Le problème de l’argent est qu’il mesure des quantités mais qu’il est moins apte à mesurer la qualité, notamment celle des idées ou du statut social.
Peut-on vivre décemment grâce aux seules prestations sociales ? Hier, nous avons dit à un vieil ami que c’était possible.
Mais est-ce le cas ?
Bien entendu, la réponse est évidente : tout dépend de ce que vous entendez par « vivre décemment ».
Aujourd’hui, nous levons l’ancre et larguons les voiles. Nous allons explorer une terre lointaine. Le vent va gonfler les voiles et nous emmener observer non pas l’argent, mais l’absence d’argent. Nous partons découvrir si l’argent contribue tant que cela à « vivre décemment ».
Sous-entendu : nous aimerions découvrir une île, quelque part, où nous pourrions vivre heureux sans argent.
Comme les fidèles lecteurs de La Chronique le savent, nous avons été riche et pauvre.
En grandissant, nous étions l’homme blanc le plus pauvre que nous connaissions. Plus tard, nous avons bénéficié de forces incontrôlables : la révolution de l’information et le système de l’argent falsifié.
Internet est arrivé dans les années 1990 et nous a permis d’éliminer les dépenses les plus importantes de notre activité d’éditeur de lettres d’information : le papier et les frais postaux.
Ensuite, le système de l’argent falsifié a poussé les baby-boomers à investir leur argent. Ils avaient besoin de conseils : beaucoup d’entre eux se sont tournés vers nous.
Si nous ne méritons pas d’être félicité pour nous être trouvé au bon endroit au bon moment, nous ne méritons pas non plus qu’on nous le reproche. Mais nous faisons désormais partie de ces gens vilipendés par la presse « sociale-libérale » : les 1% les plus riches, si détestés et avides. Et dans le même temps, les sénateurs républicains clament que ce sont des « créateurs d’emplois » et souhaitent les enrichir encore plus !
Alors nous nous demandons ceci : quelle est la différence ?
Le confort sans argent
L’argent peut vous apporter deux choses. Il vous permet d’acquérir du confort et/ou un statut.
Pour faire bref : ni l’un ni l’autre ne vaut un centime, pour ainsi dire.
En ce qui concerne le confort, on l’obtient facilement. Et pour pas cher. En hiver, nous nous asseyons devant un feu de cheminée. Cela ne coûte pratiquement rien. Mais cela réchauffe nos mains et notre coeur. Lorsque les nuits sont froides, nous avons une couverture électrique sur notre lit.
En été, il est difficile de faire mieux que s’asseoir sur la terrasse… ou sous le hêtre. Oui, nous avons l’air conditionné dans la maison et au bureau, mais ce n’est pas très cher si on l’utilise avec modération.
De quoi d’autre avons-nous besoin ?
Les vêtements peuvent être simples et incroyablement bon marché, notamment s’ils sont « de seconde main ».
Et la bonne nourriture ?
Un jardin bien entretenu fournit à peu près tout ce dont on a besoin. L’un de nos oncles était si doué pour le jardinage qu’ils faisaient pousser presque tous ses fruits et légumes dans son jardin.
Le reste de notre confort n’est pas forcément coûteux non plus.
Nous avons un vieux pick-up qui fonctionne bien. C’est une antiquité mais il ne vaut pas grand-chose donc l’assurance est relativement bon marché.
Le statut intellectuel mesuré sans argent
Alors passons à cette autre chose que l’argent peut acheter : le statut social.
Nous avons besoin de peu de choses pour survivre : de la nourriture, des vêtements et un abri pour nous protéger des vents froids. Mais notre désir de statut est infini.
Heureusement, il est également remarquablement flexible.
On peut acquérir un statut en achetant une nouvelle Jaguar, en conservant sa vieille Honda, en fréquentant des restaurants à la mode, en adhérant au club de Trump, à Mar-a-Lago, ou encore en rejoignant une congrégation, cela dépend des gens.
L’astuce, pour apprécier la pauvreté, c’est de retourner les symboles du statut dans votre direction. Il ne vous suffit pas de faire sans ces symboles, vous devez vous sentir supérieur parce que vous vous en passez : porter un pantalon K-Mart comme une médaille d’honneur.
Pour vous aider, nous avons fouillé dans l’ouvrage classique de Clive Bell Civilization. Bell, critique d’art anglais et membre du Bloomsbury Group, affirmait que les gens civilisés se soucient peu du confort ou de l’argent. Ils visent un statut plus élevé, que l’on ne peut mesurer en dollars :
« La vie d’un Athénien, si riche et complexe sur le plan de la pensée et des sentiments, était indigente en ce qui concerne la plupart des biens matériels […] Il semblerait que les citoyens les plus riches aient souvent dormi sur des fauteuils de salon – certes, cela s’apparentait plus à un banc, pratiquement – en s’enroulant dans leurs longs pardessus comme autant de voyageurs de troisième classe. Les maisons des Athéniens étaient petites, sans prétention et dépourvues d’ustensiles facilitant le travail… elles auraient provoqué la pitié condescendante d’un domestique moralement indigné et conscient de sa position sociale« .
A l’époque de la Grèce antique, par exemple, certains des plus grands penseurs de tous les temps s’enivraient puis étendaient simplement leurs manteaux sur les dalles et s’endormaient (voir Le Banquet, de Platon).
Ce n’est pas tant que le statut leur importait peu : ils étaient sûrement aussi aptes à la vanité et au snobisme que n’importe qui. Simplement, ils ne l’obtenaient pas en gagnant de l’argent mais, comme le souligne Bell, « par la pensée et les sentiments ».
Artistes, poètes, philosophes : ils étaient tous vénérés s’ils étaient doués. Qu’ils aient de l’argent ou non n’avait aucune importance.
Un grand sculpteur obtenait un certain statut… et lorsque les gens riches convoitaient ses oeuvres… il gagnait également de l’argent. Mais le statut provenait de son art, et non de l’argent.
Le statut social mesuré par l’argent
En Amérique, personne ne sait vraiment d’où vient l’argent, en particulier en cette période de Fin de Bulle. Alors il a tendance à être pris – en soi – comme un symbole de statut social.
Le malotru… le crétin… l’abruti… sont respectés s’ils ont acheté du bitcoin au tout début.
L’argent est un raccourci vers le statut social… et un substitut bon marché à la pensée et aux sentiments.
L’homme riche se fiche d’acheter une maison qui ait réellement de la grâce ou du charme. A la place, il en achète une qui coûte très cher. Il ne fait peut-être pas la différence entre un Barolo et un Beaujolais, à gauche du menu… mais il sait lire les chiffres à droite. Il n’a pas le temps de lire des essais provocants : il est trop occupé à gagner de l’argent.
Le problème de l’argent comme mesure du statut social est le même que celui de l’argent comme base d’une économie. Vous pouvez l’additionner. Les chiffres vous indiquent la quantité de bouteilles de bière consommées ou de somnifères produits. Mais les chiffres ne vous disent rien de la qualité de la bière ou de la tranquillité du sommeil.
Le riche finit par habiter dans une monstruosité abominable… à raconter n’importe quoi… et à se comporter comme une brute. Son argent l’élève au-dessus de ses concitoyens. Mais il n’est mis sur un piédestal que pour que les gens ayant un véritable jugement ou du goût se moquent de lui.
« La pensée et les sentiments » ne peuvent se calibrer avec de l’argent. Ils sont qualitatifs, et non quantitatifs.
Parfois, l’argent peut aider à provoquer des pensées et à cultiver des sentiments. Parfois, ce n’est qu’un obstacle.
[NDLR : Noël approche et vous aimeriez bien aider des proches. Savez-vous précisément jusqu’à quelles limites vous pouvez donner sans donner au fisc ? Découvrez ici comment gratifier vos proches en franchise d’impôt.]
2 commentaires
La vraie richesse Bill, comme vous le dites si bien, c’est d’être au coin d’une cheminée et d’être auto suffisant sur le plan nourriture. Il y a cependant un hic. Pour faire cela, il faut une maison et un terrain. Ce qui est loin d’être le cas pour la majorité des gens en Europe, aux Etats-Unis ou ailleurs dans le monde. La grande majorité des gens doit se contenter d’un logement locatif( pour les plus chanceux) sans avoir le choix d’une cheminée et surtout sans terrain pour y planter ses légumes. Ces gens-là doivent se contenter de vivre là où le « marché » le définit: dans les banlieues ou les HLM et se contenter de la « merde » vendue en grande surface.
En effet la richesse reste à définir… définition qui échappe de toute manière au 1% des plus riches de cette planète.
« Je suis riche des biens dont je sais me passer »
Louis Vigée
1715 -1767