Par Emmanuel Gentilhomme (*)
La potasse n’aime ni chaleur, ni humidité
Bon marché, la potasse est cependant un client difficile pour ses exploitants. Vous vous en doutez : si le minerai potassique est aussi âgé, il est enfoui profondément sous la couche qui constitue actuellement le sol. Il faut donc creuser pour aller le chercher — pas question de mines à ciel ouvert que l’on peut exploiter avec des engins de chantier.
Mais on ne peut pas creuser bien profond. En effet, la potasse fond rapidement sous l’effet de la chaleur : le point de fusion du potassium se situe aux alentours de 60°C. Grosso modo, la température des mines gagne 1°C chaque fois que l’on s’enfonce de 20 mètres. Faites le calcul : au delà de 1 200 mètres de profondeur, plus question d’exploiter un gisement de potasse ! Du moins en l’état actuel des techniques.
Deuxième difficulté : comme le sel, la potasse a tendance à se dissoudre dans l’eau. Et Roland Duss commente : "la potasse se dissout en présence d’humidité, ce qui a d’importantes implications pour son exploitation (un stockage au sec est indispensable), par exemple, les gisements sis dans les zones à mousson sont difficilement exploitables". Fragile donc…
Réserves importantes mais concentrées
Combien y a-t-il de potasse dans le monde ? Bien assez ! Selon les statistiques du Bureau géologique des Etats-Unis (US Geological Survey), dont le dernier relevé date de 2007, les réserves mondiales de potasse commercialement exploitables atteignent 8,3 milliards de tonnes (Mds t). A lui seul, le Canada en rafle plus de la moitié — 4,4 Mds t –, suivi de la Russie (1,8 Md t, 22% du total), le Belarus (750 millions de tonnes — Mt –, ou 9%) et le Brésil (300 Mt, soit 4%). Bref, la potasse ne manque pas, mais elle est concentrée sur un petit nombre de pays.
Passons à la production effective, qui a atteint 33 Mt en 2007. Sans surprise, le Canada s’en adjuge le tiers, suivi par la Russie et le Belarus ; trois pays qui concentrent près de 70% de la production. Viennent ensuite des producteurs importants à ce jour, mais aux réserves limitées : l’Allemagne, avec 3,7 Mt, ainsi qu’Israël et la Jordanie, qui produisent ensemble environ 3 Mt en se partageant le KCl des rives de la Mer Morte.
Le prix de la potasse s’envole, l’offre étant insuffisante et pour longtemps encore…
Venons-en maintenant aux prix, même s’il n’existe pas vraiment de marché organisé de la potasse, ni même de produit standardisé. La potasse a le vent en poupe : la tonne de potasse s’est traitée aux environs de 200 $ de mi-2004 à mi-2007. C’était déjà le double des cours observés mi-2003, alors qu’ils sortaient tout juste d’une longue léthargie… Et ce n’est rien face à l’envolée des prix depuis fin 2007 : au printemps 2008, la potasse se négociait aux alentours de 500 $ la tonne !
Tout cela a une explication : Roland Duss estime que le marché de la potasse vient juste de se réveiller, et qu’il n’était pas prêt à une telle hausse de la demande. La preuve : selon Duss, les capacités de production de potasse devraient progresser de 3,5% par an d’ici 2012 alors que la demande devrait gagner 4%. L’insuffisance actuelle de l’offre a donc toutes les chances de perdurer, en partie à cause des pays émergents — la Chine importe 70% de ses besoins actuels de potasse.
Aux premières loges pour en profiter : Potash Corp.
Le secteur des engrais est dominé par un petit nombre d’entreprises. La première d’entre elles est un titan : c’est une ancienne compagnie d’Etat canadienne, Potash Corporation of Saskatchewan.
Potash est le numéro un mondial de la potasse, et pour longtemps. La compagnie revendique 22% de la production mondiale, ainsi que "75% des capacités de production excédentaires". En clair : c’est Potash qui détient la plupart des immenses réserves canadiennes évoquées plus haut. Ce n’est pas vraiment une PME : cotée à Toronto et à New York, elle capitalise actuellement 68 milliards de dollars. Et elle a produit 9,4 Mt de potasse en 2007. Cerise sur le gâteau : en plus de la potasse, elle produit du phosphate et de l’azote.
Ses bénéfices sont en hausse de 181% au dernier trimestre et l’entreprise croule sous les liquidités. La vie est belle : le titre gagne plus de 200% en un an et plus de 500% en deux ans !
Suivi de près par…
L’autre grand nom du secteur est le groupe russe UralKali, fort de 5 Mt de production l’année dernière. Cotée en dollars US sur le marché russe RTS, et depuis septembre dernier sur le compartiment étranger de la bourse de Londres, UralKali vaut actuellement de l’ordre de 22 milliards de dollars et son titre a gagné 130% depuis décembre dernier !
Dirigée par un oligarque, elle vient d’absorber une de ses principales concurrentes. Bref, comme de coutume depuis Vladimir Poutine, les Russes vendent volontiers leurs ressources naturelles à l’étranger, mais n’acceptent pas que les étrangers s’emparent des gisements.
La hausse des actions Potash et UralKali risque fort de continuer. Le 23 avril 2008, UralKali a fortement relevé ses prix vers l’Asie et le Brésil : il vend la tonne de potasse au prix de… 1 000 $ !
[Pour vous aider à profiter de ce boom de la potasse, Jean-Claude Périvier a déniché une autre société du secteur — qui a déjà pris 10% en une semaine depuis que Jean-Claude l’a recommandée à ses lecteurs. Il est encore temps de vous positionner sur cette pépite… mais faites vite ! Il suffit de cliquer ici.]
Meilleures salutations,
Emmanuel Gentilhomme
Pour la Chronique Agora
(*) Emmanuel Gentilhomme est journaliste et rédacteur financier. Il a collaboré à plusieurs reprises avec le Journal des Finances et la Société Générale. Il suit de près les marchés boursiers européens et étrangers, mais s’intéresse également à la macroéconomie et à tous les domaines de l’investissement. Il collabore également régulièrement à l’Edito Matières Premières.