Quelques banques régionales américaines montrent encore des signes de faiblesse alarmants, alors même que des mesures « rassurantes » ont déjà été prises.
Ce 18 mars, il n’y en avait dans tous les médias que pour le Credit Suisse, avec ses 50 puis 100 milliards de francs suisses surgis comme par magie des planches à billet de la BNS pour sauver la situation.
Puis, seulement 48 heures plus tard, c’était le système bancaire américain qui se retrouvait de nouveau au bord de l’abîme avec la faillite potentielle de la First Republic Bank aux Etats-Unis.
Une banque presque banale, même si elle pointe parmi les 20 premières du pays par le montant de ses dépôts. Sauf qu’elle présente des difficultés emblématiques de celles que pourraient rencontrer toutes les autres… y compris les banques européennes.
Des difficultés liées à une saturation du système financier par un excès de dettes, dont le coût devient insoutenable du fait d’une hausse de taux qui apparaît soudain comme trop brutale. Les banques centrales entendent régler par une saturation du système en liquidités.
Un nouveau déluge d’argent magique en mode « no limit » (après un bref épisode de « normalisation » de seulement 10 mois) destiné à refinancer encore plus de dettes menaçant de se désintégrer et de ruiner leurs détenteurs.
Valorisation par décret
Et voici le retour de la métaphore du drogué en cure de désintoxication et qui, ne supportant la sensation de manque, replonge comme un forcené dans ses addictions et s’injecte une double dose pour retrouver ses sensations de plénitude d’avant la cure pour overdose.
Ce drogué, c’est indifféremment la Fed ou le « marché ». Les deux ne font plus qu’un, puisque c’est la Fed qui, au mieux, fixe la « valeur de marché » (le risque vaut zéro, donc tout se vaut) et, au pire, abolit le marché en décrétant que ce qui vaut 80 vaut 100 pour certains. Et peu importe le moment, peu importe les conséquences pour ces autres acteurs dont les actifs valent 80 aujourd’hui, mais pourront valoir 0 demain, comme par exemple les émissions obligataires de SVB Financial, Signature Bank, ou les 17 Mds$ d’AT1 (dettes non garanties) du Credit Suisse.
Les autorités helvétiques (FINMA et BNS) ont décrété que ces AT1 valaient zéro, et tous les détenteurs tirent donc un trait sur cet actif, sans aucune indemnisation… c’est aussi simple que cela.
En ce qui concerne les bons du Trésor américains qui valaient 83% de leur valeur d’achat initiale – c’est un exemple –, s’ils sont offerts en garantie à la Fed pour obtenir des liquidités, ils sont désormais valorisés 100% de cette valeur… c’est aussi simple que cela.
Et si des banques ont besoin de liquidités, tant qu’elles ont du « collatéral » (des actifs obligataires, des MBS, ou toute autre type de dette non dégradée), elles peuvent s’en procurer en quantité illimitée, c’est aussi simple que cela !
Les règles changent
Oui, tout paraît simple, mais quelque chose ne fonctionne pas.
Pour le Credit Suisse, les actionnaires se retrouvent expropriés, absorbés par UBS sans avoir leur mot à dire. Mais, au moins, ils récupèrent 0,75 CHF par titre détenu.
Parmi ces actionnaires, il y a la Saudi National Bank (banque nationale saoudienne), qui avait participé à la dernière augmentation de capital de 1,2 MdCHF en novembre 2022 (à 3,80 CHF l’action) et détenait 9,8% du capital : elle va subir 80% de perte sur cet investissement… une paille.
Pour les détenteurs de dette, c’est un trait de plume sur leur créance : ils avaient qu’à ne pas prendre ce genre de risque pour gagner quelques points de rendement par rapport aux dettes senior.
Le problème, c’est que ce n’est pas comme ça que le monde de la finance fonctionnait jusqu’à ce 18 mars dernier : les actionnaires étaient les premiers « rincés », avant les créanciers, peu importe la catégorie de dette détenue !
Mais quand la survie du système financier est mise à rude épreuve, les banques centrales changent les règles du jeu à leur convenance… mais en voulant rassurer à tout prix, elles engendrent cette fois de nouveaux déficits de confiance : tout devient trop instable, le danger peut surgir de partout.
Du bilan des banques (qui se partagent 2 millions de milliards d’encours de dérivés), d’un redémarrage de l’inflation (all in monétaire), d’une récession, alors que beaucoup de banques ne sont plus en mesure de prêter à qui que ce soit.
Une quatrième banque américaine ?
Sans affirmer que la chute des dominos a débuté et que plus personne ne sait comment l’arrêter, nous assistons toute de même à une inquiétante loi des séries.
Après Silvergate, SVB, Signature, First Republic, c’est au tour de la banque régionale californienne Pacific West Bank – ou PacWest (53ème banque la plus importante aux Etats-Unis, avec 41 Mds$ d’actifs) – de dévisser de 18% sur le Nasdaq ce 22 mars. Elle a en effet annoncé que ses dépôts avaient fondu de 20%, essentiellement à cause des retraits de sociétés de capital-investissement qui ont déjà retiré 43% de leurs avoirs.
La division du titre par cinq en 1 an (et la chute de 63% en 10 jours) amène les dirigeants de PacWest à écarter la possibilité d’une augmentation de capital à court terme du fait de « la volatilité des marchés et de la dépréciation des cours des actions de banques régionales ».
Ces banques régionales sont près de 200 à présenter un profil similaire aux Etats-Unis. Elles contribuaient collectivement, ces dernières années, pour 50% de la masse des crédits distribués dans le pays, et pour 60% à l’octroi de crédits hypothécaires.
Vu le stress actuel, la dépréciation de leur matelas d’actifs et des transferts de capitaux au profit des banques « systémiques » qui bénéficient de la garantie de la Fed, elle ne sont plus guère en mesure de soutenir les entreprises et les particuliers.