Nous sommes incapable de nous rappeler, de comprendre ou de suivre des stratégies d’investissement compliquées. Nous devons faire en sorte qu’elles restent simples.
Dans le cadre de notre Grand Plan Stratégique, nous achetons des actions lorsqu’elles sont bon marché ; lorsqu’elles ne le sont plus, nous plaçons notre argent en or. Nous avons déjà expliqué notre modèle d’allocation Dow/or.
C’est très efficace et très sûr. Mais peu sont ceux qui ont la patience de le faire. Parfois, il faut attendre des décennies avant de faire quoi que ce soit… ou d’engranger un gain.
Aujourd’hui, nous vous révélons un autre plan d’investissement irréalisable.
Chercher où coule le sang dans les rues
« Achetez quand le sang coule dans les rues », conseillait un antique Rothschild. Nous pourrions ajouter à cela qu’il vaut mieux s’assurer que ce n’est pas votre sang qui coule.
Cela nous inquiétait d’ailleurs un peu lorsque nous sommes arrivé à Managua mardi… puis à nouveau hier pendant un vol en hélicoptère.
« Pensez-vous qu’on puisse atterrir ici ? » avons-nous demandé au pilote.
C’est la saison des vents, au Nicaragua, et nous avions pris le petit hélicoptère Robinson en mission d’exploration. Nous voulions voir les dégâts qu’avait engendré sur la côte le sang coulant dans les rues de Managua.
On estime que 300 personnes seraient mortes lors des manifestations contre le gouvernement, ici. Si l’on en croit les autochtones, des centaines d’autres ont été « escamotées » par les escadrons de la mort travaillant pour le président Danny Ortega.
Est-ce vrai ou non ? Nous n’en savons rien. Lorsqu’on se retrouve dans une telle situation, souvent, on ne sait pas grand-chose ; les vraies informations sont rares tandis que les rumeurs pullulent.
Au-delà des statistiques, nous avons nos propres chiffres. La fréquentation de notre restaurant et de notre hôtel sur place a perdu jusqu’à -50%. Nous pouvons rester ouverts — tout juste.
La plupart des concurrents ont mis la clé sous la porte pour réduire leurs pertes. Partout sur la côte, les gens cherchent désespérément du travail… des clients… et de l’argent.
« Je viens juste d’acheter un nouveau pick-up Toyota », nous a dit notre correspondant sur place. « Il était quasiment moitié prix. Beaucoup de gens ont acheté par crédit-bail… et ils ne peuvent pas assurer les paiements. Les véhicules reviennent donc aux concessionnaires… qui veulent s’en débarrasser ».
Lorsque les touristes ont disparu, l’argent aussi.
Hier après-midi, nous avons rencontré l’un des rares courageux ayant osé venir. « Docteur Fred » est un pédiatre de Boston qui offre son temps et ses compétences à la clinique locale.
Au lieu de se laisser effrayer par la crise politique, il s’est dit que les enfants de la région avaient plus que jamais besoin de lui.
« J’aime beaucoup travailler ici… Ils sont tous si gentils. Et ils ont besoin de moi », a-t-il dit modestement. « Je me suis toujours dit qu’il fallait partager ».
Nos propres motifs sont moins désintéressés. Nous donnons… mais nous prenons aussi. Dans la mesure où le sang est désormais censé couler dans les rues de Managua, les prix de l’immobilier chutent dans tout le pays. Nous sommes sorti dans l’hélicoptère jaune pour jeter un œil.
Bill se prépare à monter dans l’hélico
A la recherche d’un endroit où se poser
L’idée était d’atterrir sur un minuscule bout de terrain au sommet d’une crête, d’où nous pourrions avoir une belle vue, et de descendre ensuite à pied jusqu’à la plage, loin en contrebas.
Mais lorsque l’hélicoptère a approché du timbre-poste dégagé au milieu de la forêt, une rafale de vent l’a fait remonter — secouant trois de ses quatre passagers. Le quatrième, le pilote — un vétéran en matière d’hélicoptères soviétiques datant de l’époque des sandinistes — était muy tranquilo.
« On ferait mieux d’atterrir ailleurs », a-t-il simplement dit.
Nous avons enfin touché terre ; une fois nos estomacs remis, nous avons pu explorer les environs — et réaliser que la plage était sublime. Elle était en vente il y a quelques années, mais les propriétaires en voulaient un prix exorbitant. Ils sont désormais plus raisonnables.
Votre correspondant sur une plage pittoresque
Une plage isolée sur la côte Pacifique
Un historique mitigé pour la stratégie sanguinaire
La règle « achetez quand le sang coule dans les rues » peut fonctionner pour tout et n’importe quoi. Nous ne l’utilisons que pour l’immobilier… où nous pouvons l’appliquer quasi-littéralement. Mais cela exige une patience presqu’inhumaine.
Notre propre historique de performances en la matière est mitigé. Nous avons commencé à acheter à Baltimore lorsqu’il y avait du sang dans les rues — dans les années 1980 –, et nous avons payé notre premier immeuble 1 $. Aujourd’hui, les prix sont plus élevés… mais pas beaucoup. Nous possédons désormais plusieurs bâtiments. Et le sang coule toujours dans les rues.
L’occasion suivante s’est matérialisée ici même, au Nicaragua. Presque par accident, l’un de nos analystes a trouvé une propriété extraordinaire qui était aussi extraordinairement bon marché… moins de 100 $ l’acre, donnant directement sur le Pacifique. C’était tellement donné que nous l’avons achetée sans même la voir.
Mais une bonne affaire ne remplace pas l’expérience. Sur les 20 années qui suivirent, nous avons prouvé qu’on peut perdre de l’argent même sur le terrain le plus magnifique acheté au prix le plus bas.
Nous n’avons pas abandonné la stratégie pour autant. En Argentine, suite à la crise financière du début des années 2000, l’immobilier était très bon marché.
Dans la mesure où nous avions une équipe de rédaction sur place, il semblait logique de profiter de ces bouleversements pour acheter un bureau.
Mais nous avons été un peu lent à dégainer. La propriété que nous avons acquise — où se trouvent désormais nos bureaux — était bien placée, et à bon prix, mais ce n’était pas pour autant une affaire. En fait, une fois terminées les réparations et les améliorations, ce n’était plus du tout une affaire.
A présent, l’Argentine traverse une nouvelle crise : l’inflation atteint les 40% par an… et le gouvernement pourrait ne pas survivre aux prochaines élections. Peut-être pourrions-nous retirer nos billes… ou pas. Nous ne voulons pas vraiment nous en assurer.
Jamais trois sans quatre
Invaincu… et probablement guère plus sage… nous avons fait une quatrième tentative. Nous avons profité de la crise immobilière en Irlande après la crise du crédit mondiale en 2008.
L’Irlande était allée trop loin ; elle avait beaucoup trop emprunté et avait fait grimper les prix de l’immobilier bien trop haut. Résultat : les prix se sont effondrés en 2008, atteignant des niveaux ridicules.
C’est à ce moment-là que nous avons décidé de faire de l’Irlande le centre de notre activité mondiale. Après quelques faux départs, nous avons fini par trouver un bâtiment adapté, qui remplit désormais parfaitement ses fonctions.
Notre siège irlandais
L’intérieur rénové du siège irlandais
Mais entre le moment où nous avons pris la décision d’investir… et celui où le bâtiment a enfin été prêt à l’usage… au moins quatre ans s’étaient écoulés.
Entre temps, le sang avait coagulé. Ce qui avait semblé être un investissement rapide et opportuniste se révéla être un placement de long terme au rendement modeste.
Vous voyez donc, cher lecteur, que la théorie est probablement encore exacte. Achetez quand le sang coule dans les rues. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire réellement.
1 commentaire
D’expérience cela fonctionne en effet plutôt bien sur les indices boursiers.