** Lorsque nous vous avons laissé hier, nous vous avons promis une théorie. Comment était-il possible, nous demandions-nous, que les meneurs du capitalisme soient les laissés-pour-compte de la plus vaste création de richesse que la planète ait jamais connu ? En plus, voilà que ces gens se retrouvent confrontés à une crise… voire une récession… sans épargne et sans marge d’erreur. Leur gouvernement n’est guère plus en forme et ne peut pas les aider. Le président Bush proposera un budget cette semaine — un budget avec un déficit sans précédent, à 410 milliards de dollars. Et si les finances fédérales suivent le schéma de la période de récession la plus récente… ce trou ira en s’approfondissant pour devenir le premier déficit gouvernemental à 1 000 milliards de dollars au monde. Comment un peuple aussi chanceux, riche et productif en est-il arrivé là ?
* Les bases de cette question sont les suivantes :
* La période 1987-2000 a vu plus de croissance économique qu’à aucun autre moment de l’Histoire. Plus de voitures, plus de télévisions, plus d’autoroutes, plus d’hôtels, plus de béton, plus de connexions internet… on a produit plus de tout, sur ces 27 années, et à un rythme sans précédent. En d’autres termes, on n’a jamais gagné et investi plus d’argent. Et plus de gens ont vu leur richesse augmenter.
** Les conditions de cette explosion de richesse se trouvent dans l’attitude des gens, qui se sont détournés du changement politique… pour s’intéresser au changement des marchés. Au plus grand pays du monde, Deng Xiao Ping affirma que "s’enrichir est glorieux". Tout à coup, des millions de gens s’échinaient, bossaient et travaillaient — non pas pour construire le paradis du prolétariat, mais pour gagner de l’argent. Au nord, l’Union soviétique n’a jamais été vaincue… elle est simplement partie en morceaux, écrasée par le poids de sa propre planification centrale. A la fin des années 80, elle se prononça elle aussi en faveur de l’argent. En 2000, Moscou était devenue la ville la plus chère au monde… avec tant de millionnaires que ses politiciens avaient du mal à s’en débarrasser.
* Pendant ce temps, en Occident, de discrètes révolutions avaient lieu aussi. Maggie Thatcher et Ronald Reagan annoncèrent une nouvelle ère où l’argent et les solutions du marché étaient censés résoudre quasiment tous les problèmes. La législation fut assouplie, voire abolie purement et simplement. Les taux d’imposition ont été réduits. L’"esprit d’entreprise", comme le disait Reagan citant l’écrivain George Gilder, nous rendrait tous riches. Ceux qui pouvaient innover créeraient de nouvelles richesses. Ceux qui n’étaient pas directement touchés par l’esprit d’entreprise pouvaient acheter des fonds d’investissement. Le marché était source de richesse. Il suffisait d’être "dans le marché" pour s’enrichir.
* Durant les 20 premières années, cela sembla presque vrai. Le Dow a été multiplié par 13 entre 1982 et 2000. Ensuite, il a perdu du terrain. Mais avec d’énormes injections de liquidités et de crédit de la part des autorités financières, il a pu remonter la pente. Parallèlement, les prix des maisons ont grimpé aussi. Après une période de 100 ans où l’immobilier n’avait fait que suivre l’inflation, entre 1997 et 2007, il a augmenté d’environ 70% en termes réels.
* Bien entendu, il s’avère que les salaires horaires moyens étaient plus bas en 2007 qu’ils l’étaient au début des années 70. Mais les gens sont indéniablement plus riches, non ? Les actions sont bien plus hautes qu’elles l’étaient en 1982 (même si, une fois l’inflation prise en compte, une personne ayant acheté des actions et les ayant gardées en portefeuille ces 10 dernières années a vu son capital stagner — au mieux). Et combien de gens possèdent des actions ? Aux Etats-Unis, l’épargne a baissé durant toute cette période (pourquoi économiser quand on vit dans une société aussi dynamique, créant tant de richesse, proposant tant d’emplois et de crédit ?). La plupart des gens se contentent de quelques parts dans un fonds d’investissement, moisissant sur un compte d’épargne-retraite. Quant à l’immobilier, il est plus joli et plus cher aujourd’hui qu’il y a 27 ans de ça… mais il supporte bien plus de dettes. En termes de richesse nette, nous n’avons pas vu de chiffres fiables, mais nous estimons que le ménage américain moyen est plus pauvre. L’immobilier a peut-être grimpé de 70%, mais la dette totale a plus que doublé. A vous de faire le calcul.
* Et l’explication de tout cela ? Nous la verrons dès demain…