A la rentrée, les liquidités seront reines.
La trêve estivale n’aura rien eu de reposant. Les épargnants et les traders qui avaient délaissé leurs écrans pour quelques jours se sont fait rattraper par l’actualité des marchés financiers.
Effondrement des valeurs de l’IA, envolée du yen face au dollar et à l’euro, effondrement de la Bourse de Tokyo, glissade continue des indices européens rejoints quelques semaines plus tard par le S&P 500, effacement au mois d’août des 21% de gains accumulés en juillet pour le Bitcoin…
Pour la quasi-totalité des investisseurs, ces dernières semaines ont été placées sous le signe des pertes financières.
Comme souvent durant les mois d’été, les violentes baisses constatées sur les marchés ont été alimentées par la faible liquidité disponible. L’absence de nombreux opérateurs empêche les contreparties de se manifester lors des évolutions de prix aberrantes et alimente les excès.
Néanmoins, il serait prématuré de parier sur un rebond généralisé du prix des actifs du seul fait du retour au bureau des traders professionnels et de la fin des vacances des investisseurs particuliers.
Si brutaux qu’aient été les mouvements observés cet été, ils ont été déclenchés par des inquiétudes fondamentales bien réelles et justifiées. Valorisation excessive des valeurs de l’IA et des marchés américains, risque de récession en Europe et volatilité de la devise japonaise devaient bien, un jour ou l’autre, être intégrés dans les cours.
De même, le comportement des « grosses mains » qui font la pluie et le beau temps sur les marchés financiers doit être soigneusement étudié pour savoir de quoi l’automne sera fait.
Or l’expérience de Bill Ackman et de Warren Buffett nous adresse un message limpide : l’heure n’est plus à l’achat d’actifs, mais à la conservation des liquidités. L’un ne parvient pas à vendre ses actions, l’autre se constitue une montagne de cash d’une ampleur inédite.
Sur la fin d’année, les liquidités seront reines. Malgré la baisse du prix de nombreux actifs ces dernières semaines, conservez des munitions pour être en mesure de faire des achats opportunistes dans les prochains mois – c’est ce que font les investisseurs pesant des milliards de dollars.
Quand les fonds ne trouvent plus preneurs
L’évaporation brutale de la demande pour certains actifs est un signal d’alarme qui doit être pris très au sérieux.
Nous l’avions vu l’an passé avec la fuite des investisseurs possédant de l’immobilier commercial, qui a obligé des fonds avec des milliards de dollars d’actifs sous gestion à geler les retraits. Et que dire du bank run sur la Silicon Valley Bank, qui a exposé les moins-values latentes de toute la sphère bancaire sur les dettes d’Etat et a précipité la faillite de Credit Suisse ?
Cet été, c’est la mauvaise fortune de Bill Ackman qui fait office de canari dans la mine.
Le milliardaire comptait introduire en Bourse son fonds d’investissement, Pershing Square USA.
Mi-juillet, il clamait que cette IPO serait « la plus grande de l’histoire » et espérait lever 25 milliards de dollars. Las, c’est à ce moment-là que les marchés américains ont commencé à s’orienter significativement à la baisse.
Quelques jours plus tard, l’objectif de collecte était abaissé dans une fourchette comprise entre 2,5 et 4 milliards d’euros, avec une date butoir fixée au 29 juillet. Le 26 juillet, Bill Ackman revoyait encore ses objectifs à la baisse, en indiquant à la SEC qu’il n’irait chercher que 2 milliards de dollars à une date indéterminée. Début août, le milliardaire a finalement jeté l’éponge.
De son propre aveu, c’est lors du roadshow pré-IPO que plusieurs investisseurs qui avaient indiqué leur intention de participer à l’opération sont revenus sur leur manifestation d’intérêt. Le gestionnaire de fonds communs de placement Putnam et le fonds de pension Teachers Retirement System auraient revu les montants à la baisse. Le hedge fund Baupost Group, qui avait annoncé son intention de signer un chèque de 150 millions de dollars, se serait même totalement retiré du projet.
Selon la presse économique, les investisseurs potentiels auraient été échaudés par les caractéristiques du fonds, trop opaque et illiquide. Mais cet argument n’est que de façade : ces caractéristiques étaient connues depuis le début de l’opération. Seule une brutale évolution du sentiment de marché entre juin et août peut expliquer cette frilosité soudaine.
Pour les gérants, l’heure n’est plus à l’espoir de gain, mais à l’aversion aux pertes.
Warren Buffett préfère le cash aux actions
Après avoir prévenu les investisseurs que les marchés financiers n’offraient que peu d’opportunités en début d’année, Warren Buffett a joint le geste à la parole.
Le plus célèbre des investisseurs a continué d’accumuler du cash au sein de Berkshire Hathaway. Ces derniers mois, la holding a vendu la moitié de ses actions Apple. Dans le même temps, elle a accumulé pour 277 milliards de dollars cash et de bons du Trésor, à comparer aux 189 Md$ détenus l’an passé à la même époque.
En ajoutant les obligations tierces, le montant total des investissements « sans risque » a atteint les 288 milliards de dollars – un record historique qui matérialise le fait que l’Oracle d’Omaha préfère toucher un faible rendement connu d’avance plutôt que de s’exposer aux risques du marché actions.
Même le rachat d’actions, méthode la plus évidente pour rendre de l’argent aux actionnaires en l’absence d’idées d’investissements à fort potentiel, n’a plus les faveurs de Berkshire Hathaway. Après avoir racheté pour 2,6 milliards de dollars de titres au premier trimestre, le groupe n’a racheté que pour 345 millions de dollars d’actions au deuxième trimestre. Cette somme représente à peine 1,15% des bénéfices générés sur la période.
Qu’il s’agisse d’acheter des actions d’entreprise tierces ou de racheter ses propres titres, Warren Buffett préfère passer son tour dans les conditions actuelles de marché.
L’investisseur, qui n’a plus à faire ses preuves, continue de penser que les actifs financiers sont trop chers et que le risque de correction surpasse leur potentiel. Le choix est d’autant plus aisé que les rendements obligataires restent très généreux, avec des placements d’Etat à six mois offrant encore des coupons de l’ordre de 5% par an.
Cet été, Warren Buffett a placé l’équivalent du tiers de la capitalisation boursière de Berkshire Hathaway en obligations. Une philosophie d’investissement que les particuliers peuvent reproduire à l’échelle de leur patrimoine : dans le contexte actuel, détenir un tiers de ses placements sous forme obligataire est une stratégie à la fois défensive et lucrative.