Les outils dont se servent nos dirigeants pour élaborer leurs programmes masquent désormais la réalité, au lieu de servir à l’améliorer : la crise n’en sera que plus dure.
L’idée centrale de mon cadre analytique est que la crise est inéluctable, que c’est une nécessité logique dialectique.
Les contradictions du système se développent, elles s’amplifient au lieu de se résorber. On crée toujours plus de capital fictif et de moins en moins de capital productif.
La part des salaires baisse dans les revenus nationaux ; le besoin de profit pour maintenir le capital en vie et faire vivre les « esprits animaux » ne cesse de progresser car le capital s’accumule en raison de l’inflation des prix sur le marché financier.
Nous sommes dans un système à la Gribouille où, pour échapper aux conséquences de la suraccumulation, on crée de plus en plus de capital.
Gribouille se jetait à l’eau pour ne pas être mouillé.
Dans l’article que je commente ici, l’auteur n’utilise ni le même vocabulaire, ni le même cadre théorique, mais vous comprendrez aisément que son argument essentiel, structurant, de son raisonnement est la prolongation artificielle du cycle du crédit. Vous verrez que cela recouvre exactement ma thèse de la volonté de poursuivre la suraccumulation.
Simplement, la mienne est plus efficace car elle débouche sur la question de la suraccumulation du capital, puis de l’insuffisance du profit, puis sur le besoin de peser sur les salaires et puis sur la perversion vers l’économie spéculative.
La volonté de prolonger est centrale dans tous les cas.
Attention !
Elle crée une situation qui, au lieu de se rééquilibrer et de retrouver harmonie, se déséquilibre : c’est un engrenage vicieux qui fait que toute tentative de repousser l’inéluctable rend les forces de destruction de plus en plus fortes.
Cependant, depuis plus de 10 ans, nous répétons : attention ! Tout cela peut durer, durer beaucoup plus longtemps que vous ne pouvez l’imaginer car les autorités certes ne peuvent résoudre les problèmes… mais elles ont en main la planche à billets qui permet de tout retarder, tout repousser dans le temps.
Face à la crise de suraccumulation, on peut durer en créant toujours plus de crédit, plus de monnaie, en baissant plus les taux d’intérêts et en transformant toujours plus de profit productif en profit spéculatif.
En clair, on peut s’enfoncer plus profondément dans l’imaginaire.
On peut durer en enfonçant de plus en plus l’économie et la vie des gens dans un monde imaginaire, Potemkine, de valeurs fausses ; les signaux du réel sont perdus dans les méandres et les couches d’artifices du système.
Les instruments ont pris vie
Peu à peu, le système devient inadapté à la réalité matérielle et humaine. Il devient un écran entre les hommes et le monde au lieu d’être un outil pour le transformer positivement.
La comptabilité, les livres de comptes, les abstractions, qui reflètent en fait des opérations fictives, s’interposent entre les hommes censés le diriger/piloter et le monde réel.
Ils naviguent sans repères alors qu’ils multiplient eux-mêmes les écueils et récifs.
On voit que c’est déjà ce qui se passe : les élites ont perdu le contact avec la réalité !
Elles se guident sur des programmes qui leur dissimulent le monde au lieu de se repérer sur le monde pour tracer des programmes.
Les instruments ont pris leur vie propre, ils sont devenus fétiches. Exemple : ils ont donné vie à l’absurdité concrète mais « rationnelle » des taux d’intérêt négatifs !
Personnellement, nous luttons contre les catastrophistes et autres millénaristes qui prétendent prédire le chaos pour demain ou après-demain et nous disons : vous n’imaginez pas le pouvoir d’illusion des apprentis-sorciers ; il est symétrique de la naïveté et de la bêtise du public.
Les élites tirent leur pouvoir de l’ignorance, de la gogoterie des gens. Elles n’ont aucun vrai pouvoir par elles-mêmes – si ce n’est un pouvoir de créer des illusions.
Les élites peuvent tromper très longtemps car le public et les faux clercs ne comprennent rien.
Plutôt que d’attendre une réaction du public, je répète à qui veut l’entendre que la crise viendra du réel, de ses limites intrinsèques, c’est-à-dire que la crise viendra non de la prise de conscience par les gens de l’impasse dans laquelle ils sont menés, mais de l’impossibilité réelle d’aller plus loin dans la voie suivie.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]