** Nous nous préparons à ce que les marchés donnent plusieurs fausses alertes courant 2008. Les vacanciers ont vu un grand requin blanc longer la plage et ne remettront pas les pieds dans l’eau tant qu’ils ne seront pas sûrs d’y être en sécurité. Leur confiance va augmenter au fur et à mesure que le temps passe ; cependant, ce n’est pas parce qu’on n’a pas vu de nageoire dorsale depuis un petit moment que le requin n’est plus là. Nous pensons que ce requin traîne toujours le long des plages locales et qu’il n’est pas prêt de partir.
– Les banques d’affaires et les banques commerciales, les compagnies d’assurances et autres prêteurs hypothécaires, ainsi que les investisseurs, ont encaissé des dépréciations d’actifs cumulables qui dépassent les 300 milliards de dollars à ce jour. Nous ne pensons pas que toutes ces entreprises ont déclaré l’intégralité de leurs pertes ; tant qu’elles ne l’auront pas fait, nous n’aurons pas atteint le fond, et nous n’aurons pas les capacités d’évaluer pleinement les dégâts sur notre système financier et leur impact économique. Le Fond monétaire international estime que les pertes totales mondiales dans le secteur financier frôleront le millier de milliard de dollars, mais c’est en comptant des pertes subprime de 45 milliards de dollars — chiffre que l’on a sûrement déjà dépassé. Les fonds monétaires souverains ont été assez gentils pour injecter des centaines de milliards de dollars en valeur pour garder le train sur les rails, mais les rails sont branlants.
** Les marchés ont applaudi la récente acquisition de Bear Stearns par JP Morgan Chase. Nous ne pouvons qu’approuver, car laisser Bear s’écrouler aurait entraîné une cascade de conséquences négatives dans notre système financier déjà fragile. Pourtant, le cynique en nous s’inquiète (sans preuve) du fait que le geste de JP Morgan Chase n’ait été rien de plus qu’un jeu de défense. Il a été dit que Bear Stearns avait grosso modo 14 milliers de milliards de dollars d’exposition aux produits dérivés, quasiment l’équivalent du PIB US. Qui se trouve de l’autre côté de ces transactions ? En d’autres termes, quelles contreparties auraient pâti de la chute de Bear ? JP Morgan Chase a-t-il acheté Bear parce qu’il faisait là une bonne affaire… ou l’a-t-il fait pour éviter un affaiblissement de ses propres transactions en produits dérivés hors bilan ? Oh, et comment JP Morgan Chase a-t-il pu effectuer cet achat en toute quiétude d’esprit alors qu’il n’avait que quelques jours pour mener toutes les enquêtes nécessaires ?
– Nous présumons que les faillites de banques vont faire les gros titres dans les mois à venir. Les institutions financières ont pris de plus gros risques ces dernières décennies, à la fois en termes d’effet de levier et en termes de complexité des investissements, avec un véritable bouillon de culture de produits d’investissement inexplicables (du moins pour nous) — qui ont été aggravés par les capitaux que les institutions contrôlent à la fois au bilan et hors bilan, où la quantité de dollars a augmenté de manière exponentielle, au point que le PIB américaine est maintenant écrasé par une telle exposition. Parallèlement, la surveillance de nombreuses institutions par le gouvernement a été de moins en moins appuyée ; cela n’a pas empêché le Congrès de passer le Gramm-Leach-Bliley Act de 1999, qui autorise les banques à mener à la fois des activités commerciales et d’investissement, ce qui était interdit depuis 1933 par le Glass-Steagall Act. Nous pourrions dire que la séparation entre la banque commerciale et la banque d’investissement revêt un caractère important aujourd’hui, étant donné les défis croissants de la réglementation d’une finance mondiale de plus en plus complexe.
– Nous nous contenterons de prier pour une comptabilité propre et des contreparties solvables… et en attendant, nous continuons à éviter les investissements dans le secteur financier, malgré notre nature contrarienne et ce qui semble être un énorme potentiel de hausse. Nous pensons que la baisse, pour de tels investissements, peut être tout aussi importante que la hausse, et nous pensons que les futurs bénéfices de votre portefeuille dépendront tout autant de ce que vous ne possédez pas que de ce que vous possédez.
[NDLR : Ceci dit, jouer la baisse des financières peut être une option très profitable, comme nous le démontre Sébastien Duhamel dans son rapport spécial…]