Les pontes de la Fed sont rassemblés pour leur symposium annuel – et pendant qu’ils se battent pour préserver les apparences, un phénomène inquiétant apparaît sur les marchés boursiers et financiers.
Le deuxième assouplissement quantitatif de la Fed – le QE2 – était un effort pour « élever, exciter les esprits animaux, l’esprit de jeu » que Keynes a théorisé comme étant si important pour le fonctionnement du capitalisme.
Keynes s’est lourdement trompé. Il n’avait pas imaginé que :
– d’une part, le casino boursier ferait concurrence au casino de l’économie capitaliste réelle ;
– et d’autre part, il n’avait pas assimilé le fait que, lorsque le taux de profit du capital productif réel était considéré comme insuffisant, en regard du risque, par les capitalistes, ceux-ci préféraient ne pas investir et cherchaient d’une manière ou d‘une autre à faire la grève de l’investissement.
Keynes n’avait pas imaginé que l’alchimie boursière constituerait le réceptacle, le parking des capitaux qui faisaient la grève. La Bourse, c’est en quelque sorte la « fuite » dans le système, celle par où le stimulus supposé s’échappe.
La hausse de la Bourse, c’est la manifestation de l‘insuffisance du taux de profit des investissements productifs et c’est la manifestation de la grève des capitalistes, en ceci qu’ils préfèrent jouer en Bourse plutôt que prendre des risques économiques réels.
Il y a investissement et investissement
Jouer en Bourse, ce n’est absolument pas investir ! Non, c’est acheter du capital/papier ancien parce que ce que l’on gagne avec le capital nouveau n’est pas considéré comme assez profitable/attrayant.
On achète le capital boursier ancien parce qu’il rapporte plus et avec moins de risques que le capital productif nouveau.
Voilà ce que ces gens ne comprennent pas… et pourquoi ?
Parce qu’ils ne veulent pas admettre le rôle central que joue le taux de profit dans le système, ils ne peuvent reconnaître que les gains boursiers fictifs sont bien plus alléchants que les profits d’exploitation tirés des vrais investissements.
Ils n’ont pas compris comment fonctionne le système qu’ils veulent manipuler !
L’ex-président de la Fed Ben Bernanke et ses suiveurs n’ont rien compris et rien appris de leurs échecs parce qu’ils ont des théories fausses dont la fonction n’est pas de comprendre le véritable fonctionnement du système économique, mais de le masquer.
Ils ne comprennent pas ses liens avec la finance et avec la monnaie, ils partent d‘une idée – ou d’une masse d’idées – imbécile comme les théories de l’équilibre, la neutralité du système bancaire et financier, les anticipations rationnelles, le capital auto-productif, le moteur de la demande etc., etc.
Messe et spectacle
La conférence de Jackson Hole (qui se conclut aujourd’hui) est une messe où les grands prêtres se réunissent – en virtuel pour cette édition – pour un spectacle, une cérémonie dont le seul but est de tromper les gogos, les fidèles, les croyants.
Onze ans plus tard, ils discutent toujours du rôle, des mystères des QE. La bête leur a échappé ; c’est maintenant l’ogre qui dicte sa loi. Ils ont beau multiplier les gesticulations ou les déclarations, ils ne contrôlent plus rien.
Jackson Hole est un simulacre mondial.
A Jackson Hole, encore une fois, la question qui va se poser aux investisseurs et aux banquiers sera de savoir si la Fed va poursuivre son QE ou non.
Question sans intérêt car il n’est pas possible de revenir en arrière. Le vin euphorisant des liquidités gratuites a été tiré, il faut le boire – jusqu’à la lie… ou plutôt jusqu’à ce qu’il tourne au vinaigre.
Je suggère qu’un nouveau chapitre de la crise s’ouvre depuis quelques jours : c’est celui du retour à l’envoyeur !
La Fed dit que le système marche et que tout va très bien, madame la marquise. Hmm… elle ravale pourtant chaque soir plus de 1 000 Mds$ qu’elle injecte par ailleurs au moyen de ses 120 Mds$ de QE…
Appréciez la situation : la Fed achète des emprunts à long terme de qualité, qu’elle paie en créant des dollars. Ces dollars, les banques et les institutions n’en veulent pas. Elles considèrent que c’est un mistigri – mais au lieu de les employer en spéculant en Bourse ou ailleurs, elles préfèrent les retourner à l’envoyeur.
Imaginez : la Fed leur envoie des liquidités, et au lieu de les employer comme avant sur le marché boursier, les institutions bancaires et autres les laissent en dépôts – des dépôts dont personne ne veut. On refuse de les conserver, on s’en débarrasse en demandant en contrepartie, des collatéraux de qualité, des emprunts d’Etat…
Absurde ?
Non, mais inquiétant et à surveiller de très près, car cela signifie forcément quelque chose. Quelque chose qui reste à découvrir et analyser.
Je pressens que c’est important.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]