Lors de la prochaine crise, la Fed et la BCE ne pourront pas créer des milliers de milliards de dollars ou d’euros et le FMI ne pourra pas sauver les pays développés.
En 2015, j’ai participé à plusieurs comités consacrés aux conflits économiques, et notamment à une simulation de guerre économique, au Pentagone, où la Chine et les Etats-Unis étaient adversaires.
Au fil des analyses de nos scénarios, j’ai renouvelé mon inquiétude concernant le fait que la Chine et la Russie aient triplé leurs réserves d’or ces dernières années, évoluant vers une marginalisation du dollar américain en tant que devise de réserve mondiale. David Dollar a objecté vigoureusement. L’émissaire au patronyme prédestiné s’est tourné vers moi en tapant du poing sur la table et en s’exclamant :
« Le dollar est la devise de réserve mondiale depuis longtemps, il est la devise de réserve mondiale aujourd’hui, et il restera la devise de réserve mondiale à l’avenir ! ».
Je l’ai regardé et lui ai dit :
« David, c’est comme si j’étais assis à Whitehall en 1913 à écouter John Bull déclarer ‘la livre sterling est la devise de réserve mondiale depuis longtemps, elle est la devise de réserve mondiale aujourd’hui, et elle le restera à l’avenir !' ».
Le long déclin de la livre sterling, en tant que monnaie de réserve mondiale, a débuté en novembre 1914 et s’est déroulé jusqu’à Bretton Woods, en 1944. Aujourd’hui, la livre sterling représente une part insignifiante des positions de réserve et des règlements internationaux.
Mais David Dollar n’est pas le seul membre éminent de l’élite monétaire ressentant une confiance illimitée vis-à-vis du statut du dollar comme référence pour le système monétaire international.
Le 15 février 2017, j’ai rencontré personnellement l’ex-secrétaire au Trésor Tim Geithner, lors d’une réunion en petit comité, à New York. Je lui ai demandé franchement quel était le plan, s’agissant de la prochaine crise monétaire, et notamment certains aspects du reset monétaire mondial.
J’ai suggéré que la Fed avait fait peu d’efforts pour réduire son bilan après la crise de 2008 : il était toujours aux alentours de 4 200 milliards de dollars, niveau atteint fin 2014. J’ai exprimé mes doutes sur la capacité qu’aurait alors la Fed à doubler voire quadrupler à nouveau son bilan, comme elle l’avait fait après la crise de 2008. Ensuite, j’ai demandé de but en blanc à Geithner s’il pensait que le FMI allait éventuellement imprimer des milliers de milliards de droits de tirage spéciaux (DTS) pour réinjecter des liquidités dans le système monétaire international, en cas de nouvelle crise, ce qui représenterait une forme de reset monétaire mondial.
A ma surprise, Geithner a écarté l’idée que le FMI puisse sauver le monde. Voici ce qu’il a dit :
« Nous avons essayé, après 2008, et cela n’a pas très bien marché ».
Le problème est en partie dû au fait que l’émission est intervenue longtemps après l’apaisement de la crise, et même après le début de la reprise aux Etats-Unis. En outre, les montants en question étaient modestes, par rapport aux 10 000 milliards de dollars de swaps de devises organisés entre la Fed et la BCE, et les milliers de milliards de dollars d’émission d’argent frais que la Fed avait entrepris via le QE1 et, par la suite, les QE2 et QE3.
Qui renflouera les gouvernements ?
J’ai questionné encore Geithner. Voici ce que je lui ai dit :
« Bon, si la Fed ne peut élargir son bilan et que l’émission de DTS du FMI est inefficace, alors comment la Fed et les autres banques centrales gèreront-elles une nouvelle crise mondiale de liquidité ? »
Geithner est resté silencieux puis il m’a dit : « des garanties ».
La proposition de Geithner m’a laissé très sceptique. Si les garanties ont fonctionné en 2008, c’est parce que la panique concernait les établissements de crédit privés et que le gouvernement a pu recourir aux garanties publiques pour soutenir le crédit privé. Lors de la prochaine crise, ce sera différent.
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Les acteurs de l’investissement, publics et privés, prennent pour acquis que le gouvernement renflouera les banques. Mais qui renflouera le gouvernement ? La prochaine crise s’accompagnera d’une perte de confiance vis-à-vis du gouvernement lui-même, des banques centrales et de la monnaie fiduciaire. Comment un gouvernement peut-il se « garantir » lui-même lorsque c’est justement le crédit du gouvernement qui est remis en question ?
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« Les acteurs de l’investissement, publics et privés, prennent pour acquis que le gouvernement renflouera les banques. Mais qui renflouera le gouvernement ? La prochaine crise s’accompagnera d’une perte de confiance vis-à-vis du gouvernement lui-même, des banques centrales et de la monnaie fiduciaire. Comment un gouvernement peut-il se « garantir » lui-même lorsque c’est justement le crédit du gouvernement qui est remis en question ? »
Evidemment, les gouvernements ne le pourront pas !
Nous assistons probablement à la fin très prochaine du dollar et des autres monnaies papier qui gravitent autour.
Le reset monétaire va se traduire par la ruine générale et la perte de confiance dans les banques et les Etats.
Depuis le début, depuis son invention, il y a comme une malédiction qui pèse sur la monnaie papier. (et sur l’usure qui découle de son utilisation)
Depuis le 15 août 1971, c’est à dire depuis la fin du lien entre le dollar et l’or, c’est la sarabande infernale des dévaluations, des déficits commerciaux, des déficits des balances de paiement, des dettes publiques
monstrueuses, etc.
Je ne pense pas que ces décennies de gabegie puissent être récupérables aujourd’hui.
A mon avis, il est beaucoup trop tard pour sauver le malade, qui finira comme le système de Law et comme les assignats, le continental dollar et tant d’autres monnaies.
Dans le système du Gold Exchange Standard de Bretton Woods, l’administration Nixon en 1971, plutôt de que dévaluer sa monnaie par rapport à l’authentique référence monétaire représentée par l’or, ont préféré démonétiser l’or et le remplacer par le dollar.
Erreur colossale !
En quelque sorte, il ont cru naïvement que le dollar pouvait jouer le rôle d’étalon monétaire à la place de l’or.
Le Roi dollar était devenu de l’or et toutes les autres devises devaient graviter autour de lui.
Plus personne ne devait toucher au dollar, en cas de déséquilibre, c’est aux partenaires commerciaux des Etats Unis qu’il appartenait de dévaluer ou déprécier leur devise…
En outre, les Etats Unis n’ont pas respecté les accords de Bretton Woods, lorsque l’or fuyait Fort Knox suite aux demandes de conversion des banques centrales étrangères, la Fed devait réduire la masse monétaire papier en proportion des sorties d’or, afin de garantir le taux officiel de 35 $ l’once.
Ce que la Fed n’a pas fait.
Dès 1960, des signes de craquements sont apparus, et le Pool de l’Or, qui regroupait les principales banques centrales mondiales, s’est évertué à maintenir le taux officiel de 35$ l’once, celui fixé par Roosevelt en… 1934 !!
Mais, encore une fois, il s’agissait d’une erreur colossale, il aurait fallu dévaluer le dollar pour maintenir la convertibilité du dollar à un taux qui n’aurait pas entraîné la fuite des réserves d’or américaines. ( à cette époque, 1961, la véritable valeur de l’or tournait autour des 100 $, et en 1974 la situation s’étant aggravée entretemps, autour des 400 $)
Les financiers de cette époque se sont trompés de point fixe.
Il appartenait au dollar de graviter autour de l’or ( dévaluation ou réévaluation selon les cas) et non l’inverse !
Et alors qu’ils n’ont pas respecté les règles du jeu, les financiers ont eu l’audace de soutenir que le problème provenait de l’étalon de change-or !!
Le Gold Exchange Standard avait certes des défauts que n’avait pas le véritable étalon-or ( le Gold Standard); et que Jacques Rueff et le professeur Triffin ont dénoncé. ( Voir notamment « Le péché monétaire de l’Occident » , par Jacques Rueff)
Malgré ses défauts, il était 100 fois meilleur que le système actuel si l’on avait respecté ses règles élémentaires.
La conséquence de la décision de Nixon est que depuis 1971 le système monétaire mondial décorrélé de l’or dérive depuis 47 ans et ne dispose plus d’aucun ancrage, il est devenu totalement incohérent.
La politique monétaire et la politique budgétaire collaborent dans l’objectif reconnu de maintenir de l’inflation aux alentours de 2% par an, afin de maintenir une illusion de « croissance » et d »éviter la dégringolade des monnaies papier vers leur valeur intrinsèque, qui est nulle.
2% d’inflation par an ( on doit avoir beaucoup plus si les chiffres n’étaient pas manipulés); cela représente en un an le double de l’inflation du franc germinal en un siècle !
Aujourd’hui, quelle serait la valeur/pouvoir d’achat du dollar, en termes de marchandises,dans un marché mondial réellement libre ?
On n’en sait rien, sinon qu’il est certainement très surévalué.
Et comme l’or est démonétisé, il est devenu impossible, non seulement de répondre à cette question, mais de dévaluer le dollar !
On ne peut pas dévaluer le dollar par rapport à un panier de monnaies-papier…
Je pense que le reset monétaire mondial, qu’il se produise de gré ou de force, c’est à dire avec ou sans la volonté des banquiers, va entraîner la ruine générale.
Il n’y a rien ni dans les Caisses de l’Etat, ni dans les coffres des banques.
Toute cette fausse prospérité, c’est du vent !
On assiste à une lutte gigantesque entre le réel et le virtuel.
Qui va l’emporter, du dollar ou de l’or, qui va mordre la poussière ?
Qui vivra verra…
« David Dollar a objecté vigoureusement. L’émissaire au patronyme prédestiné s’est tourné vers moi en tapant du poing sur la table et en s’exclamant :
« Le dollar est la devise de réserve mondiale depuis longtemps, il est la devise de réserve mondiale aujourd’hui, et il restera la devise de réserve mondiale à l’avenir ! ». »
Si la situation n’était pas aussi grave, cette attitude, cette rodomontade serait comique et grotesque.
Mais je pense que nous n’avons pas envie de rire.
Les Chinois et les Russes non plus.
Les chiens aboient, la caravane passe.