Tout remède sérieux aux difficultés budgétaires de l’OMS doit d’abord réduire les privilèges exécutifs inutiles.
L’avenir de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est plus incertain que jamais. La demande officielle des États-Unis de se retirer de l’organisation le 20 janvier 2025 et de cesser tout financement futur a privé l’OMS de 1,28 milliard de dollars, soit l’équivalent de 16 % de ses recettes totales en 2022-2023. En conséquence, l’OMS prévoit un budget réduit de 4,2 milliards de dollars pour 2026-2027, contre une estimation initiale de 5,3 milliards de dollars.
L’organisation n’arrive pas à joindre les deux bouts avec ces finances plus serrées, se retrouvant avec 600 millions de dollars de retard pour l’année en cours. Les hauts responsables de l’OMS envisagent plusieurs solutions pour combler le déficit financier. Une réduction de 25 % des coûts salariaux, l’embauche dans des villes moins chères et la réduction de la mission de l’OMS aux « besoins sanitaires les plus urgents » sont discutés.
Mais personne ne semble prêt à rappeler une évidence : le meilleur endroit pour commencer à faire des économies, c’est au sommet – en réduisant les privilèges des hauts responsables eux-mêmes. Les voyages somptueux et les réunions interminables figurent parmi les premières dépenses à pouvoir être coupées.
Prenons l’exemple de l’Assemblée mondiale de la santé, organe décisionnel suprême de l’OMS. Chaque année, elle implique la logistique fastidieuse et coûteuse d’acheminer, par avion, les représentants des 194 Etats membres des Nations unies jusqu’à Genève, pour les loger dans des hôtels cinq étoiles, en plein mois de mai. Le but ? Se réunir pour discuter, entre autres choses, de la manière dont l’OMS pourrait réduire ses dépenses. Ironie du sort : c’est justement dans ce cadre luxueux qu’a été organisée, cette année encore, une réunion dédiée à la « rationalisation budgétaire ».
Bien entendu, l’Assemblée mondiale de la santé n’est pas le seul événement de ce type. Bon nombre des hauts responsables qui déplorent aujourd’hui des décisions budgétaires difficiles pour leurs employés et la santé mondiale prennent plaisir à participer à des rassemblements de grande, moyenne ou petite envergure dans plus de 150 pays chaque année.
Jusqu’à présent, en 2025, nous avons eu la « Quatrième conférence ministérielle mondiale sur la sécurité routière au Maroc« , la « Deuxième conférence mondiale sur la pollution atmosphérique et la santé » à Cartagena, en Colombie, et la prochaine « Conférence mondiale sur le climat et la santé » à Brasilia, ainsi que « La santé mentale dans toutes les politiques » à Paris. N’oublions pas non plus les six réunions régionales annuelles organisées en Zambie, aux Etats-Unis, en Egypte, au Sri Lanka, à Fidji et au Danemark.
Il n’est pas surprenant que l’OMS dépense plus de 200 millions de dollars en frais de voyage. C’est autant d’argent gaspillé pour des forums qui auraient pu être organisés en ligne pour une fraction du coût. Pour mettre cette somme en perspective, le même montant suffirait à financer les efforts de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
L’autre éléphant dans la pièce, c’est le gonflement incessant des effectifs cadres. Une enquête menée en 2025 par Health Policy Watch a révélé que « le nombre de directeurs de haut rang de l’OMS (D2), le niveau de personnel le plus élevé avant l’équipe de direction du directeur général, a presque doublé depuis que le directeur général, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, a pris ses fonctions, avec 75 personnes occupant des postes de D2 en juillet 2024, contre seulement 39 en juillet 2017 ». La facture de cette bureaucratie excessive s’élève à 92 millions de dollars pour seulement 215 directeurs, le directeur général et 11 cadres supérieurs.
Ces deux formes d’excès mettent en évidence des problèmes structurels qui nécessitent des solutions structurelles. Comme l’a souligné à plusieurs reprises Erica Harper, responsable de la recherche et des études politiques à l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains de Genève, l’OMS a besoin d’une meilleure budgétisation par le biais d’une mise en oeuvre intelligente, en trouvant des moyens plus faciles d’atteindre les mêmes objectifs, ou de nouveaux moyens d’atteindre les mêmes objectifs.
Des signes encourageants montrent que les dirigeants comprennent la nécessité d’une mise en oeuvre intelligente et sont prêts à changer. Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a souligné publiquement la nécessité pour l’OMS de s’adapter en limitant les voyages aux missions essentielles, en organisant des réunions virtuelles et en réduisant les coûts dans des domaines tels que l’équipement informatique et la rénovation des bureaux.
Cependant, les paroles doivent être suivies d’actes.
La plupart des nouveaux recrutements de cadres se font au siège de Genève, l’endroit le plus coûteux de l’OMS, les nouveaux postes de D2 passant de 29 en 2017 à 46 en juillet 2024. Réduire leur nombre permettrait de limiter les coûts sans nuire à l’engagement régional. De même, le fait de privilégier les réunions virtuelles permettrait de réduire les effectifs et de signaler un engagement en faveur de fonctions vitales, tout en libérant des ressources pour le type de campagnes sanitaires que l’OMS est censée mener. Il est facile d’exiger des sacrifices des autres quand on en demande beaucoup moins à soi-même.
La crise budgétaire actuelle n’est pas seulement un défi, mais une opportunité de laisser le monde dans un meilleur état en étant meilleur. Si l’OMS veut avoir un avenir, elle doit saisir l’occasion de changer.
1 commentaire
En matière de santé mentale, il est plus efficace d’avoir un ami à qui parler plutôt que de lire les coûteuses recommandations de l’OMS, qui est un exemple notoire d' »armée mexicaine »…Comme de nombreuses collectivités locales et agences de santé françaises .