** Les banques et autres entreprises financières font beaucoup jouer l’effet de levier. C’est une bonne chose pour les actionnaires des banques quand tout va pour le mieux, mais une très mauvaise lorsque les pertes sur prêts commencent à nuire aux capitaux.
– Les banques investissent le capital des actionnaires de façon à multiplier par 15 ou 20 le rendement et les risques. Une banque peut étendre la taille de son chiffre d’affaires lorsqu’elle emprunte de l’argent à ses clients. Les actionnaires de la banque utilisent l’argent des clients pour acheter de nouveaux capitaux, ce qui génère une rentrée d’argent qui paie le rendement fixe des clients. La banque conserve ensuite le surplus des rendements payés aux clients. Plus l’effet de levier est important, plus le rendement sera élevé, surtout si la banque en question investit ses capitaux avec sagesse (ou chance).
– Malheureusement, beaucoup de banques américaines n’ont pas eu cette sagesse (ou cette chance). Ce qui explique le flot ininterrompu de nouvelles concernant les pertes, les milliards de dollars de SIV, de CDO, et autres instruments contaminés par les hypothèques. Pour comprendre ce qui se passe, imaginez que quelqu’un laisse tomber ces instruments exotiques, complètements détériorés, dans la colonne capitaux du registre des comptes d’une banque ; saupoudrez d’une grosse cuillérée d’effet de levier, et voilà : un délicieux "gâteau au bilan renversé".
– Parmi les capitaux des banques, les titres adossés aux créances hypothécaires jouent désormais un rôle aussi important que les prêts hypothécaires tout court. Lorsque ces capitaux sont mal en point, ou perdent de la valeur, les fonds de la banque, ou son capital, peuvent disparaître en un rien de temps.
** Un article paru dans The Economist nous en dit plus :
– "Toute cette agitation attire l’attention sur le ratio de capital des banques — la quantité d’argent qu’elles mettent de côté, en pourcentage de capitaux, pour couvrir les pertes imprévues. Ce ‘coussin de sécurité’ est écrasé de toutes parts. Tout d’abord, les pertes nettes rongent directement le capital. Ensuite, le ratio de capital étant calculé sur la base du degré de risque que présente la banque, la dégradation de notation ajoute encore aux sommes que les banques doivent mettre de côté pour les mauvais jours. Enfin, les capitaux augmentent du fait que les banques prennent en charge le financement de plus de véhicules hors bilan, ce qui ajoute encore au capital dont elles ont besoin".
– Les banques et autres entreprises financières qui se retrouvent du mauvais côté de cette crise doivent reconstruire leur capital. Elles peuvent le faire de diverses façons, mais toutes elles vont leur déplaire.
– Premièrement, les entreprises pourraient sortir de nouvelles actions. Ce qui sera forcément douloureux puisque cela va diluer les biens des actionnaires existants alors que les prix des titres sont déjà en baisse. C’est aussi particulièrement embarrassant pour des entreprises comme MGIC Investment Corp. et MBIA Inc. Ces assureurs sur hypothèque rachetaient de gros blocs de titres à des prix bien plus élevés. Ils vont maintenant devoir revendre ce stock au public à bas prix, ce qui va engendrer des centaines de millions de pertes économiques pour les actionnaires. C’est un geste douloureux pour ces entreprises, mais elles doivent couvrir leurs dettes, ce qui signifie aussi payer pour la vague imminente de pertes en crédit et en hypothèques structurés.
– Deuxièmement, l’entreprise pourrait réduire les dividendes. Lorsqu’une banque paie un dividende, cette transaction réduit à la fois les capitaux et les fonds propres, générant une légère diminution du ratio fonds propres/capitaux. Quand ce ratio tombe en dessous d’un niveau donné, une banque peut être sûre d’avoir droit à plus d’examens réglementaires. Diminuer les dividendes peut être douloureux pour les actionnaires, mais c’est ce qu’il y a de moins douloureux pour reconstruire le capital.
– Troisièmement, ces entreprises pourraient vendre des capitaux "non essentiels". Les conglomérats financiers comme Merrill Lynch ont la possibilité de vendre leurs actifs à un large panel d’entreprises afin de récolter de l’argent. Merrill possède près de la moitié d’un des spécialistes de la gestion et de l’investissement, BlackRock. Merrill pourrait vendre ces intérêts pour reconstruire le capital dans sa division aujourd’hui pilonnée par les pertes de CDO.
– Enfin, notre société financière hypothétique pourrait mettre un frein à l’augmentation de son portefeuille de prêts. Cela permettrait à l’argent qui entre régulièrement grâce aux anciens prêts de rester sur le bilan, plutôt que de financer de nouveaux prêts. Au niveau d’une entreprise, cela peut être une bonne chose, mais pas au niveau économique au sens large. Lorsque les banques ralentissent le nombre de prêts, il devient plus difficile d’obtenir un crédit, même pour les bons payeurs. Goldman Sachs estime, comme le rapporte The Economist, que "si les banques souffrent de pertes de 200 milliards de dollars sur les hypothèques subprime, mais souhaitent conserver leur ratio de capital au dessus des 10%, cela risque de bloquer les prêts à hauteur de près de deux milliers de milliards de dollars".