franklin Roosevelt avait saisi l’or privé des Etats-Unis à 20,67 $ l’once en 1933. Et même si le président pouvait confisquer le pétrole mondial en dessous des prix du marché, il se pourrait qu’il ne mesure pas à quel point une telle confiscation influencerait la valeur du dollar.
** La "connexion" entre le pétrole et la politique monétaire est un développement nouveau et mal compris. Ce n’est pas ce que les gens attendent. Ce n’est pas de cette façon que nous avons tous grandi. Les choses ne se passaient pas ainsi autrefois.
– Pendant les 149 dernières années, c’était un pari plutôt sûr : l’offre de pétrole augmenterait. La seule période difficile pour le pétrole a été entre 1979 et 1981, quand l’industrie pétrolière iranienne s’est écroulée avec le début de la révolution. L’offre mondiale a diminué de presque cinq millions de barils par jour de production. Et cette perte a contribué à créer la pire récession aux Etats-Unis depuis les années 1930.
– Mais même au début des années 1980, de nouvelles sources de pétrole apparaissaient. Tout le monde pouvait le voir. Les champs de pétrole d’Alaska, de mer du Nord, du Mexique, d’Angola et d’ailleurs étaient mis en production. Il n’y avait donc aucune raison pour que le prix du pétrole monte "trop haut" puisqu’il était clair qu’il y aurait de plus en plus de pétrole dans les tuyaux.
– Et c’est exactement ce qui s’est passé. Au milieu des années 1980, le pétrole se vendait à moins de 15 $ le baril. L’énergie bon marché semblait rendre les choses plus faciles, que ce soit la croissance économique ou la victoire dans la Guerre froide.
– Il y avait pourtant un inconvénient au pétrole bon marché. Il a fait naître et a entretenu l’idée que le pétrole serait toujours bon marché… ou du moins qu’il le serait pendant un bon moment. Mais si l’on regarde vers l’avenir, il est clair que ce sera plus difficile d’augmenter l’offre de pétrole mondiale que ça ne l’était par le passé. Nous sommes peut-être en plein Peak Oil en ce moment, mais nous ne le saurons pas avant longtemps.
– Les régions productrices de pétrole comme l’Alaska, la mer du Nord et le Mexique sont en plein déclin. Pendant ce temps, tandis que la demande en pétrole augmente dans le monde entier, la production de pétrole a atteint un palier. Il n’y a presque pas de possibilités de production "en rab" ailleurs qu’en Arabie Saoudite, et la marge de ce pays est plus petite que le pensent la plupart des gens. Au même moment, les exportations nettes de pétrole diminuent dans la plupart des pays producteurs. La demande interne augmente dans presque tous les états producteurs de pétrole. Il y a donc simplement moins de pétrole. Et contrairement aux années 1980, l’avenir ne nous réserve aucune bonne surprise.
** L’offre de pétrole est surveillée de près. L’offre de dollars ne l’est pas. Ce sont peut-être ces faits liés l’un à l’autre qui ont inspiré Alexey Miller, le PDG du géant russe du pétrole, Gazprom, qui prédit que le baril de pétrole va monter jusqu’à 250 $ dans un "avenir prévisible". La Fed peut défendre un dollar fort tant qu’elle veut, mais tant que l’offre en dollars et en crédits libellés en dollars continue à croître, le prix du pétrole continuera à grimper.
– A l’époque de Bretton Woods, le système monétaire mondial suivait une règle d’or : "celui qui possède l’or fixe les règles". Mais aujourd’hui, la "règle du brut" domine. Il nous reste donc à demander : quelle est la signification d’un pétrole brut à 137 $ ? Cela signifie que le règne du dollar arrive à son terme. Le dollar a atteint la fin de sa période de domination post-Seconde guerre mondiale en tant que devise de réserve mondiale.
– C’est pourquoi les acheteurs de pétrole, comme Charles de Gaulle autrefois, sont aujourd’hui si pressés d’échanger leurs dollars contre des actifs tangibles. De Gaulle a fait traverser l’Atlantique aux réserves en dollars de la France afin de les échanger contre des lingots d’or des coffres de Fort Knox. Aujourd’hui, les acheteurs envoient leurs dollars au New York Mercantile Exchange en échange de barils de pétrole. Les motivations sont les mêmes. Seul le capital monétaire sous-jacent a changé.
– Qu’en est-il du dollar américain ? Et bien, un homme appelé Lazare s’est un jour relevé de son lit de mort. Mais Lazare avait de l’aide. Le dollar pourrait-il connaître la même chance que Lazare ? Ces mots me viennent à l’esprit ; ils sont tirés de l’évangile selon St Luc : "où sera le corps, là aussi les vautours se rassembleront".