Un triste jour pour la « vieille dame de Threadneedle Street »… qui n’augure rien de bon pour nous autres…
Oh…
La Banque d’Angleterre était pour un changement de cap !
La nouvelle Première ministre inexpérimentée Liz Truss a pris une décision audacieuse. NBC News :
« Le pari pris pour résoudre les déboires économiques du Royaume-Uni plonge le pays dans la tourmente.
Le plan de 45 Mds£ du gouvernement conservateur dirigé par Liz Truss visant à réduire les impôts (en particulier pour les plus gros salaires) a provoqué des ondes de choc sur les marchés financiers, provoquant un effondrement de la livre sterling et compromettant subitement l’avenir politique de madame Truss, trois semaines seulement après sa prise de fonction. »
Et puis, quelques jours plus tard, patatras ! Le tumulte boursier a poussé la Banque d’Angleterre à faire volteface. CNBC :
« La Banque d’Angleterre va suspendre l’émission obligataire qu’elle avait prévue de réaliser la semaine prochaine et commencera à acheter temporairement des obligations à long terme pour calmer les marchés après le chaos provoqué par le prétendu ‘mini budget’ du nouveau gouvernement. »
Oui, cher lecteur, vous pouvez ajouter le terme « chaos boursier » à la longue liste des cas d’urgence (pandémie, récession, politique, guerre, se faire larguer par sa copine, piqûres de moustique) qui pousseront les banquiers centraux à ployer les genoux.
Progresser pas à pas vers la normalité
Il n’y a pas une seule réduction d’impôt que nous n’ayons pas aimée. Et nous n’avons rien contre la baisse d’impôts de Mme Truss. Mais le fait que cette baisse d’impôt nous plaise ne signifie pas qu’il s’agit d’une bonne idée. Et pour un pays avec un taux d’inflation à deux chiffres et 2 500 Mds£ de dette, il est peu probable qu’une réduction d’impôt dope le moral des citoyens.
Les réductions d’impôt permettent aux gens de garder une plus grande partie de leurs revenus. Mais, pour que cela ait un sens sur le plan budgétaire, il faut que les allègements fiscaux s’accompagnent de coupes budgétaires. Ce fut le problème au cœur du plan budgétaire de Donald Trump en 2017. Ce surplus d’argent des ménages alimente l’inflation et tarit les finances publiques, obligeant le gouvernement à emprunter et/ou à faire tourner la planche à billets.
Tôt ou tard, ce sont les ménages qui paieront le moindre centime gaspillé par le gouvernement (il a beau taxer des entreprises, le fait est que ceux qui finissent par payer la facture sont des êtres humains). En l’absence de réduction des dépenses publiques, les baisses d’impôts ne sont rien d’autre qu’un transfert de coût vers l’avenir, sous la forme d’une hausse des prix.
Les investisseurs britanniques ont immédiatement vu ce qui allait se passer. Ils ont compris que, si l’inflation accélère, les taux d’intérêt doivent augmenter dans la foulée. Et avant que l’un des gardes du roi n’ait eu le temps de cligner des yeux, le taux du Gilt (l’obligation d’Etat britannique) à 30 ans a bondi à 5%, alors qu’il ressortait à 1% seulement en décembre 2021.
Officiellement, le taux d’inflation au Royaume-Uni est de 10,1%. Prêter de l’argent au gouvernement à un taux d’intérêt de 5% sur 30 ans est soit très généreux, soit complètement stupide. Mais, au moins, 5% constituait une étape vers le retour à la normale.
Or, comment appelle-t-on un événement qui, après une longue période de politique monétaire ubuesque, vous oblige à normaliser brutalement votre politique ?
Une urgence !
Cette bonne vieille Banque d’Angleterre
Cela a été un jour bien triste pour la « Vieille dame de Threadneedle Street », surnom de la Banque d’Angleterre. Elle a vu le jour en 1694 pour aider l’Angleterre à lever des fonds (1 200 000 $, à l’époque) pour construire sa flotte de guerre. La solvabilité du gouvernement était alors douteuse. La Banque d’Angleterre offrait donc aux prêteurs un taux d’intérêt de 8% (en or) pour attirer les capitaux.
Mais au fil des ans, la Vieille dame a commencé à perdre les pédales. Elle a été exclue du système de l’étalon-or durant la Première Guerre mondiale et ne s’en est jamais vraiment remise. Puis, dans les années 1930, elle a abandonné l’or. Le Royaume-Uni a fini par vendre ses réserves d’or lors du « Brown Bottom », période durant laquelle le ministre des Finances Gordon Brown, qui deviendrait plus tard Premier ministre, a réussi le tour de force de vendre les réserves d’or du Royaume-Uni à leur cours le plus bas depuis 20 ans.
Et maintenant ça…
La Vieille dame a perdu la boule, mais elle est toujours en capacité de marcher et de faire volte-face. La Banque d’Angleterre déclare désormais qu’il s’agissait d’un détour temporaire de son programme de resserrement. L’objectif était de contrer ce qu’elle prétend être un « dysfonctionnement du marché ».
Quel dysfonctionnement ? Celui des marchés, qui étaient simplement en train de s’adapter face au spectre d’un retour à la normale ? Ou celui de la Banque d’Angleterre elle-même ?
Pour quelle raison un taux d’intérêt de 5% sur les emprunts d’Etat britanniques à 30 ans provoquerait-il un vent de panique ? Le taux d’intérêt sur les Gilts resterait inférieur de 510 points de base au taux d’inflation des prix à la consommation. Les investisseurs qui prêtent de l’argent au gouvernement acceptent (si rien ne bouge) de perdre plus de la moitié de leur argent. C’est tout sauf « normal » !
La Banque d’Angleterre a fait volte-face bien trop tôt et désormais elle sera obligée de rendre l’économie britannique encore plus dysfonctionnelle que celle des Etats-Unis. Mais, à La Chronique, nous remercions les addicts, les banquiers centraux stupides et les ex-épouses aigries. Le monde a besoin d’idiots pour savoir quel chemin éviter. A cet égard, nous remercions les ânes bâtés de la Banque d’Angleterre…
Et nous espérons que la Fed aura compris le ménage…