Qu’est-ce qu’une bulle boursière, réellement ? Comment en repérer les signes sur un marché ? A quels indicateurs se fier… pour mieux se protéger ensuite ?
Voici une idée importante de l’économiste et investisseur John P. Hussman.
Quand on a assimilé cette idée, c’est évident – mais l’assimiler n’est pas facile car la plupart de gens ne comprennent pas que la valeur d’un titre, ce n’est rien d’autre qu’une estimation du flux de trésorerie que ce titre va vous procurer.
Le prix d’un titre, c’est le prix de ce flux… et plus vous le payez cher maintenant, moins le rendement de ce flux est élevé.
En payant cher, vous avez payé à celui qui vous a vendu ce titre une partie de ce que vous allez recevoir.
Généralement, ce genre d’idée passe mieux avec l’investissement immobilier : si vous surpayez votre investissement immobilier pour le mettre en location, vous avez en quelque sorte mangé/neutralisé une partie des loyers futurs.
La bulle, une incohérence logique
Le mot « bulle » est souvent utilisé sur les marchés financiers, mais rarement correctement.
Vous voyez, ce qui définit une bulle, ce n’est pas que les valorisations sont extrêmement élevées ou que les rendements attendus sont extrêmement faibles. Non, ce qui définit une bulle, c’est l’incohérence logique.
Les investisseurs font monter les valorisations sans ajuster simultanément les attentes de rendements futurs qui deviennent ipso facto inférieurs.
Autrement dit, les investisseurs extrapolent les rendements passés en fonction du comportement des prix, même si ces attentes sont incompatibles avec les rendements qui découlent des flux de trésorerie actualisés à venir.
Quand on paie plus cher, on réduit les rendements futurs – et ce faisant, on nie la possibilité que la hausse puisse continuer. On mange son gâteau tout en affirmant que l’on pourra encore le manger à l’avenir.
En mars 2000, au plus fort de la bulle technologique, Hussman notait :
« Au fil du temps, les ratios prix/revenus reviennent toujours en ligne. Ce qui signifie qu’il y a toujours réconciliation entre le prix que l’on paie et le rendement que l’on retire de son investissement.
Actuellement, une réconciliation entre le prix et le rendement attendu impliquerait une chute de 83% des actions technologiques.
Si vous comprenez les valeurs mobilières et si vous connaissez l’histoire des marchés, vous savez que nous ne plaisantons pas. »
L’effondrement de la bulle de 2000 a effacé en fin de compte la moitié de la valeur du S&P 500 et a fait chuter le Nasdaq 100 de la haute technologie de 83% : cette prédiction était d’une précision invraisemblable.
Compter deux fois la même chose
La caractéristique déterminante d’une bulle est l’incohérence entre les rendements attendus basés sur le comportement passé des prix et les rendements attendus basés sur les valorisations.
Si les investisseurs paient 150 $ aujourd’hui pour un titre parce qu’ils regardent en arrière les performances passées et considèrent qu’il va « continuer de monter » avec le temps, et se persuadent que les rendements futurs attendus sont toujours positifs alors que les flux ne seront que de 100 – vous avez une bulle.
La bulle c’est quand on compte deux fois la même chose. La hausse passée a été produite par les perspectives de rendement futur mais en même temps, cette hausse a détruit les perspectives de rendement futur, elle les a anticipés, ils sont dans les cours, inclus dans le prix. La hausse passée a mangé les rendements futurs.
Ainsi, les rendements positifs attendus par les investisseurs sont incompatibles avec les rendements qui assimileraient le prix à des flux de trésorerie actualisés.
La taille de la bulle est la fraction du prix du marché qui représente « l’air chaud » attendu.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]