La fin d’un mini-cycle se profile à l’horizon.
Les observateurs s’interrogent sur la future politique monétaire des autorités américaines, et par contrecoup, sur la politique monétaire ailleurs, puisque ce sont les Etats-Unis qui donnent le « la » mondial.
Nous avons connu un grand cycle de baisse des taux quasi continu depuis le resserrement monétaire spectaculaire imposé par Volcker, qui a porté les taux interbancaires à 19,1% en 1981.
C’est la hausse Volcker préalable qui a produit et permis la baisse continue qui a suivi.
Comprenez cela comme analogue au fonctionnement d’un barrage de retenue d’un grand lac ou un réservoir d’eau. La retenue d’eau est en hauteur, un barrage l’empêche de chuter et on fracasse le barrage ; que se passe-t-il ? L’eau chute et libère une énergie considérable, qui peut être mise à profit pour mouvoir et produire des tas de richesses. C’est un input d’énergie monétaire qui vient catalyser les échanges et les productions économiques.
Eh bien ici, c’est même chose, l’action de Volcker a permis de remplir une mer d’énergie monétaire, on a ouvert progressivement le barrage pendant des années, le pognon s’est déversé, le monde a bénéficié de cette « énergie » de moins en moins chère, jusqu’à ce que ce gisement soit épuisé, que la mer soit vidée, les taux nuls, sans plus d’énergie potentielle à déverser.
La suite logique est qu’à partir de là, on entre dans un monde de croissance quasi nulle, séculairement lente, puisque l’on cesse de bénéficier du catalyseur monétaire ; sauf, bien sûr, à accélérer l’inflation des prix qui permet de traverser la barre du zéro sur les taux d’intérêt, et de descendre dans le terrier d’Alice au pays des merveilles. Un taux de zéro dans cet univers avec une inflation de 5% équivaut à un taux de -5%. Les limites ont disparu.
On peut produire du catalyseur monétaire à l’infini dans cet imaginaire. Surtout si on opère une mutation de la monnaie et qu’on remplace les fiat monnaies par « les jetons disciplinaires », les MNBC (monnaies numériques de banque centrale), qui donnent aux autorités le contrôle des comptes, des dépenses et des épargnes des citoyens.
Le problème est que, bien sûr, les détenteurs de monnaie s’en aperçoivent, même s’ils n’en sont pas conscients ; intuitivement, ils le sentent et la monnaie se déprécie. Elle brûle les doigts car elle n’est plus une réserve de valeur. Les arbitrages de monnaie contre biens et services réels – contre le « stuff » – se précipitent et le système s’autodétruit.
Quand on a accompli tout le mouvement d’épuisement du potentiel énergétique et tout vidé, alors les conséquences normales des politiques monétaires abusives, irresponsables et aventureuses se manifestent.
En effet, puisqu’il n’y a plus de baisse des taux, il n’y a plus d’enrichissement Ponzi mécanique, il devient sans intérêt de détenir des actifs financiers car ils ne rapportent rien, mais qu’en plus, ils cessent de se valoriser par le Ponzi, l’argent vient accomplir sa mission de gonflement des prix du PIB et des richesses réelles.
Les prix ont commencé à monter, la monnaie à se dévaloriser.
C’est ce qui s’est passé.
Comprenez bien…
Le grand mouvement de baisse continue des taux a permis la production d’une masse considérable de dettes (le credit impulse) qui sont venues compléter les pouvoirs d’achats gagnés par l’activité économique réelles. Ce complément est censé disparaître, car les conditions qui lui ont donné naissance ne sont plus réunies.
Mais si vous regardez le graphique ci-dessous, vous voyez que l’on a construit une petite retenue en hauteur, un lac de montagne entre 2020 et 2024. Le taux du 10 ans est de 4,7% environ, et si mon pronostic est bon, il peut monter ces prochains jours à 5%. Je reste modeste et j’ai l’intuition que 5% est une barrière psychologique, mais ce n’est pas rationnel : c’est intuitif et magique.
Les taux du 30 ans US ont permis de reconstruire une réserve d’énergie monétaire, une réserve de catalyseur. Regardez la petite montagne !
Si on va jusque 5%, alors on a quand même une bonne petite retenue d’énergie potentielle accumulée, et ne doutez pas que cette énergie va être utilisée. Il va être possible de produire un mini-cycle de baisse des taux, mini bien sûr, mais ses effets seront semblables toutes proportions gardées aux effets du grand cycle Volcker.
Le smart money, les dynasties et les initiés, sont positionnés pour profiter au maximum de cette dernière opportunité de s’enrichir avant les vraies difficultés ; difficultés incontournables, car l’énergie potentielle ayant disparu et les tendances inflationnistes étant encore vivaces dans les mémoires, la possibilité de refaire un tour de manège – ou plutôt de luge – disparaîtra.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]